Essai : Citroën e-Méhari. Flirt estival

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C’est l’été. Un seul objectif concernant les quelques jours que vous comptez passer sur la côte : décompresser. Vous avez besoin de penser à autre chose qu’aux bouchons du matin, au café pas bon et aux réunions interminables. Et pourquoi pas une petite amourette de vacances ? Un truc sympa, sans prise de tête, une petite parenthèse sans lendemain. Paf, la e-Méhari rentre pile poil dans les cordes.

Justement, voilà une prétendante. La première chose que vous remarquez, bien sûr, c’est sa robe flashy, un « Orange Mécanique » bien pétant comme il faut, agrémenté de sièges ivoire. Est-ce que la e-Méhari est une jolie voiture ? Oh je ne pense pas, non. Ses proportions, avec cet énorme pare-brise et sa faible largeur, ne sont pas des plus gracieuses. Mais je trouve qu’elle a du charme…et je suis loin d’être le seul, d’ailleurs. J’ai eu la voiture pendant cinq jours et tout le monde (je dis bien tout le monde) s’est retourné sur mon passage. Encore pire que le Twizy ! Et les réactions étaient unanimement positives. « oh, c’est marrant, c’est quoi ? » « c’est super sympa comme caisse ! » « oh j’adore ! » et blablabla et blablabla et blablabla. Et comme j’avais totalement décapoté la voiture, les gens venaient naturellement entamer la conversation. Ça fait quand même un petit effet d’être constamment au centre de l’attention ; je me suis même surpris quelques fois à bomber le torse. Marrant.

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Enfin, elle fait la fière topless, mais l’histoire n’est pas exactement la même une fois recapotée. Car la e-Méhari peut recouvrir entièrement son habitacle via 7 panneaux de tissu et/ou de plastique amovibles : les 4 vitres, les deux parties du toit et la lunette arrière. Une fois tout remis, le sexy a manifestement pris ses congés. Il faut dire que des vitres en plastique mou gondolé n’ont que rarement eu les grâces des concours d’élégance… Et comment dire que la manœuvre de (dé)capotage nécessite du temps, de la bonne volonté et pas mal d’huile de coude ? En ramenant la voiture chez Citroën totalement décapotée, je me suis amusé à chronométrer la manœuvre complète. J’étais seul, avec une petite habitude de quel panneau poser où et dans quel ordre. Conclusion : la voiture était totalement couverte au bout de…13 minutes et 24 secondes. Vous êtes probablement en train de vous dire « ouh là là, pas intérêt à pleuvoir au milieu d’une balade », et vous avez doublement raison, puisqu’il est quasiment impossible de trimballer l’intégralité des éléments à bord. Passe encore pour le toit et les vitres arrières, qu’on peut glisser tant bien que mal sous la banquette, mais les vitres avant sont montées sur un châssis qui prend pas mal de place. Conclusion : si vous les emmenez avec vous, il faudra les mettre en vrac sur la banquette, ce qui revient à la condamner.

Avec, en prime, un aperçu exclusif des sous-sol Citroën

Ce qui est dommage, car elle est plutôt accueillante ! Deux adultes peuvent s’y installer sans aucun souci, que ce soit en termes d’épaules, de genoux ou -of course- de tête. Mais bon, pour ce point comme pour le reste de l’habitacle, je ne vais rien vous apprendre si vous avez déjà conduit une Bolloré Bluecar -vous savez, ces petites voitures moches utilisées par Autolib’, Bluecub et Bluely. Car oui, la e-Méhari n’est qu’un recarrossage de la Bolloré Bluesummer, elle-même une « simple » version décapotable de la Bluecar. Du coup, l’habitacle est entièrement repris de la reine de l’autopartage : sièges, banquette, planche de bord, plastiques médiocres, assemblages légers, tout. Seul les matières sont différentes : pour le plaisir de l’aventure et du storytelling, la e-Méhari est entièrement lavable au jet, intérieur comme extérieur. Du coup, les sièges sont en skaï, le plancher en caoutchouc et des petits trous sont même là pour évacuer l’eau. Si c’est pas beau.

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Le truc qui me gêne vraiment avec cet habitacle, c’est la quasi-impossibilité de laisser quoi que ce soit à bord. Ce qui faut savoir, c’est que, même une fois la voiture verrouillée (grâce à…un badge RFID, un autre héritage de la Bluecar), les portes et le hayon arrière restent totalement ouvrables. Un peu flippant, honnêtement. Sans compter qu’aucun rangement ne soit fermé -même si lesdits « rangements » se résument à une boîte à gants à peu près aussi profonde que les réflexions de Nadine Morano. Enfin, si, il y a bien un espace verrouillable dans l’habitacle, un seul : c’est une petite trappe dans le coffre, d’une capacité de 100 litres. C’est déjà pas beaucoup, et l’espace est si biscornu qu’on pourra difficilement caser autre chose que le câble de recharge.

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Eh oui, câble de recharge ! Dans « e-Méhari », il y a peut-être « Méhari », mais il y a surtout un petit « e ». e pour électrique. Vous vous doutiez bien que, tant qu’à reprendre l’intérieur d’une voiture électrique, autant aller à fond et reprendre aussi ses dessous. On retrouve donc, sous cette pimpante carrosserie en plastique, les caractéristiques du duo Bluecar/Bluesummer, soit un moteur électrique de 35 kW alimenté par une batterie LMP (Lithium Métal Polymère) de 30 kWh. Si vous avez déjà conduit une Bluecar, vous savez que l’expérience de conduite n’est pas des plus excitantes. Mais la vie est pleine de surprises. Au même titre que je ne m’attendais pas à trouver une certaine poésie dans les tweets de Laurence Haïm, j’ai découvert que cette e-Méhari était quand même bien sympa à conduire.

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Non, je ne plaisante même pas ! En ville, la voiture est suffisamment véloce pour passer en tête de pas mal de courses de feu rouge -sans compter, encore une fois, le regard de tous les passants qui boostent quand même un peu l’ego. Et si jamais quelqu’un vous fait l’affront de ne pas regarder votre drôle de cabriolet orange Stabilo, vous pourrez le rappeler à l’ordre en actionnant le bruiteur. S’en suivra une douce mélodie composée du chant des…cigales. La Citroën e-Méhari, une voiture virile jusqu’au bout. Une fois sorti des zones urbaines, le dynamisme est (beaucoup) plus relatif, mais cruiser les cheveux au vent sans trop de bruit fait toujours son effet. Il faut en revanche souligner un confort juste bluffant : chaque bosse, chaque dos d’âne, chaque nid-de-poule est absorbé en toute douceur par les suspensions. C’est juste parfait. Ce qui est moins parfait, c’est le sort des passagers arrière au-dessus de 70 km/h quand la voiture est décapotée : si leurs fesses seront au top, les remous d’air très très (…) très présents rendent l’expérience franchement pénible. Dans les virages, les pneus M+S sont fidèles à eux-même en crissant très fort et très tôt, mais, étonnamment, la voiture garde sa trajectoire. Pas de sous-virage, le train arrière reste à sa place, l’ESP fait un bon job.

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Et, une fois sur l’autoroute, la e-Méhari m’a encore bluffé : malgré sa vitesse limitée à 110 km/h et son physique…moyennement aérodynamique, elle reste plus que digne dans cet environnement. J’ai même, accompagné de mon petit Yann de French Driver, atteint la folle vitesse de 120 km/h dans la descente de l’A12. Bonne nouvelle : la voiture ne s’en offusque pas. La tenue de cap est bonne, les suspensions tiennent le coup, pas de vibrations ou de mouvements suspects, on se dit qu’on pourrait pousser un peu plus loin. Et puis on regarde l’autonomie se casser la gueule et on se dit que, tout bien réfléchi, il serait peut-être plus sage de prendre la prochaine sortie.

Powerrrrrrrr
Powerrrrrrrr

Ah, on attaque les choses sérieuses. Les batteries. M. Bolloré, mon cher Vincent, qu’est-ce qui t’a pris ? Pourquoi cette affreuse technologie ? Pour ceux qui ne savent pas de quoi je parle, petit récap : les fameuses batteries qui alimentent mon e-Méhari, les LMP, ont cette particularité de devoir se maintenir constamment au chaud, aux alentours de 80°C. Quand la voiture roule, pas de souci. C’est quand elle est à l’arrêt qu’il faut trouver un moyen de rester à température. Si elle est branchée, la batterie consommera une partie de la charge pour simplement rester chaude. En revanche, si elle est stationnée sans être raccordée à une borne…la batterie s’auto-déchargera. Au rythme tranquille de 1,5% par heure. Ainsi, si vous laissez votre mignonne Citroën 2 jours ½ sans la brancher (mettons, pour un week-end prolongé), vous la retrouverez avec une batterie froide, morte, bonne à être remplacée. Je trouve déjà l’opération de consommer en permanence assez choquante sur les Autolib (la facture d’électricité doit être horrible !), mais c’est pour moi un vrai scandale de proposer ça sur une voiture en vente libre. La e-Méhari est loin d’être la première VE à passer entre mes mains et j’étais arrivé, au fil des essais et des kilomètres, à me défaire totalement de la range anxiety, cette crainte -souvent irrationnelle- de manquer d’autonomie pour arriver à destination. Mais voilà, avec la Citroën, à chaque fois que je la garais sans la brancher, je ne pouvais m’empêcher de penser un truc du genre « Hmm, combien de temps je vais rester là ? Est-ce qu’il faut que je bouge après ? Est-ce que la batterie ne va pas trop s’auto-décharger ? » et c’est juste super stressant…et super relou.

Alors, oui, si vous devez laisser la bête immobilisée pour un long moment et que vous n’avez pas envie de vider votre PEL en facture EDF, l’e-Méhari propose un mode hivernage, qui abaisse (un peu) la température de la batterie et permet de la garder en vie pendant 3 mois sans avoir besoin de la brancher. Mais l’opération ne devra pas se répéter trop souvent car, pour la sortir de cette hibernation, il faudrait (conditionnel de rigueur, les informations sont très rares et floues) la brancher et attendre cinq heures en plus du temps “normal” de charge avant de profiter de votre petit cabriolet.

Vient ma deuxième source de mécontentement des batteries : l’autonomie. Avec 30 kWh d’accus, on devrait quand même pouvoir faire quelques bornes. Prenez en compte que la batterie de 24 kWh de l’e-Golf me permettaient de faire entre 175 et 200 km en plein hiver, tandis que Gabriel suçait les 30 kWh de sa Leaf en 190 km dans des conditions similaires. En ce qui concerne la Citroën, j’ai pu tirer un maximum de…150 km, sans sortir de la ville et en faisant vraiment gaffe à ma conso. Le reste du temps, on se baladait aux alentours des 120 km -sans prendre l’autoroute, véritable gouffre. Bordel, 120 kilomètres !! Et avec des températures optimales, en plus. La VW e-up!, avec ses batteries quasiment deux fois plus petites, arrivait à taper les 170 kilomètres en extra-urbain… Il faut aussi prendre en compte une consommation auxiliaire proche des 0 W, puisque l’e-Méhari ne possède ni clim, ni radio (seulement un kit Bluetooth Parrot inaudible au-delà des 40 km/h), ni quoi que ce soit d’ailleurs. Seul les diodes des feux de jour doivent grignoter quelques femtowatts de temps en temps…

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Troisième souci : 30 kWh, ça prend du temps à recharger. Alors vous vous dites sûrement « oh mais avec une capacité si importante, ils doivent bien proposer une charge rapide ou au moins accélérée ». Eh bah nan. Rien. Pas plus qu’un bébé chargeur de 3.7 kW, doublé d’un petit trick: le cordon de charge possède, à son extrémité, une prise Legrand Green’up. Pour les néophytes, il s’agit d’un système de recharge sécurisé sur secteur permettant une recharge en 13A (soit, en gros, 13 km d’autonomie par heure de charge). Pour cela, il faut que le cordon et la prise secteur soient en Green’up. Sinon, paf, on passe à une recharge en 8A. Naïvement, je pensais que les bornes de charge, même non Legrand, étaient suffisamment sécurisées pour outrepasser cette règle. Que nenni ! Sur toutes les bornes publiques sur lesquelles je me suis branché, le chargeur ne voulait pas monter au-delà des 8 ampères. Du coup, je n’ai pu charger en 13A qu’à deux occasions : en branchant la voiture sur une borne Autolib’…et au siège de Nissan France, le temps d’un déjeuner (tu le sens, le malaise?). Du coup, pour recharger 30 kWh en 8A, il faut être patient. L’ordinateur de bord m’a gratifié d’un sublime « Temps restant : 07h08 » avec une batterie à 59 %. Oui oui, vous comptez bien, ça fait une charge complète en 17 heures. En la rechargeant en 13A, l’opération tombe à un peu moins de 10h. Ça reste beaucoup, mais c’est déjà un peu plus acceptable.

Allez, j’ai fini de m’acharner sur les batteries. Ah si, dernier point ! Il faut les louer. Pour une belle e-Méhari, comptez donc 25 000 € (soit 18 700 € bonus déduit, et même 15 000 € avec le superbonus), sans oublier les 75 € par mois pour cette fameuse batterie, peu importe que vous rouliez ou non. Vous en conviendrez, on a vu meilleur rapport prix/prestation. Faible consolation : il n’y a qu’une seule option, pour le moins curieuse. En échange d’une rallonge de 1 450 €, Citroën peut en effet équiper votre cabriolet d’une…climatisation. L’intérêt ne me saute pas particulièrement au visage. En tout cas, après avoir lu cet article, quelque chose pourrait mûrir dans votre esprit : mais à quoi elle sert, cette e-Méhari ?

Quand je parlais de proportions...
Quand je parlais de proportions…

Eh bien si, elle a un intérêt, cette petite. Vous dirigez un hôtel côtier ? Achetez-en 3 ou 4 et louez-les à la journée à vos clients. Et là, tous les problèmes sont réglés. L’autonomie ? Who cares. Peu de chance que les 120 km soient dépassés. La recharge ? Avec les Green’up, une nuit suffira. Et comme elles seront branchées tous les jours, pas de souci concernant l’auto-décharge. Vos clients profiteront donc d’une bagnole spacieuse, marrante, sympa à conduire et confortable sans se soucier de quoi que ce soit d’autre. Bonus : comme tous les passants regarderont la voiture passer, vous pouvez vous faire une pub facile pour votre établissement (#astusse). Chassez le naturel, il revient au galop : l’e-Méhari ne peut cacher son héritage d’auto-partage…et n’est finalement acceptable que dans cet environnement.

Mais voyez-vous, quelque chose m’embête à propos de l’essence même de la voiture, sa raison d’exister. Sur le trajet pour aller chercher la e-Méhari, j’ai jeté un œil sur mon fil Twitter. Et je suis tombé là-dessus  :

Elon Musk, CEO de Tesla Motors, publie un article dans lequel il explique en toute tranquillité quel sera l’avenir de sa marque. C’est clair, c’est sérieux, c’est limpide. Il construit une vraie stratégie autour de la voiture électrique, intelligente et sensée. On sent qu’il croit en ses produits, au futur de ce type de propulsion. Et puis j’arrive chez Citroën. Qu’est-ce que je perçois en découvrant la voiture ? « Ohoho regardez on a fait une voiture électrique, c’est trop marrant ». J’ai vraiment l’impression que la e-Méhari est une voiture créée pour la comm, par la comm. Un simple outil pour booster un peu l’image de marque, sans autre ambition. Les mecs, on est en 2016 ! La voiture électrique comme jouet pour communicants, c’est fini ! Les choses bougent, pour de vrai cette fois. Quasiment aucun jour ne se passe sans une annonce à propos d’un nouveau modèle électrique ou hybride, d’une autonomie en hausse, de nouveaux moyens de recharge, d’un nouveau programme local d’implantation de bornes et j’en passe. Avec cette voiture, j’ai l’impression d’être revenu en 2008, où le green-washing crevait tous les plafonds et où il fallait ab-so-lu-ment avoir un concept électrique sur les salons pour faire genre. C’est quand même dommage.

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Donc voilà, petite e-Méhari. Est-ce que j’ai passé un bon moment avec toi ? Oui. Est-ce j’aimerais poursuivre l’aventure ? Non. Est-ce que tu me manqueras ? Je ne crois pas. Un simple flirt estival.

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Merci à Citroën pour l’aimable prêt.

Crédits photos : Jean-Baptiste Passieux, Yann Lethuillier

Je suis sur Twitter : @JBPssx.

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