“Marchionne semble attendre indéfiniment que quelque chose se passe. Il faudrait qu’il se décide à agir. “. Ce ne sont surtout pas mes propos mais ceux de Ian Fletcher analyste réputé (et écouté) du cabinet IHS Automotive.
Alors que le salon de Francfort est le principal salon automobile de l’année aussi bien en Europe qu’au niveau mondial, on a appris que Sergio Marchionne et John Elkann seraient absents à la grand’messe de l’automobile de ce mois de septembre. L’administrateur délégué ne viendra donc pas en Allemagne en raison d’autres engagements professionnels importants et le président du groupe Fiat a purement et simplement annulé son séjour à Francfort sans aucune justification particulière.
Passage obligé de l’année pour les constructeurs européens avec le salon de Genève, si SM et JE ne viennent pas c’est qu’ils préfèrent éviter les autres patrons de l’industrie automobile et les médias qui mettent leur nez partout ou qui posent des questions embarrassantes !
Les absences de l’administrateur délégué, du président (ainsi que de vraies nouveautés) en raison d'”engagements professionnels contribuent fortement à semer le trouble dans les esprits du monde automobile mais aussi économique et financier.
Fiat a actuellement trois soucis : Alfa Romeo, la fusion avec Chrysler, ses usines en Italie et rien ne semble avancer réellement ou concrètement. Avec deux modèles dans sa gamme (MiTo, Giulietta), un véhicule image (4C), Alfa ne peut espérer de miracle et doit chercher au moins à endiguer la baisse importante de ses ventes en Europe qui est de l’ordre de -30%. Mais hélas les projets destinés à lancer les futurs modèles de la marque ont pris et prennent encore du retard. Il est fort peu probable que l’on voit venir quelque chose en 2014 car Fiat SpA n’a pas encore investi le moindre euro dans les sites industriels qui devront produire les prochaines “milanaises” et notamment celles qui sont considérées comme prioritaires comme la future Giulia ou la successeure de la Giulietta. Le monde automobile et celui des financiers doutent actuellement que Fiat puisse mettre une nouvelle Alfa sur le marché en fin 2014. Les analystes parlent de 2015 au plus tôt si Fiat ne tarde pas dans ses investissements.
Au sein de Fiat, on tente de minimiser les informations des médias selon lesquelles la construction des nouvelles Alfa Romeo pourrait être retardée par des questions d’ordre technique et financier, même si la firme de Turin ne l’a pas démenti comme elle le fait habituellement. Alfa laisse toutefois entendre que le design global de la future berline du Segment E (sur base de Ghibli) aurait été validé par la direction du groupe. Mais avant le segment E, il y a les segments C et D et là, rien d’annoncé alors qu’ils sont primordiaux pour Alfa Romeo !
Sergio Marchionne est aussi pressé par le gouvernement italien qui l’enjoint de donner des précisions sur ses projets et ses investissements. C’est pour cela que l’administrateur délégué a annoncé il y a peu, hélas sans grande précision, que Fiat allait investir quasiment un milliard d’euros dans le site de Mirafiori pour y produire le SUV Maserati Levante et probablement un de ses dérivés (SUV Alfa Romeo ???).
L’avenir d’Alfa Romeo semble donc moins rose qu’annoncé dans les très nombreux plans dont le boss de Fiat a le secret. En fait le sort d’Alfa, en plus d’être lié à celui de Maserati, est lié à celui de Chrysler aux USA. Selon un analyste financier, les deux questions ne font presqu’une car l’incertitude autour de l’opération Chrysler pourrait avoir un impact négatif sur les décisions d’investissement dans les nouveaux modèles du groupe notamment ceux à destination des marchés européens.
Nous savons tous que Fiat cherche à prendre le contrôle total de sa filiale américaine Chrysler pour s’assurer un accès rapide à ses flux de trésorerie et à sa technologie qui lui sont nécessaires pour rester dans la course sur un marché mondial très concurrentiel et où les autres marques ne s’endorment pas.
Aux USA tout ne se passe pas comme envisagé par la direction et le rachat de la participation des 41,5% détenus par le fonds Veba dans Chrysler risque d’être repoussé jusqu’en fin d’année 2015 par des difficultés d’ordre juridique et financier. L’ensemble de ces problèmes devrait reporter la fusion au plus tôt au dernier trimestre 2015 ce qui pourrait retarder d’autant le lancement de projets annoncés par le groupe pour l’Europe et les USA. En gros, Alfa aux USA c’est pas pour demain !
La procédure en cours pour le rachat des parts dans Chrysler pourrait se conclure par une réduction de 500 millions de dollars (378 millions d’euros) du coût de la prise de contrôle à 100% de Chrysler selon l’estimation faite par UBS. Ainsi en ramenant la valeur de la participation de Veba de 4,5 à 4,0 milliards de dollars, Fiat pourrait envisager contrôler Chrysler LLc et ses marques dans 24-30 mois. Mais rien n’est fait et les procédures pourraient se prolonger au-delà de 2015 notamment si l’UAW et le fonds Veba se décident à mettre leurs actions sur le marché.
Cette situation un peu bloquée n’aide pas la direction de Fiat à prendre des décisions ni à lever des fonds (~10 milliards de dollars) nécessaires pour toutes les opérations prévues dans les plans de l’administrateur.
On n’abordera pas le cas Lancia qui vivote ou plus exactement survit grâce à l’Ypsilon, un peu la Delta et quelques Chrysler rebadgées qui ne trouveront jamais place dans le coeur et le garage des lancistes.
Si vous allez à Francfort, profitez toutefois des nouvelles Ferrari, des Maserati et des nombreuses séries limitées Fiat, Lancia, Alfa dévoilées en première mondiale ainsi que des charmantes hôtesses qui restent un des atouts majeurs du groupe turinois lors des salons automobiles !
NDLA : Pour ceux qui voudraient voir ou rencontrer l’Administrateur délégué dans un salon automobile, sachez qu’il sera présent au salon de l’automobile de Toronto en février 2014 et qu’il y tiendra une grande conférence juste avant l’ouverture de l’exposition.
Via Reuters.