En 1994 avec sa première génération de Rav4 Toyota se posait en pionnier et inventait un tout nouveau segment, celui des SUV compacts. Le succès commercial fut au rendez-vous car le modèle était novateur, original, furieusement tendance dans sa version trois portes et surtout sans réelle concurrence. Près de vingt ans plus tard la quatrième génération de Rav4 présentée par le premier constructeur mondial n’a plus grand-chose à voir avec son aïeul et se présente désormais dans un marché ultra concurrentiel qui tient plus de l’arène romaine et de la fosse aux lions que du terrain de jeu pour (grands) enfants… Pour vérifier les arguments de ce nouveau SUV Toyota a convié la presse automobile à venir l’essayer dans l’arrière pays barcelonais et Blogautomobile était de la partie.
Esthétique ?
Disons-le tout net ce n’est pas vraiment sur son physique que le Toyota Rav4 pourra tout miser même s’il trouvera tout naturellement ses fans. C’est évidement un avis très personnel que je n’oblige personne à partager mais son design extérieur, et intérieur comme nous le verrons plus loin, n’est pas forcément l’élément le plus convaincant du véhicule. L’aspect général assez massif apparaît plutôt « costaud », un bon point, et avec sa garde au sol de près de 19 cm et une hauteur de 1,66 m il est clairement identifiable comme un SUV, autre bon point, dommage cependant qu’il donne parfois la sensation de manquer un peu de largeur. La face avant est plutôt réussie avec un regard frondeur surligné par des DEL et prolongé par deux lignes de chrome qui orientent le regard vers le logo, on y retrouve parfaitement l’identité visuelle des dernières productions de la marque (Auris et Verso en tête). En dessous de cette calandre la forme trapézoïdale du pare-choc n’est pas sans évoquer un pare-buffle ce qui rattache encore un peu plus ce véhicule à l’univers du tout-terrain. De profil on remarque l’allongement important du véhicule (on en reparle très vite…) et la volonté de lui donner un certain dynamisme par le traitement du vitrage, la ligne de chrome positionnée seulement sur le dessous des vitres et surtout cet épaulement marqué qui conduit hélas aux éléments stylistiques les plus contestables de l’engin : les feux et plus généralement la poupe… Cet arrière est en effet nettement plus impersonnel que l’avant du véhicule, la lunette arrière est très haut perchée et assez réduite (la rétrovision n’est pas vraiment affectée mais on constate encore plus cette petite taille en conduisant et c’est un peu surprenant), l’espace qui accueille la plaque d’immatriculation est avant tout prévu pour une plaque carrée, ce qui créé une légère sensation de vide, et la volonté, louable certes, de descendre le seuil de chargement fait surtout que ce hayon semble interminable et un peu vide. Descendez encore un peu plus bas et vous tomberez sur cet horrible pot d’échappement qui pour le coup m’interpelle particulièrement sachant que la mode actuelle est soit à sa parfaite intégration (via des pièces chromées de différentes formes évoquant la sportivité) soit à sa parfaite dissimulation (sous le pare-choc par exemple). Et puis il y a ces feux que je qualifierai pudiquement « d’une autre génération » sans aucune recherche esthétique dans leur traitement intérieur (mais peut-être avec trop de recherche esthétique dans leur forme globale…), tout en ampoules, à l’ancienne, n’espérez pas y trouver la trace d’une DEL, d’un guide de lumière ou d’une quelconque signature visuelle nocturne…
A l’intérieur là encore on est dans le mi-figue mi-raisin. Le dessin global de la planche de bord n’est absolument pas rebutant mais il apparaît finalement d’un classicisme à toute épreuve même s’il cherche par tous les moyens à se montrer original notamment par ces lignes de force en vrai-faux métal de plastique. J’en veux pour preuve la forme et la disposition du combiné d’instrumentation qui rappelle furieusement celui de la Lexus IS, pourquoi pas après tout c’est le même groupe, mais je parle de la Lexus IS de première génération, c’était magnifique à l’époque mais ça a quand même un peu vieilli… Cela dit cette planche de bord offre l’avantage non négligeable de ne pas se montrer envahissante ce qui participe de la sensation d’espace intérieur.
En ce qui concerne la qualité perçue et les matériaux on ne peut pas crier au scandale mais on ne peut pas non plus s’extasier béatement. L’ensemble fait sérieux et les assemblages sont globalement rigoureux mais comme souvent chez les japonais les plastiques sont durs et pas spécialement agréables au toucher alors qu’il est écrit dans la plaquette de présentation : « le raffinement se perçoit aussi dans la haute qualité des matériaux, les nombreuses zones de contact moussées […] », je les cherche encore… Pas non plus très valorisants les inserts en imitation carbone que l’on trouve sur la console centrale ou les contre-portes. Un point agréable cependant, donc à relever, le bandeau horizontal inférieur est gainé de cuir dès le deuxième niveau de finition et les surpiqûres donnent un bel aspect à l’ensemble, ce serait sympa que ce bandeau se poursuive sur les contre-portes (ces dernières étant d’une grande tristesse) ou soit d’une couleur différente.
Malgré ces critiques il faut souligner que l’ensemble est plutôt lisible et pratique, les boutons de climatisation tombent facilement sous la main, le GPS tactile est assez facile d’utilisation (mais une mise à jour s’impose car de nombreux aménagements routiers espagnols n’y apparaissent pas encore…), le volant offre une bonne préhension et la montre digitale des années 1980 se montre bien mieux intégrée et plus discrète que sur l’Auris. Un éclairage bleu plutôt apaisant vient souligner le tout, enfin presque, ne cherchez par exemple pas de rétro éclairage (ni de sérigraphie d’ailleurs au passage), sur les boutons de vitre électrique hormis celui du conducteur. On pestera quand même un minimum sur l’ergonomie, ou plutôt l’absence d’ergonomie, de certains boutons situés dans la partie basse de la planche de bord comme les commandes de sièges chauffants ou celles du mode de conduite…
Maousse Costo !
C’est un classique pratiquement universel de la production automobile, à chaque génération les véhicules subissent une cure de croissance à base d’hormones et de vitamines et pour ce Rav4 Toyota ne déroge pas à la règle. Il y a même été de bon cœur dans son traitement puisque notre SUV compact gagne un peu plus de 20 cm par rapport à son prédécesseur, de quoi déjà s’interroger sur la notion de compacité… Avec 4,57 m de longueur, 1,84 m de largeur et 1,66 m de hauteur nous avons affaire à un beau bébé qui ne se faufilera clairement pas aussi facilement que le faisait le trois portes de première génération avec ses 3,70 m (même si pour être totalement honnête il faut plutôt ici évoquer les 4,11 m du 5 portes de l’époque). En contre partie cet agrandissement des dimensions augure nécessairement de meilleures aptitudes à l’accueil des passagers et de leurs bagages. Et c’est tout à fait le cas puisque le véhicule s’avère clairement accueillant à l’intérieur, en largeur en hauteur en place pour les jambes devant ou derrière (l’empattement a progressé de 10 cm), à deux, trois, quatre et même cinq on trouvera ses aises. Et pour caser les affaires de toute cette petite famille outre les nombreux et classiques rangements de l’habitacle (boite à gant de bonne contenance, portes gobelets/bouteilles un peu partout, rangement dans l’accoudoir central, aumônières au dos des sièges, etc.) le coffre est lui aussi généreux puisqu’il affiche 547 litres et que son seuil de chargement est bas. Par ailleurs Toyota a songé aux déménageurs puisque la banquette arrière, découpée selon le schéma 60/40, est extrêmement simple à rabattre pour obtenir un plancher plat et un espace de chargement fort appréciable de 1746 litres. Au chapitre des bonnes nouvelles saluons la disparition de l’ouverture du coffre par une porte latérale (le bonheur en ville…) au profit d’une classique ouverture verticale mais électrique et ce dès le deuxième niveau de finition. Bon c’est un peu lent comme toujours mais ça fait toujours son petit effet et tant qu’à être fainéant autant l’être jusqu’au bout.
Il y a quoi sous le capot ?
Pour son lancement commercial en France dès le mois de Mars la gamme s’articulera autour d’une motorisation essence et de deux motorisations diesel. Etonnamment, alors que Toyota communique très largement sur ce point et qu’il a multiplié les véhicules qui en sont équipés, le système hybride HSD maison ne sera pas de la partie… en tout cas pas tout de suite ou peut-être pas tout à fait sous la forme exacte du Rav4. C’est tout de même un choix qui peut apparaître surprenant car la technologie hybride sied bien à un SUV par définition assez énergivore et souvent cible principale des écolos. Cela aurait par ailleurs permis à Toyota de se démarquer nettement de ses concurrents. Il faudra donc faire sans, au moins dans un premier temps et composer avec les trois blocs proposés.
Le moteur essence, un 4 cylindres 2.0 litres VVT-i qui développe 151 chevaux à 6200 tr/min pour un couple de 195 Nm, sera proposé en transmission intégrale et avec une boite mécanique 6 vitesses ou une boite CVT (appelée Multidrive S) à partir de 27 590 €, somme à laquelle il faudra rajouter un malus écologique de 1500 €. Si l’on rajoute les optimistes 7,2 l/100 annoncés pour ce modèle on imagine aisément qu’il devrait rencontrer fort peu de clients dans nos contrées dieselo-dépendantes. Toyota en est d’ailleurs parfaitement conscient puisque les ventes de Rav4 essence ne devrait probablement pas dépasser les 3 % du total… autant dire rien du tout. Allez titiller votre concessionnaire sur un Rav4 essence, qui sait, pour se faire mousser auprès de ses collègues en leur racontant l’impensable « j’ai vendu un Rav4 essence alléluia ! » il sera peut-être prêt à se montrer un peu plus généreux avec vous…
Mais en ce qui me concerne c’est vers le diesel que je vais porter votre attention puisque ce sont les seuls blocs que Toyota nous a proposé à l’essai. Cette offre diesel se compose donc de deux moteurs, un 2.0 litres D-4D 4 cylindres de 124 ch. et 310 Nm disponible uniquement en deux roues motrices et en boite manuelle (annoncé à 4,9 l/100 km, rajoutez deux bons litres) et un 2.2 litres D-4D 4 cylindres de 150 ch. et 340 Nm disponible uniquement en quatre roues motrices mais avec au choix la boite manuelle ou la boite auto toutes les deux à 6 rapports (annoncé à 6,6 l/100 km, là aussi deux bons litres en plus s’imposent…). Le bloc 150 ch. affiche un prix d’appel de 29 400 € en boite mécanique (plus 400 € de malus) et de 33 390 € en boite automatique (plus 2000 € de malus). Le bloc 124 ch. propose une entrée de gamme à 26 590 € et surtout il n’est pas malusé, il devrait donc selon toute vraisemblance (et selon les prévisions de Toyota) constituer la grande majorité des ventes du modèle alors autant commencer par lui.
En avant marche !
Chronologiquement je dois préciser que c’est le bloc 150 ch. que j’ai essayé en premier, l’inquiétude pouvait donc être de se retrouver au volant du 124 ch. avec un SUV à la peine en raison d’une motorisation plus juste mais il faut être clair sur ce point, il n’en est rien. Ce moteur 2.0 litres est en effet très satisfaisant pour l’engin d’autant qu’il n’est disponible qu’en version 4×2 et qu’il rend ainsi 105 kg sur la balance à son voisin équipé du bloc 150 ch. 4×4 et boite automatique. On ne perçoit donc pas de manière flagrante les poneys en moins. Couplé à une boite manuelle très agréable à manier et correctement étagée il offre des performances tout à fait honorables et reprend facilement même à bas régime. Par contre il n’est pas très utile de le pousser dans les tours, d’une, parce que le niveau sonore devient vite désagréable et de deux parce que passés 3000 tr/min les accélérations sont bien plus laborieuses, il vaut donc bien mieux changer de rapport pour profiter du couple situé assez bas.
A bord du 150 ch. le constat sur l’ambiance sonore à haut régime est le même, aucun des deux blocs n’aiment particulièrement monter dans les tours et l’on peut s’en passer. Comme je l’ai dit un peu plus haut le moteur 2.2 litres n’est disponible qu’en 4 roues motrices et était ici couplé à une boite automatique à 6 rapports. L’engin pèse du coup 1640 kg et les performances sont donc à peine meilleures que sur le moteur 2.0 litres (10 secondes contre 10,5 à l’exercice du 0 à 100 km/h). Cette version sera à mon sens bien plus intéressante en boite manuelle car la boite auto ne m’a que moyennement convaincue. Assez peu réactive, même en mode sport (une appellation « dynamique » eut été peut-être plus judicieuse…) elle incite bien plus à une conduite coulée et même si les palettes au volant permettent de faire mumuse quelques minutes sur les petites routes de montagne en offrant plus de frein moteur et un passage à la vitesse supérieure nettement retardé (donc nettement plus bruyant), on repositionne finalement assez rapidement le sélecteur sur le mode tout auto.
Mais on continue tout de même à accélérer franchement car, et c’est une bonne surprise, ce Rav4 s’est montré fort convaincant et très à l’aise sur les petites routes sinueuses de l’arrière pays barcelonais. Oui ce SUV est dynamique, son train avant est précis et guidé par une direction au diapason. Le train arrière quant à lui suit facilement le mouvement sans paraître lourd mais il peut quand même avoir tendance à décrocher légèrement sur certains freinages appuyés, rien d’effrayant, juste un peu surprenant la première fois. Le freinage justement se montre facile à doser avec une pédale plutôt souple. Nous sommes donc bien dans un SUV avec une position de conduite haute (aspect particulièrement apprécié par la clientèle) mais la sensation générale au volant se rapproche nettement de celle d’une berline classique, le Rav4 ne se dandine pas et prends extrêmement peu de roulis en virage mais naturellement cela se fait un peu au détriment du confort, rien de dramatique mais les suspensions ayant été raffermies pour un meilleur maintien de la caisse on ressent plus fortement les irrégularités de la chaussée et a fortiori celles d’un chemin caillouteux…
Bon sang mais j’y pense soudainement ne serions nous pas à bord d’un 4×4 ? Il en a en tout cas l’aspect, s’affiche en transmission intégrale sur certains modèles et le tracé des organisateurs nous prévoit même un petit parcours offroad… J’ai dit petit… Il est en effet possible de bloquer la transmission en quatre roues motrices permanentes (jusqu’à 40 km/h) et il y a même un système d’assistance à la descente (DAC), on peut ainsi aller faire son petit tour hors des sentiers battus, le Rav4 s’y sentira très à l’aise mais ne nous y trompons pas c’est bien un véhicule tout chemin et non tout-terrain, son objectif de franchissement prioritaire restant tout naturellement la bordure de trottoir d’une ville. La transmission intégrale de ce véhicule est avant tout destinée à accroître ses capacités routières en offrant la meilleure adhérence possible au conducteur dans toutes les situations et il se débrouille plutôt pas mal sur ce point.
Vous me faites un prix si j’en prends deux ?
En France la gamme Rav4 s’organisera autour de trois niveau de finition appelés Le Cap, Life et Lounge (plus une finition business destinée aux professionnels) les prix s’échelonnant de 26 590 € (Rav4 124 D-4D Le Cap) à 38 390 € (Rav4 D-CAT Lounge boite auto hors malus). Toyota affiche une certaine satisfaction sur ses tarifs car le Rav4 augmente peu, voire pas, mais sa dotation de base s’enrichit et les équipements proposés sont plus nombreux. La version Life représente un bon compromis puisqu’elle offre l’essentiel des équipements qu’on attend sur une automobile moderne : essuie-glaces et allumage automatique des phares, caméra de recul, climatisation bizone, régulateur de vitesse, habillage en cuir de la console, hayon électrique, système d’infotainment Toyota Touch avec écran tactile couleur de 15 cm… En finition Lounge le Rav4 récupère en plus les phares au xénon, un système de démarrage sans clé, le siège conducteur à réglages électriques, la sellerie cuir, les sièges avant chauffants et le système de navigation Touch & Go Plus mais l’écran de 18 cm en HD du système premium reste en option. Ces dernières sont rares mais vous pourrez faire encore un peu grimper l’adition avec la peinture métallisée à 570 €, le blanc nacré à 850 € ou le toit ouvrant à 900 €. Dommage au passage que ce véhicule ne puisse disposer d’un toit vitré panoramique.
Bien entendu la sécurité n’est pas mise de côté et tous les Rav4 disposent de l’ABS avec répartiteur et aide au freinage d’urgence, d’un ESP et de 7 airbags (frontaux, latéraux, genoux conducteur, rideaux) plus un pack sécurité de série sur Lounge (en option en dessous) comprenant un avertisseur de franchissement de ligne, un système d’alerte de l’angle mort dans les rétroviseurs (simple et efficace) et la gestion automatique des codes/phares. Les résultats du crash test Euro NCAP seront bientôt divulgués et la marque nippone en semble d’ores et déjà assez fière.
Bon alors… elle est bien cette voiture ?
Le Rav4 n’est plus le véhicule charismatique et décalé de ses débuts, il a gagné au fil des générations en maturité, en taille et aussi un peu en anonymat mais ses ventes se portent bien et ont constamment progressé au fil des générations même après l’abandon du trois portes. Les objectifs de la marque sont donc plutôt optimistes pour cette quatrième génération car même si le marché automobile européen est et restera morose cette année et en 2014 le segment des SUV compacts continue de progresser. Toyota compte y prendre une part de marché d’environ 7 % tout en ayant identifié 19 concurrents plus ou moins directs, et d’autres sont à venir. Dans cette jungle le Rav4 ne pourra pas forcément tabler sur son style un peu passe-partout, pas plus que sur sa qualité de fabrication juste moyenne ni même réellement sur son prix (un Honda CR-V 2.2 diesel 150 ch. Executive s’affiche à 34 000 €) mais il aura comme atout son image, ses prestations routières de qualité, son habitabilité et son côté pratique qui pourrait convaincre pas mal de familles moyennement séduites pas les monospaces.
Un grand merci à Helène Vay, Philippe Boursereau et toute l’équipe Toyota pour leur très agréable accueil.
Crédit photo : Eddy P.