Le segment C est sans doute le plus concurrentiel du marché européen. VW Golf et Ford Focus trustent régulièrement le haut du podium et semblent s’imposer en références de leur catégorie. Mais la vie est-elle fatalement faîte de dualités ? Après tout, rien ne nous empêche de conduire une autre compacte. Du charme tout italien des Lancia Delta ou Alfa Giulietta au péril jaune des Kia Cee’d et Hyundai i30 faisant frémir nos élites républicaines [sarcasme] en passant par les françaises, le choix ne manque pas. Alors rien de tel que l’essai de notre Citroën C4 nationale pour juger de la pertinence de cette alternative bien de chez nous. Enfilez votre marinière, mettez votre béret, une baguette sous le bras et partons la tester… Sur les routes roumaines.
Présentation
Produite à Mulhouse chez l’ami Romuald (c’est ton moment de gloire, vieux), la seconde génération de Citroën C4 gagne en maturité ce qu’elle perd en originalité par rapport à sa devancière. Le design ne veut moins clivant et prend moins de risques. Pour gagner en élégance ? Pas si convaincant, les proportions semblant désormais un peu maladroites. La qualité perçue fait en revanche un réel bond en avant que le Grand Timonier n’aurait pas renié, au point de pouvoir tutoyer une Golf VI (la dernière génération m’a toutefois paru un ton au-dessus). Soudures laser entre les côtés de caisse et le pavillon, bonne cohérence des grains dans les plastiques intérieurs, ajustements et accostages soignés, coiffe de planche de bord valorisante. Les détails sont nombreux et changent réellement la donne face à la précédente mouture. La C4 est nettement plus soignée que les Focus, Astra ou Megane de ce point de vue. Elle surclasse également la nouvelle Auris, en particulier côté tôlerie. On regrettera simplement certains aspects comme la signature lumineuse assez quelconque de la voiture ainsi que les enjoliveurs visant à prolonger visuellement les feux arrière dans le hayon auxquels on ne croît pas trop… De même, les lécheurs de vitres chromés d’une 208 sont plus réussis que ceux de cette C4. Mais étant donné que je dois être un des rares pèlerins à relever ce genre de détails, autant dire que la C4 est globalement réussie et valorisante. Ce véhicule d’essai est un milieu de gamme (finition Confort) doté des options pack arrière (radar de recul, rétros rabattables électriquement avec éclairage d’approche et prise 12V dans le coffre), de jantes en alu de 16 pouces et d’une jolie livrée rouge Babylone qui change agréablement des sempiternels gris ayant les faveurs de mes compatriotes. 110 équidés logent sous le capot de cette version 1.6 HDI boite 6 vitesses (moteur actualisé en HDI 115, plus sobre et plus coupleux depuis quelques jours). Cette C4 est affichée à un tarif de 25 530 € (options incluses) et je compte sur votre pouvoir de négociation, la crise et primes d’objectif de décembre des concessionnaires pour faire baisser la note. De nos jours, on n’achète plus un véhicule au prix catalogue ma bonne dame.
Vie à bord
La C4 se veut accueillante. Non seulement son habitabilité est bonne mais, contrairement à sa devancière, son accessibilité est soignée : les portes s’ouvrent assez largement et les brancards de pavillon se font suffisamment discrets pour permettre aux plus grands de rentrer sans se contorsionner. Par ailleurs, les amplitudes de réglages du siège et du volant sont fort appréciables à défaut d’égaler ce qui se fait chez Volvo. A propos de la sellerie, celle-ci se révèle bien dimensionnée et bien dessinée, les supports latéraux et lombaires ainsi que la longueur d’assise se révélant bien conçus. L’original appuie-tête est en outre réglable selon 2 axes. On est donc à mille lieues des infâmes sièges de la Renault Megane et c’est tant mieux (oui, on n’a pas peur de dénoncer). Le volant mérite également qu’on s’y attarde, ne serait que parce que mon pote Anthony a bossé dessus (tu viens d’épuiser une des quinze minutes de célébrité promises par Warhol). S’il abandonne la technologie du moyeu fixe pour des raisons de coût et de journalistes réfractaires au changement mieux satisfaire la clientèle, sa forme n’en reste pas moins travaillée avec une préhension particulièrement réussie. La section de la jante est caractéristique de l’originalité que l’on attend d’une Citroën et le grain du cuir est agréable. A noter que si le volant de ce milieu de gamme est recouvert de croûte de cuir, celui des versions Exclusive est quant à lui garni de semi aniline. Rare à ce niveau de gamme. Si Mick Jagger appréciera d’avoir les différentes fonctions under his thumbs, je dois avouer préférer les satellites sous le volant (façon 3008). Quoi qu’il en soit, les commandes intégrées présentent une bonne ergonomie et leur manipulation est assez feutrée. Ford ferait mieux de s’en inspirer pour sa Focus (commandes un peu basses et bas de gamme). A noter que depuis ce mois-ci, seules les versions Exclusive intègrent les commandes de Bluetooth et le rhéostat d’instrumentation au volant.
Un mot sur la connectivité : la voiture dispose d’une prise jack et d’une USB. Les commandes du véhicule permettent de piloter mon vieil iTéléphone 3GS sans souci. On déplorera simplement l’absence d’écran tactile sur la C4 qui aurait réduit le temps de parcours dans mes 30 GO de musique (ainsi que l’inhibition de l’écran dudit téléphone une fois connecté, sottise d’Apple). Vous réfléchirez à deux fois avant de passer de « Arctic Monkeys » au « Velvet Underground »… La radio (4 HP + 2 tweeters), quant à elle, est certes correcte, bien équilibrée mais pas exceptionnelle. L’instrumentation, esthétique et lisible est dotée d’un indicateur de changement de rapports mais fait l’impasse sur la jauge de température moteur. A ce niveau de gamme, c’est difficile à tolérer. La C4 se rattrapera avec un joli plip qui permet, outre la fermeture des vitres à distance, leur ouverture. Ce raffinement n’est même pas accordé aux C5 et C6 qui se contentent aussi d’une vieille clé moins valorisante, allez comprendre… Enfin, vous profiterez d’une rehausse pour le siège passager, d’une clim automatique bizone, d’un AFS statique (lié aux antibrouillards), de 4 vitres électriques, du régulateur/limiteur de vitesse, de plafonniers efficaces et soignés, d’une vaste boîte à gants réfrigérée, de nombreux espaces de rangements et d’un fort vaste coffre de 408 litres. Si la banquette est rabattable 2/3-1/3, il manque toutefois un accoudoir et des buses d’aération aux places arrière sur cette finition intermédiaire.
Sur la route
Contact : le 1.6 HDI 110 s’ébroue en douceur et se montre agréablement avare en vibrations. Cela tombe bien : comme tout 4 cylindres en ligne à combustion interne qui se respecte, sa sonorité est quelconque alors autant qu’il se fasse oublier. Outre le moteur, c’est l’isolation phonique de la voiture qui est réussie : le tablier étouffe correctement les bruits mécaniques tandis que les joints de portes ont l’air aussi dispendieux qu’efficaces pour contenir les bruits d’air. Hiver oblige, la voiture était dotée de 4 enveloppes Michelin Alpin qui se sont révélées silencieuses (et efficaces sur les plages de la Mer Noire…). Quitte à verser dans le silence, je vous conseille d’opter pour une version eHDI munie du stop&start qui manquait à cette version. La consommation moyenne au cours des 800 kilomètres de notre parcours (globalement fluide) allant de Bucarest à Constanța puis aux Carpates était de 5,8 l aux cent ; la version 115 qui vient de lui succéder est légèrement plus frugale. Les montagnes se sont d’ailleurs révélées être un bon moyen de juger des liaisons au sol et du feedback de la direction de la C4. Et c’est bien là que les voitures de PSA se révèlent. Cette Citroën ne déroge pas à la règle : l’amortissement est bon que ce soit en compression ou en détente, le confort est au rendez-vous en dépit de routes vérolées. De même, la direction est consistante et la voiture se guide aisément depuis son agréable volant. A noter qu’à l’image de la 308, la C4 dispose d’une traverse arrière déformable tandis que les Golf et Focus ont recours à des essieux multibras plus sophistiqués… Pour un résultat globalement équivalent. La C4 mise avant tout sur son côté confortable et relaxant, avalant les kilomètres sans vous fatiguer. Il lui manque juste l’hydraulique pour combler les intégristes de mon espèce. Dynamiquement réussie, la C4 se place au-dessus d’une Megane dont la direction et l’insonorisation sont en retrait tandis que les 308 et Focus joueront une carte plus dynamique, question de caractère, tout simplement. Pour terminer, la commande de boîte (6 vitesses soient 15 de moins que mon vélo) se montre bien guidée et assez douce.
So far so good… Attend-voir, Eric : tu as l’air satisfait de la voiture, ce n’est pas dans tes habitudes. Il y a un « mais », rassure-nous ?
Ô lecteurs, vous avez appris à me connaître : toute réussie qu’elle est, la C4 manque singulièrement d’équipements « technologiques » : comme évoqué plus haut, pas de suspension hydraulique, même en option. C’est d’autant plus regrettable que des rivales comme les Astra, Golf et Delta peuvent être dotées d’amortissements pilotés moyennant supplément. En outre la voiture fait l’impasse sur de nombreux équipements, furent-ils optionnels : pas de toit ouvrant électrique (éliminatoire pour moi), pas de boîte de vitesse à double embrayage ou d’automatique 6 vitesses, pas d’écran tactile, pas de régulateur de vitesse adaptatif, pas d’accès et démarrage mains libres, pas de park assist, pas de détection piétons… La concurrence fait mieux. Enfin, ses possibilités de personnalisations sont trop peu nombreuses : le seul moyen d’échapper à la sempiternelle ambiance intérieure noire est d’opter pour la finition Exclusive… A condition de se contenter de la sellerie en tissu. Vous bénéficierez au moins d’un siège conducteur massant, c’est déjà ça. De même, impossible d’avoir des xénons ou une surmonte audio sans passer par la finition haute… Pour peu que vous soyez un peu exigeant en équipements, la C4 risque de ne plus coller avec vos attentes. On peut aussi déplorer, qu’ à l’image de ses rivales, la C4 manque un peu de caractère : homogène mais un peu lisse à mon goût. C’est d’autant plus dommage que la base est saine.
Conclusion
Alors, take it or leave it, cette C4 ? Tout dépendra de vous. Si vos attentes portent sur des prestations indisponibles dans cette Citroën (je vous ai dit que je voulais un toit ouvrant ?), vous n’y trouverez pas votre compte et passerez à côté d’un produit qui, en dehors de ces manques, est bien conçu. En revanche, si, à l’image de la majeure partie de la clientèle française, vous souhaitez une compacte milieu de gamme à boite manuelle et sans verser dans une débauche d’options, la C4 est bonne à marier. C’est peut-être même le meilleur choix du segment tant elle se montre confortable et relaxante, d’autant plus que sa présentation est valorisante. On regrette que Citroën ne lui ait pas accordé de version vectrice d’image (la Golf a sa GTI, la Focus, sa RS…) ou d’un zeste d’excentricité pour braquer les projecteurs sur une C4 aussi réussie que discrète. Et faîtes-moi plaisir : oubliez le gris, osez le rouge…
Contre-jour mal maîtrisé ? Vous ne comprenez rien à l’art… Ici devant le Casino de Constanța.
Le Palais du Parlement roumain, petite extravagance de Ceaușescu et second plus grand bâtiment du monde.
LuAZ 969 ukrainien face à la C4 hexagonale. La rouge n’est pas celle que l’on croit…
Epilogue… On n’allait pas rester sans métaphore musicale, non ?
L’excellente publication britannique CAR Magazine avait un temps comparé Citroën à Oasis : « autrefois brillants, ils prétendent toujours le redevenir ». Finalement, cette C4, bien née, bien réalisée mais sans vrai panache, c’est un peu comme Oasis sans le génie de Noel Gallagher. Beady Eye, en quelque sorte. La voix de Liam est là, les titres sont bien bâtis mais on n’est pas au niveau de Slide Away, Don’t Look Back In Anger, Champagne Supernova, Stand By Me ou bien des succès suivants. Oasis n’est pas prêt de se reformer, mais rien n’interdit Citroën de quitter le champ du « bon » pour renouer avec l’exceptionnel. En attendant, la C4 est une bonne voiture (voire très bonne selon vos attentes), parmi d’autres.
“C’est la mer Noire”