Essai : Nissan X-Trail e-Power e-4orce. Jouer le jeu

Nissan X-Trail

Avant, les grandes familles se trimballaient en monospace diesel. En 2023, c’est en SUV essence hybride. Ce n’est pas pour autant que ce sont de mauvaises voitures, comme en témoigne ce Nissan X-Trail, essayé ici en version 7 places à 4 roues motrices.

C’est fini, le temps des Scénic 1.9 dCi. C’est ce que je me dis lorsque je reçois la fiche technique du Nissan X-Trail qui va m’accompagner jusqu’au Havre : 4 roues motrices, 213 ch et même 3 moteurs, dont un trois cylindres essence ! Sans compter cette appellation barbare : qu’est-ce que peut bien dire “e-Power” & “e-4orce” ? Allons-y pour l’explication.

C’est comme le Port-Salut

“e-Power”

“e-Power”, c’est tout simplement le nom du système hybride maison de Nissan. Si vous êtes un régulier du site, vous pourrez me rétorquer que le Juke essayé cet hiver était hybride mais ne s’appelait pas du tout comme ça, ce qui est normal : il reprend simplement le système E-Tech Renault. Ici, ça n’a strictement rien à voir. Alors, certes, on a un moteur essence, un moteur électrique et une petite batterie, mais le mode opératoire change du tout au tout, puisque le 1.5 L de 204 ch n’a aucune liaison mécanique avec les roues ! De fait, il ne sert que de générateur de courant pour la batterie, qui sera alors chargée de fournir l’électricité nécessaire au moteur électrique de 150 kW & 330 Nm pour faire tourner les roues avant.

Une solution technique qui m’a immédiatement fait penser à la Chevrolet Volt qui, sur le papier, proposait le même fonctionnement il y a déjà treize ans (et en plus, c’était mon premier essai en parc presse, souvenir !). Sauf que… Il s’avère que le moteur essence de la Chevy pouvait, sous certaines conditions, alimenter directement les roues. De fait, c’est la BMW i3 dotée du range extender (REx pour les intimes) qui se retrouve mère spirituelle du X-Trail -son essai est à d’ailleurs retrouver ici. A ceci près que, quand bien même Nissan présente son modèle comme une voiture électrique à prolongateur, celle-ci ne se branche jamais ! La batterie de 1.73 kWh est en effet minuscule et ne se recharge qu’à la décélération & via le moteur essence. Curieux.

“e-4orce”

Hein ? “i-quatreorce” ? Mais nooooon, il faut prononcer le 4 comme un F (en vrai ça se ressemble un peu). L’e-4orce, donc, c’est le système de 4 roues motrices électrifié de Nissan. Comprenez ici que les roues arrières ne sont pas alimentées par les moteurs présents sous le capot via un arbre de transmission, mais plutôt qu’elles se retrouvent motrices par l’ajout d’un second moteur électrique sur l’essieu. Doté de 100 kW et de 213 Nm de couple, il participe aux accélérations…et aux freinages, via le frein régénératif -par ailleurs, Nissan précise que l’ajout de ce second moteur permet de diminuer l’effet de tangage au freinage, la décélération étant prise en charge par les essieux avant et arrière.

Autre avantage : c’est l’électronique de bord qui gère en temps réel et en une fraction de seconde où envoyer le couple, et ce roue par roue ! De quoi permettre une stabilité et une tenue de route au meilleur niveau. Ce second moteur électrique permet en outre d’améliorer les performances : là où le X-Trail e-Power traction propose 204 ch, 330 Nm de couple et un 0 à 100 km/h expédié en 8.0 s, la version e-4orce annonce 213 ch, 195 Nm de couple supplémentaire et une seconde de moins au 0 à 100. Précisons enfin (et à ma grande surprise) que seule cette dernière version est disponible en 7 places : les ingénieurs de l’Alliance -le X-Trail repose sur la plateforme CMF-C partagée avec les Renault Austral, Espace & Rafale- ont donc réussi à combiner deux strapontins et un moteur électrique au niveau de l’essieu arrière !

Oh là là, trop de chiffres. Parle-nous du design, plutôt.

Si ça vous chante. Le Nissan X-Trail, tout SUV 7 places qu’il est, n’est pas pour autant un mammouth laineux : comptez en effet 4.68 m de long pour 1.84 m de large et 1.72 m de haut, soit respectivement 4 cm, 2 cm et 2 cm de plus que la génération précédente. Et les designers de la marque n’ont pas manifestement pas beaucoup cherché à cacher le gabarit du SUV : le dessin est quand même massif, notamment marqué par cette énorme calandre (quasi entièrement factice, nous sommes en 2023). Pour continuer sur la face avant, le X-Trail succombe à la mode des phares à double étages et aux fentes dans le bouclier pour soigner l’aérodynamisme.

De profil, on remarque évidemment les jolies jantes de 20″, privilège de ma version Tekna+, et le toit contrasté à 1 250 € mettant en valeur l’aileron de requin sur le montant D. L’arrière, lui, est dans la continuité de la génération précédente avec des optiques similaires -tiens, en parlant d’eux, dommage de retrouver des clignotants à ampoule lorsque tout le reste est à LED, d’autant plus lorsque mon modèle d’essai dépassait les 58 000 €. De fait, on a là un SUV dans l’air du temps, qui ne fera pas forcément tourner beaucoup de têtes, mais ce n’est après tout pas son but initial.

Et à l’intérieur ?

A l’intérieur, on est bien. Déjà parce que l’équipe presse m’a donné un très bel exemplaire Bleu Atlantique couplé à un cuir matelassé Havane du meilleur goût (là aussi, réservé au haut de gamme Tekna+), ensuite parce que l’ambiance est tout de même très agréable. C’est moderne, c’est épuré, c’est ergonomique, franchement, j’ai bien aimé. Deux gros écrans de 12.3″ sont présents : celui derrière le volant est très fluide, avec des graphismes soignés et lisibles ; concernant celui au centre de la planche de bord, disons qu’il est parfait pour afficher Android Auto ou Apple CarPlay… S’il est de belle taille et de bonne définition, les menus et affichages ne sont franchement, mais franchement pas modernes.

Reste la question de l’habitabilité, sujet majeur pour ce genre d’autos. Là aussi, c’est du bon boulot : commençons par l’ouverture des portes arrière à 85°, permettant un accès idéal à la banquette et -ne l’oublions pas- une possibilité d’installer un mioche sur son siège sans se casser le dos. Pour continuer sur la banquette, celle-ci a le bon goût de coulisser sur 22 cm (c’est énorme !), permettant de combler vos grands passagers ou vos grands bagages, au choix -et pourquoi pas les deux. Niveau soute, comptez jusqu’à 575 litres en version 5 places, capacité qui fond malheureusement à 485 litres si vous cochez l’option 7 places, un peu juste pour une si grosse voiture : un Peugeot 5008 de 7 places, c’est 702 litres !

Reste qu’on est pas mal, dans cette troisième rangée. Pour preuve : quand bien même Nissan annonce que les deux strapontins sont faits pour des personnes de 1.60 m max, j’ai réussi à y caser une amie de 1.70 m qui s’était bousillé le genou la veille le temps d’un trajet en rabattant le siège devant elle, et elle est toujours vivante 🙂

Et à conduire ?

On ne va pas se le cacher : conduire un X-Trail, qu’il soit hybride, à quatre roues motrices ou que sais-je, n’a rien de renversant. Et c’est tant mieux, puisqu’on ne lui demande qu’à nous déplacer dans les meilleures conditions de confort et de sécurité. Dans cette optique, le gros Nissan s’accommode fort bien de sa tâche. En ville, la motorisation e-Power permet de rouler “à l’électrique” -comprenez en douceur et sans latence, les allumages du moteur thermique étant quasi imperceptibles. A ce niveau, mon seul regret est la disparition de la conduite “à une pédale”, alors que la marque a été précurseur dans le sujet avec sa Leaf : ici, le mode “e-Pedal” s’est mué en “e-Pedal Step”, freinant certes efficacement la voiture au lever de pied mais n’allant plus jusqu’à l’arrêt total. Ca me chagrine beaucoup, et d’autant plus lorsque je me suis aperçu qu’il existait en parallèle un mode B, proposant une décélération presque aussi intense : pourquoi ne pas avoir proposé les deux modes bien distincts ??

Pour continuer sur la partie urbaine, lorsqu’il s’agit de se garer, ce X-Trail nous fait l’honneur de proposer un diamètre de braquage étonnamment réduit, à 11.1 m : de quoi aborder les manœuvres avec une sérénité qu’on n’attendrait pas forcément d’une telle auto. On pourra en outre être aidé par une caméra 360° dès le deuxième niveau de finition, mais celle-ci souffre d’une définition assez moyenne…et se désactive dès qu’on passe en marche avant, rendant les créneaux parfois assez rageants. Bref. Pour clôturer ce chapitre, parlons conso, la partie électrique étant bien naturellement le plus mise à contribution en ville : la consommation du X-Trail e-Power e-4orce tend vers les 6 l/100 km en conditions urbaines -comprendre par là que, plus les distances étaient courtes, plus la conso moyenne était élevée. Probablement histoire de mettre en température le GMP, mon essai s’étant déroulé autour des 10-15°C.

Prendre les grands axes, de la même manière, est un vrai plaisir. Tout d’abord grâce au silence de roulage à bord, réellement impressionnant, que ce soit au niveau des bruits d’air que mécaniques : concernant ces derniers, même en cas de fortes accélérations, le niveau sonore est étonnamment apaisé – ça nous change des hybrides Toyota, par exemple. De quoi profiter de la sono Bose (dispo sur Tekna+ uniquement) qui propose un son très précis, quand bien même il n’est pas forcément des plus enveloppants. Côté conso, si on pouvait craindre le pire en voyant un trois cylindres essence mouvoir une voiture dépassant les deux tonnes en charge, je m’en suis sorti avec un ordinateur de bord m’affichant 7.5 l/100 km après avoir rejoint Le Havre depuis Paris et inversement -en tenant en compte les trajets en région parisienne, mes 600 km d’essai se sont vus sanctionnés d’une conso moyenne de 7.0 l/100 km tout rond. Rien de dramatique, donc.

Reste que, quelque soient les situations rencontrées, cette motorisation hybride n’apporte pas de réduction particulière de consommation comparé à un diesel équivalent. Il est d’ailleurs étonnant de remarquer que, sur le site internet, dans la plaquette commerciale ou le communiqué de presse, aucune notion de réduction de conso n’est indiquée, Nissan se contentant de souligner le gain en agrément ! On l’a compris : le diesel c’est nul c’est caca et il faut à tout prix l’éradiquer de la surface de la terre, mais force est de constater que c’était quand même pas si naze sur les longs trajets…

Reste que le X-Trail n’est pas le seul gros SUV à passer à l’hybridation forcée : Maurice nous a essayé, avec sa verve habituelle (et quelques réserves), le Hyundai Santa Fe ; son cousin, le Kia Sorento, suit le même chemin, tout comme le nouveau Renault Espace ou le Toyota Highlander. Il faudra tout de même s’acquitter d’un tarif de base de 42 700 € en version Acenta traction 5 places, pouvant monter jusqu’à 58 250 € pour la version Tekna+ 4×4 7 places présentée sur les photos.

Ta conclusion ?

Je l’aime bien, ce X-Trail. Il est confortable, agréable à conduire, pratique, habitable et pas (trop) gourmand. Choisir ce gros Nissan hybride, c’est un choix prosaïque, rassurant, dans l’air du temps : les gens ne vous regarderont pas de travers et vous aurez la certitude d’avoir fait un bon choix. Que demande le peuple ?

Crédits photos : Jean-Baptiste Passieux, Nissan

Merci à Yann & Marius pour les spots photo ainsi qu’à Camille de s’être sciemment flingué le genou pour le bon déroulé de l’essai 👍

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