Hommage à la Z : Essai Datsun 240 Z (Fairlady S30)

Au même titre que la Porsche 911, la Datsun 240 Z porte l’héritage d’une longue lignée de sportives qui, de la même manière que chez le constructeur de Zuffenhausen, a su évoluer au fil des années sans rien perdre de l’esprit originel : un coupé sportif propulsion à moteur avant, abritant sous le capot un 6 cylindres. Je mesure la chance qu’il m’a été donné de toucher, le temps d’un week-end de novembre, au mythe que cette voiture constitue dans le coeur de nombre de passionnés, de japonaises en général ou de voitures anciennes, voire les deux à la fois. Le 3ème opus de notre saga dédiée à la lignée Fairlady s’attarde donc cette fois-ci sur l’initiatrice d’un style, d’une philosophie et surtout d’une lettre : Z.

Les USA pour cible

Lorsqu’en 1969 Datsun présente son coupé 240 Z, vendu tout simplement sous la dénomination Fairlady Z au Japon, le marché cible est clairement affiché : ce sera les Etats-Unis. 150 ch, soit 10 ch de plus qu’une Porsche 911 E du même millésimé, c’est la puissance qu’affiche fièrement la Dastun tout en se négociant la moitié du prix de la Porsche, une sacrée prouesse pour l’époque que Nissan a décidé de faire perdurer plus de 40 ans plus tard, même si la dernière Z en date, la 370 Z sortie en 2009, avait plus pour concurrente directe la Porsche Cayman qu’une 911 qui s’est largement embourgeoisée au fil des générations. On note dans le design une inspiration toute européenne, plus particulièrement en provenance de la jaguar Type E. Il faut dire que depuis la naissance de cette anglaise élue plus belle voiture du siècle, la recette Fastback a fait des émules chez les designers automobiles du monde entier, et force est de reconnaitre que le dessin de la 240 Z ne manque pas de caractère.

Les lignes de la 240 Z sont fines et racées. La calandre entourée de deux optiques rondes enfoncées dans les ailes est séparée en deux par un fin pare-chocs chromé qui affine la face avant de la Fairlady. La profil affiche une fluidité des lignes rare, facilitée par l’adoption du style fastback intégrant la lunette arrière dans la pente de toit pour former un hayon. L’arrière, tronqué, se pare d’un bandeau noir typique des années 70 et est surmonté en accessoire d’un béquet assorti. Avec ses simples enjoliveurs de roues de petit diamètre et ses pneus fins, notre 240 Z du jour joue plutôt la carte du classicisme et de l’origine là où nombre d’amateurs aiment lui coller des ailes élargies abritant des jantes au style racing rétro. Si ces dernières préparations esthétiques ne me déplaisent pas, je suis pour un style au plus proche de l’origine, avec pourquoi pas seulement des jantes style Minilite et des pneus un poil plus larges pour donner un peu plus de présence à l’auto.

La 240 Z embarque un 6 cylindres en ligne de 2.4 L à double-carburateurs SU développant environ 150 ch pour un poids d’une tonne à peine, ce qui lui permet d’abattre le 0 à 100 km/h en moins de 9,5 secondes et d’atteindre une vitesse de pointe de 205 km/h. Bien entendu, ce sont des chiffres d’époque que je ne me suis pas attardé à aller vérifier. Le plaisir à conduire cette voiture était tout autre que dédié à la performance pure.

Symbole des 70’s

Si notre 240 Z n’opte pas pour une couleur criarde orangée typiquement 70’s, l’habitacle se rattrape en adoptant un rouge ardent sur les sièges, la moquette, les contre-portes et même jusqu’au plafonnier. De là à savoir si c’est 100% d’origine, je me tournerais volontiers parmi les amateurs les plus éclairés parmi vous pour avoir le fin mot de l’histoire. L’habitacle annonce la couleur avec une instrumentation richement fournie en informations. Le volant 3 branches tulipé, les compteurs biseautés, ça respire le sport ! Les sièges d’époque sont superbes mais la question du maintien latéral ne devait pas beaucoup se poser à l’époque. Une assise plus plate que ça, tu meurs. Le volant est fixe mais je ne ressens pas du tout le besoin d’ajuster quoi que ce soit, si ce n’est la profondeur du siège pour atteindre comme il faut les 3 pédales, dont les 2 de droites sont idéalement positionnées pour le talon-pointe. La pédale d’accélérateur descend même très bas, je n’aurais pas à trop tordre la cheville pour prendre soin de la boîte à 5 rapports (encore rare à cette époque).

Je tombe véritablement amoureux de chaque petit détail de cette Datsun. Les petites buses d’aération chromées, la jante ultra fine du volant, le mélange des matières entre cuir, plastique des 70’s et quelques fines touches de bois sur le volant et le pommeau du levier de vitesses. Mais plus que tout, cette petite rangée de compteurs qui rappelle les voitures de course de l’époque, et que l’on retrouve encore 50 ans plus tard à bord de la 370 Z, dont la configuration de l’édition 50ème anniversaire me rappelle inévitablement celle de cette 240 z (l’essai est à relire ici). Ça donne des envie de shooting à deux, pas vrai Nissan ??

Une autre époque

Au moment de prendre possession de la Datsun, j’ai le droit aux quelques recommandations d’usage, qui sont expédiées en 2 minutes chrono. “Attention au freinage et n’oubliez pas de la laisser chauffer.” Pas de soucis, malgré mon jeune âge, j’ai déjà eu l’occasion de conduire (et pas seulement 3 kms) quelques anciennes. BMW 2002 Touring, Triumph Spitfire, Herald, 2500 PI, Renault Colorale, une autre 240 Z, Golf 1 GTI… Le démarrage est un peu fastidieux et demande une légère pression sur la pédale de droite pour alimenter le circuit d’essence et que la combustion opère. Le ralenti est très instable au début et je dois rappeler le 2.4 L à l’ordre via quelques coups de gaz pour ne pas qu’il s’évanouisse. Autant vous dire que ce n’était pas drôle tous les jours lorsque j’ai dû répéter l’exercice dans mon parking sous-terrain, j’en tousse encore.

Et c’est parti une belle balade pour découvrir les joies de rouler dans la génitrice d’une si belle lignée. Bonne nouvelle, les 5 vitesses sont synchronisées, le double débrayage n’est donc pas obligatoire au rétrograde même s’il faut faire preuve de douceur et de doigté pour ne pas faire craquer inutilement la boîte. Une fois cette dernière apprivoisée,  le passage des rapports se fait tout en douceur et je me mets peu à peu au fil des kilomètres à pousser délicatement le 6 cylindres dans les tours.

4000 trs, la sonorité est enivrante, changeant d’un doux ronronnement en bas du compte-tours pour révéler un caractère strident à mesure que l’on accélère. Une fois le 2.4 L bien chaud, les accélérations sont nettes et franches, il ne doit pas avoir perdu beaucoup de ses chevaux. La direction non assistée est très légère et plutôt précise bien que floue au point milieu, là-aussi le poids des années doit jouer. Le freinage est en effet laborieux voire inexistant, il vaut mieux jouer du levier, rétrograder et surtout bien anticiper. En haussant un petit peu le rythme, la 240 Z ne demande qu’à montrer de quoi elle est encore capable et si je n’irai pas jusqu’à brusquer une vénérable grand-mère, le 6 cylindres m’en donne à coeur joie. L’architecture de la japonaise laisse apparaitre un comportement dépassé, surtout au niveau de l’amortissement, mais pas à la peine pour autant, surtout dans le sinueux où elle démontre un entrain honorable à enrouler les virages en se laissant taquiner la pédale de droite.

Je m’enfonce peu à peu dans la forêt et me surprends à rouler coude à la portière (au sens propre), le sourire jusqu’aux oreilles à des allures bien plus que légales. Les effluves d’automne se mêlent à celles d’essence et du vieux cuir et si notre Fairlady se savoure maintenant au rythme des balades dominicales, elle se laisse volontiers cravacher gentiment pour rappeler qu’autre fois, c’était une sacrée sportive dont ses descendantes peuvent être fières.

Une génitrice depuis longtemps collectionnée

Encore méconnue de certains, la 240 Z est pourtant rentrée depuis plusieurs années dans le monde de la collection comme un modèle emblématique dont la cote ne fait que grimper doucement mais sûrement. La plupart des modèles que vous pourrez trouver sur le marché provient des US étant donné que près de deux tiers de la production s’est retrouvée outre-Atlantique et que seuls 750 exemplaires ont posé leurs roues en France au moment de sa commercialisation. Attention à l’état des planchers, véritable point faible sur cette auto, à vérifier avant achat ou à acheter en connaissance de cause pour une réfection complète (les pièces sont disponibles, principalement en provenance des US). Reste un avenir incertain dans une majeure partie de nos villes pour les voitures de plus de 30 ans qui devraient rapidement s’y voir interdire l’accès. Il vous faudra donc une solution de stockage à l’écart. Mais après tout, c’est en pleine nature sur une petite route déserte un dimanche matin que s’apprécie le plus une voiture ancienne.

Crédits Photos : Maurice Cernay

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