Essai : le quotidien en Nissan Leaf

Une voiture électrique à l’essai pendant une semaine : la formule ne vous avait peut-être pas manqué, mais j’avais hâte de la redémarrer ! Et la voiture qui s’en chargera n’est autre qu’une des grosses nouveautés de l’année : la nouvelle Nissan Leaf. Après la prise en main effectuée par Maurice, il est temps de voir ce que cette Leaf vaut au quotidien…

Durant cette semaine…

 … j’ai révisé mes cours de mécanique des fluides

Eh oui, fut un temps où j’étais sur les bancs d’une école d’ingénieurs. Ça n’a guère duré, mais j’ai tout de même pu m’initier aux joies de la mécanique des fluides –avec un certain insuccès, il faut bien l’avouer. Mais en découvrant ma Leaf sur le parking de Nissan, tout m’est revenu en tête. Alors, promis, je ne vais pas vous parler des équations de Navier-Stokes, du nombre de Reynolds ou des écoulements quasi-statiques, mais plutôt de la carrosserie de la Leaf. Regardez cette face avant avec très peu d’ouvertures, ce capot plongeant, ces porte-à-faux très plats, ces jupes profilées ou encore cet aileron. Vous l’aurez compris, la Nissan joue à fond le jeu de l’aérodynamisme.

Pour autant, et au contraire d’une Prius ou d’une Ioniq, la Leaf ne sacrifie pas son style sur l’autel de l’aéro. Elle est même plutôt jolie ! Alors ultra consensuelle, certes, mais plutôt sympa. Terminé les formes bizarres et les fantaisies de la première génération, cette Leaf II rentre dans le moule et adopte tous les canons des dernières Nissan : large calandre en V, toit flottant, aileron de requin sur le montant C, optiques arrière en boomerang, la totale. La livrée blanche met d’ailleurs en lumière les détails bleus, tels que le bandeau du diffuseur à l’arrière ou l’original damier de la calandre. En tout cas, je n’ai eu que des retours positifs sur la voiture tout au long de la semaine : pas mal, non ?

… j’ai découvert l’équivalent automobile des california maki

Non, je ne vais pas vous parler de ces makis à l’envers, mais plutôt de l’appropriation américaine d’un morceau de culture japonais. Car l’intérieur d’une voiture japonaise, ça se reconnaît tout de suite : c’est froid, sombre, pas très beau mais capable de résister à la fin du monde. Mais en montant dans la Leaf, j’ai eu l’impression de me retrouver dans une maison de Wisteria Lane : un intérieur à la fois chaleureux et tout à fait impersonnel, ce qui fait que ça plaît à tout le monde. Les formes sont douces, les matériaux rembourrés, l’harmonie beige apporte de la lumière : tout y est. Mais l’essentiel n’est pas oublié puisqu’on on a toujours des bonnes grosses platines de boutons et des basculeurs bien laids pour les sièges chauffants. Je suis comblé !

… j’ai eu mal au dos

Et pourtant il est tolérant, mon dos. Mais voilà : à cause de son volant non réglable en profondeur, la position de conduite de la Leaf est loin d’être idéale. En gros, il faudra choisir entre avoir les jambes à la bonne longueur (et les bras trop loin du volant) ou les bras (et avoir les jambes trop proches des pédales). Ajoutez à cela des sièges implantés très haut et vous obtenez une position de conduite totalement à l’opposé de mes goûts. Les sièges, tiens ! La première chose qu’on remarque lorsqu’on s’assied, c’est à quel point ils sont moelleux. La seconde chose qu’on remarque, c’est à quel point le maintien du dos est inexistant… La suite est mathématique : mauvais maintien -> mauvaise posture -> mal de dos. Les ingénieurs ergonomes de Nissan devraient prendre des cours chez Citroën pour créer des sièges à la fois souples et confortables !

… j’ai remercié Larry Page et Sergueï Brin

(Ce sont les fondateurs de Google, ça pourra vous servir pour votre prochaine partie de Trivial Pursuit). Pourquoi, me direz-vous ? Parce que sans eux, pas de Google. Et sans Google, pas d’Android Auto. Et sans Android Auto, on aurait été obligé de se taper cet écran central qui, entre sa définition de Minitel, ses menus pas très lisibles et ses graphismes d’un autre âge, n’a pas grand-chose pour lui. Heureusement qu’il suffit de brancher son téléphone pour accéder à une interface ultra-intuitive ! On peut alors retrouver ses adresses préférées, une navigation au poil et toutes ses musiques d’un mouvement de la main. C’est quand même bien…

… j’ai oublié l’existence de la pédale de frein

Déjà qu’il n’y a pas de pédale d’embrayage dans une voiture électrique, ça commence à ne plus faire beaucoup. Conduire avec la seule pédale d’accélérateur, comment cela est-ce possible ? Tout simplement grâce à l’e-Pedal, un système exclusif à cette nouvelle Leaf. Ce que vous savez sûrement déjà, c’est qu’il suffit de lever le pied de l’accélérateur pour qu’une voiture électrique ralentisse ; l’énergie cinétique se voit transformée par le moteur en courant électrique et revient dans les batteries. Mais dans le cas de la Leaf, la voiture fait plus que ça ! On peut arriver à l’arrêt complet en ne relevant que le pied de l’accélérateur. Pourquoi cela ? Parce que la Nissan est également capable de gérer les quatre freins à disque dans ces phases. Et ça change tout. L’explication sera peut-être plus compréhensible en vidéo :

Ça, c’est la théorie. Dans la pratique, il vous suffira d’une quinzaine de minutes pour apprivoiser cette e-Pedal. On apprend à ne plus relever brusquement le pied, mais à simplement moduler sa pression sur l’accélérateur. Le système est bluffant de douceur et de transparence. J’estime que, pour 95 % des cas, je n’utilisais pas la pédale de frein –les 5 % restants étant pour des cas imprévisibles, comme un piéton qui traverse ou un feu qui passe à l’orange. Il vous faudra seulement avoir du doigté (de pied) pour les manœuvres, où le système s’avère assez pointu à maîtriser. Pour le reste, c’est que du bonheur, avec une conduite totalement dénuée de stress et d’à-coups.

Ce qui est appréciable, c’est la constance de la décélération : sur beaucoup d’électriques et d’hybrides, la gestion entre frein régénératif et mécanique est assez compliquée…et ça se sent, avec une consistance de la pédale de frein variable et un freinage assez heurté. Pas sur la Leaf : quand la batterie ne peut pas recevoir beaucoup de courant, parce qu’elle est froide ou remplie, la partie mécanique s’occupera du freinage ; quand la batterie sera chaude, l’inverse se produira. Et le tout s’effectue avec une transparence absolument parfaite : quel beau travail de mise au point !

… j’ai gagné le Grand Prix des Feux Rouges

Vous le savez, un avantage massif des moteurs électriques est leur capacité à délivrer leur couple maximal dès le démarrage. Et celui de la Leaf développe 320 Nm… Pour replacer un peu dans le contexte, la Peugeot 308 GTi en propose 330 Nm –et Maurice peut vous garantir qu’elle ne se traîne pas. Du coup, au démarrage, la Leaf est capable d’enrhumer pas mal de monde, et les T-Max en pot Akra ont trouvé à qui parler. Les relances sont également assez explosives, avec seulement 5.8 secondes pour passer de 80 à 120 km/h ! Et le 0 à 100 km/h expédié en 7.9 secondes n’a rien de honteux. Passer en mode Eco calmera un peu le jeu, et vous retrouverez des performances d’une compacte classique de 120 ch.

C’est d’ailleurs en mode Eco que vous passerez probablement la majorité du temps, parce que le comportement de la Leaf n’a absolument rien de sportif. J’ai déjà parlé des sièges sans aucun maintien, mais il faut aussi parler de la direction archi-légère qui isole complètement de la route et des pneus à très faible résistance au roulement qui ne sont pas contents si on prend des virages trop vite. Non, il vaut mieux se laisser cruiser, apaisés par le silence et l’expérience de conduite relaxante. D’autant plus que la sono est agréablement réglée : elle ne casse pas des briques mais reste bien équilibrée. Le seul point à relever concerne les montants de pare-brise, bien trop épais à mon goût, qui peuvent cacher des choses et des gens lorsqu’on évolue en ville.

… je suis allé voir du street art

Monsieur Chat est un de ces artistes que vous connaissez probablement, quand bien même le street art vous est totalement inconnu. Un chat jaune avec un sourire gigantesque, ça vous dit quelque chose ? Pour les parisiens, une gigantesque fresque de sa création était installée en début d’année à la jonction A1/périph pour souhaiter une belle année aux Dionysiens (ce sont les habitants de St Denis).

Ça vous dit quelque chose ?

Bref, tout ça pour vous dire que, outre ses succès parisiens, le bonhomme aime s’exiler en province et réaliser quelques graffs ici et là. C’est ainsi que la petite ville de Lucheux, à une trentaine de kilomètres au Nord d’Amiens, est M. Chat-isée –reste la question du pourquoi.

C’est très bien, mais encore faut-il y aller, à Lucheux. Un trajet de 155 kilomètres m’attend : la Leaf pourra-t-elle le faire ? Sachant qu’il y a quelques années, le même trajet effectué à bord d’une Zoe de 22 kWh s’était soldé par une vitesse maximale de 95 km/h (même sur autoroute, oui oui) et une pause charge rapide de 30 minutes à Amiens. Bifbof, donc. L’avantage de la Leaf, c’est que la capacité de la batterie est passée à 40 kWh ! Inutile de faire durer le suspense plus longtemps : après un trajet d’une traite à 120 km/h sur l’autoroute, j’arrive avec 28 % de batterie restante, de quoi parcourir 73 km supplémentaires. Boum. Hormis cette expédition, j’obtenais des scores allant de 270 à plus de 300 km avec la batterie pleine selon mes utilisations, avec une moyenne très respectable de 13.2 kWh/100 km après 880 kilomètres passés à son volant. De quoi se libérer d’un poids certain.

Ce trajet autoroutier fut également l’occasion de tester le ProPilot. Sous cette dénomination se cache le système de conduite semi-autonome de Nissan, qui regroupe classiquement régulateur adaptatif et système de maintien en voie. Pas grand-chose à signaler tant ce ProPilot se retrouve au même niveau que ses petits camarades : un maintien en voie bien fichu…tant que la route ne tourne pas trop, un régulateur assez doux (kudos pour la petite accélération dans les dépassements !) et une assistance globale dans les embouteillages reposants. Rien d’extravagant mais ça fait le job.

Je suis sage et je roule à 80 km/h

… j’ai fait la part des choses

Il est venu le temps des cathédrales de la conclusion. Qui sera globalement positive : agréable à conduire, technologique, dotée d’une respectable autonomie, la Leaf coche bien des cases. Mais voilà : durant l’essai, je me suis surpris à me rappeler de la VW e-Golf à plusieurs reprises. Parce qu’elle était bien, cette e-Golf. Confortable, ultra pêchue, info-divertissement/connectivité au top : en un mot, quali. Probablement plus que la Leaf. Mais voilà, en allant chercher les tarifs de la Golf, tout s’est expliqué : la VW commence à 40 040 €. La Leaf ? A partir de 35 700 €. Et encore, quand on arrive à des niveaux d’équipements similaires, on arrive à 42 705 € pour la Golf et 37 500 € pour la Nissan… 5 200 € de différence, c’est quand même un peu trop. D’autant plus que la batterie de la Golf embarque 5 kWh de moins !

Un rapport prix-équipement en large faveur pour la Leaf, donc. Il faut dire aussi que, dès l’entrée de gamme baptisée Acenta, l’écran central avec GPS connecté est de série, tout comme le système e-Pedal, la pompe à chaleur, l’accès et démarrage mains-libre, le régulateur de vitesse et beaucoup d’autres choses. Si je devais vous conseiller une version, ce serait d’ailleurs l’Acenta, avec les sièges chauffants en option (utiles en hiver). Ce qui nous donne une Leaf à 30 200 € bonus déduit, dotée de tout ce que pouvez attendre d’une voiture moderne.

Vous l’aurez donc compris, cette nouvelle Leaf devient plus grand public. Je dirais qu’elle devient plus consensuelle, dans le bon sens du terme : ligne moins excentrique, autonomie améliorée, technologies qui facilitent la vie et tarif sans grande augmentation, tout est réuni pour que cette seconde génération continue sur la lancée de la première et truste le podium des VE les plus vendues au monde !

Crédits photos : Jean-Baptiste Passieux

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