V6, 3.0, biturbo, quatre roues motrices, 405 chevaux : l’Infiniti Q60S a une fiche technique alléchante. Dans la vraie vie, sont-ce des chevaux de feu ou bien domestiqués ?
Peut-on prendre la mesure de la nouvelle Infiniti Q60S en la comparant à ses rivales ? Rivales qui sont en fait, assez difficiles à définir. Évidemment, on pense d’abord aux coupés allemands du genre premium. Tenez, chez Audi, elle se situe à mi-chemin entre la S5 Coupé (354 ch, essayée ici en version Sportback) et la RS5 (450 ch). Idem chez BMW, où on cherche sa rivale entre la 440i Coupé (326 ch) et la M4 (431 ch) tout de même plus radicale. Et chez Mercedes, c’est la même chose, où l’on cherche si l’on doit l’opposer à une C400 Coupé (333 ch), une AMG C43 Coupé (367 ch) et, non, ce ne serait pas raisonnable, à un coupé C 63 AMG V8 (476 ch). Même en élargissant le scope, rien non plus chez Lexus où, il est vrai, un vide sidéral existe entre la RC200t (essayée pour vous ici par votre dévoué serviteur) et la RC F (essayée là par mon prometteur collègue le jeune Ancelin).
Une auto à part
Donc, elle n’a pas vraiment de concurrente, cette Q60S, et on peut même jusqu’à aller dire qu’elle n’a pas été conçue pour nous. Et ce, pour deux raisons : la première, c’est que dans notre beau pays autophobe, elle se prend, avec sa consommation officielle mixte de 9,4 l/100 (soit 210 grammes de CO2/km), le super malus de 10 000 € dans les dents. A rajouter au prix de base de 56 950 €, bien entendu. Donc, forcément, ça va en limiter la diffusion.
En prenant un peu de recul, on creuse un peu et on s’aperçoit que l’Infiniti Q60 fait un véritable carton commercial aux Etats-Unis, les versions précédentes (souvenez-vous des G35 et G37 ayant même été les coupés les plus vendus dans ce pays, pendant plusieurs années).
Bref, l’Infiniti Q60 est forcément une auto de connaisseur qui tient à afficher sa différence. En France, elle existe en deux motorisations : le 2.0t de 211 chevaux (essayé ici sur le blog par Thomas) et ce 3.0 V6 biturbo, dont seule la plus puissante version (405 chevaux, venant de fait avec la transmission intégrale et la boîte auto à 7 rapports) a été retenue pour notre marché, tandis qu’une version moins poussée de 304 chevaux est aussi vendue ailleurs.
Un nouveau moteur
Attention, voici la séquence « boulons, rondelles, et plein d’infos intéressantes pour aller briller en société lors d’un prochain cocktail ». Ce moteur plein de santé (405 chevaux à 6400 tr/mn et 48,4 m/kg à 1600 tr/mn, permettant d’abattre le 0 à 100 en 5 secondes et de pointer à 250 km/h, ce qui paraît une vitesse électroniquement limitée), ce moteur, disais-je, est nouveau. A la poubelle le type VQ37VHR (une configuration que l’on retrouve encore sur la Nissan 370Z), le nouveau moteur est du type VR30DDTT, un bloc modulaire dont la cylindrée peut aller de 3.0 à 3.8, ce qui revient à dire qu’il est de la famille de la GT-R (essai de la dernière version ici, et ce fut du pur bonheur !).
Un moteur moderne, léger et compact : 221 kilos en comptant même les turbos (26 kilos pour les deux), efficace (il y a deux pompes pour l’intercooler, mais seulement 4,9 litres de liquide), les turbos tournent à 220 000 tr/mn (voire 240 000 tr/mn en overboost), bref, ça le fait !
Le look aussi, est un peu à part ! Un peu classe ? Un peu sportif ? Un peu stylé ? Un peu différent ? Certainement les quatre à la fois : longue (4,69 m) et élancée (haute de 1,39 seulement), la Q60S ne passe pas inaperçue tant par son allure que par ses proportions, ainsi que quelques gimmicks esthétiques, tels l’entourage chromé de la vitre de custode arrière. Et c’est particulièrement vrai dans la livrée de ma version d’essai, noire avec l’intérieur en cuir rouge et des placages façon aluminium brossé. Sincèrement, ça le fait bien, classe et qualitatif à la fois.
Le monde du silence !
La position de conduite idéale se trouve facilement, le volant et le siège se réglant dans tous les sens. Par contre, à la mise à feu du V6, on constate surtout l’excellente, que dis-je, l’excellentissime insonorisation de l’auto. Sérieux, on a deux turbos et 405 ch sous le capot, et on n’entend…rien !
Déception ou postulat ? Infiniti a évidemment privilégié le marché US où les bonnes manières des autos puissantes sont un argument de vente. Mais il existe aussi des personnes qu’un V6, deux turbos et plus de 400 ch font assez kiffer (genre : moi !) et c’est un peu dommage qu’un système d’échappement actif ne permette pas d’en profiter pleinement.
Car l’Infiniti Q60S est tellement facile à conduire que je pourrais la confier à ma grand-mère. La boîte est douce (sauf en ville, où quelques à-coups se font sentir), la puissance est parfaitement domestiquée et, en fait, assez linéaire.
Si le couple maxi est revendiqué à 1600 tr/mn, dans les faits, c’est au-dessus de 2000 tr/mn que ça commence à pousser. Ça va bien, ça se renforce à 4000 tr/mn, moment où, en tendant l’oreille, le feulement du V6 entre (un peu) dans l’habitacle, Certes, dehors, les passants en profitent un peu plus, mais dedans, cela reste le monde du silence. Certains apprécieront. Moi, beaucoup moins.
Et pourtant, rien à dire : les 405 chevaux sont bien là. Ils ont même un regain de vitalité de 5000 à 6500 tr/mn en mode automatique, et la Q60S a l’élégance de nous autoriser à aller taper le rupteur à 7200 tr/mn une fois la boîte 7 basculée en mode manuel. Plaqué contre le siège, l’accélération est moins violente que véritablement roborative et, dans des territoires hospitaliers genre Allemagne, où est immatriculée notre auto d’essai, on se rend vite compte qu’il ne faut que peu de temps pour se retrouver à plus de 230 km/h. Une véritable dévoreuse d’Autobahn, cette Q60S.
Allo, la DASS ?
L’autre atout de la Q60, c’est sa direction. Elle est toujours à assistance électronique, de seconde génération par rapport à celle que j’avais découvert sur, ironie de l’histoire, ce qui était mon tout premier essai pour le blog, l’Infiniti Q50 2.0t (ici !), et donc son mode de réponse a été optimisé. Or, si je m’en réfère à l’un de mes maîtres à penser, une vieille (et fort belle !) plume de la presse auto papier, dixit, « il vaut mieux du réglé que du réglable », parce que, dans la vraie vie, on ne passe pas son temps à changer de réglage selon que l’on passe d’une épingle à une grande courbe en appui suivie d’un pif-paf en dévers mais qui s’ouvre sur la fin.
Certes, les différents réglages de la direction de la Q60S modifient la perception que l’on a au volant, mais, de mon point de vue, elles manquent toutes un peu de naturel et de constance dans leurs réactions pour se satisfaire d’un réglage donné et de ne plus y toucher. Idem pour les suspensions pilotées, avec une différence entre « normal » et « sport » qui n’est pas d’une flagrance absolue, ce qui veut aussi dire que même dans ses réglages les plus extrêmes, l’Infiniti Q60S veut rester conciliante.
On termine sur un point positif : la conso ! Donnée pour 9,4 l/100 en conso officielle mixte, la Q60S n’est pas la soiffarde qui va précipiter le déclin de la planète. J’ai en effet enregistré 12,6 l/100 dans du Paris très hidalguesque (donc : très embouteillé), du 11,6 l/100 sur petite route en faisant pas forcément de la conduite responsable, et un joli 8,9 l/100 sur une longue section de nationales et de quatre voies. Bien, non ?
Crédits photos : Gabriel Lecouvreur & JG