Essai Jaguar F-Type SVR : gentleman driver et gomme brûlée

Jaguar, symbole de l’élégance, du fameux flegme britannique et de la classe à l’anglaise s’énerve depuis maintenant quelques années en proposant des dérivées radicales de ses voitures de série. Ainsi, le coupé XK symbole de l’esprit GT s’était récemment transformé en monstre de puissance et bruleuse de gomme en adoptant le V8 compressé poussé à 550 ch pour ainsi devenir XKR-S.
De la même manière, nous attendions une logique similaire sur la gamme F-Type (dont nous avions déjà essayé le Coupé ici) que la V8 R semblait chapeauter. Il n’en n’est rien puisqu’une fois de plus depuis ces dernières années, Jaguar va encore plus loin et nous propose SA vision d’une bête de piste : la F-Type SVR qui devient ainsi la Jaguar de série la plus puissante de l’histoire.

575 ch, le 0 à 100 km/h abattu en 3.7 secondes, un physique musclé, des teintes voyantes, la F-Type SVR a décidément tout d’une supercar (bien que la définition reste très subjective et laissée à l’appréciation de chacun). Par rapport à la V8 R, la SVR perd donc 25 kg et gagne 25 ch, un bouclier avant spécifique et enfin un aileron arrière mobile en fibre de carbone.
À l’intérieur, pas de grands changements si ce n’est une sellerie et des sièges baquets spécifiques au revêtement matelassé surplombé de surpiqûres rouges donnant du cachet à l’ensemble. Reste qu’en Jaguar on est plus habitué à de la ronce de noyer et à du cuir beige Oxford.

Avec tous ces attributs, son terrain de jeu ne pouvait être rien d’autre que la piste. Et c’est cette affirmation que je décide d’appliquer mot pour mot en décidant d’emmener cet imposant félin sur la piste de 1,6 km des circuits de La Ferté-Gaucher, clairement pas la plus adaptée pour un engin de ce gabarit mais sans aucun doute un des meilleurs tests pour faire ressortir les défauts de l’auto immédiatement !
Plus qu’un essai décrivant l’agrément de conduite, les sièges confortables ou les technologies dont bénéficie cet imposant coupé aux lignes acérées, je vous propose une véritable prise en main sur circuit afin de laisser apparaître tous les défauts mais surtout je l’espère, toutes les qualités de la Jaguar la plus puissante jamais produite en série.

Petit zoom sur le tracé avant de m’élancer, et de liquider ce qu’il reste de gomme des pneumatiques que l’on ne présente plus : les Pirelli P Zero Corsa. Pour des raisons pratiques et afin de vous assurer une bonne lecture par la suite, les virages seront numérotés de 1 à 9.

Je m’élance au début de la ligne droite des stands en suivant le sens anti-horaire (suivant la flèche noire).
Premier virage à droite à angle droit après une franche accélération qui constituera une des deux portions les plus rapides du circuit. On plonge directement à gauche (2) avec un léger dévers permettant à la voiture de survirer en la plaçant idéalement pour le troisième virage (3).
Pied au plancher et grosse accélération sans freiner à travers le « pif-paf » (4) (en mordant légèrement les vibreurs) et pied dedans sur la pédale de frein à la première épingle (5) où l’on ressort très large pour ensuite entamer au mieux la grande courbe (6) en jouant uniquement du volant et de la pédale de droite, permettant une légère dérive du train arrière sur le long. On arrive ensuite au virage pour moi le plus technique et physique pour la voiture : grande sortie de courbe pour un freinage très appuyé à l’attaque de la deuxième épingle (6) et dérive du train arrière vers la gauche, la courbe précédente ne permettant pas de replacer la voiture parfaitement droite avant de freiner. Dernière accélération avant deux virages serrés (7 et 8) mettant à rude épreuve les pneumatiques et les freins qui ne bénéficient d’aucun répit. Enfin, grosse attaque et gros appui sur la droite lors de la 3ème épingle (9) pour ressortir très fort sur la ligne droite des stands.

Vous l’aurez vite compris, aucune portion ne permet véritablement d’effectuer de grosse pointe de vitesse. Le tracé ne permet pas de dépasser les 150 km/h et ne comprend aucun relief particulier mais dispose en revanche de virages techniques, changements d’appuis brusques et de grandes zones de dégagement (mise à part à la sortie du 9ème virage avec le mur délimitant la piste des stands). Un circuit qui mettra donc à rude épreuve la tenue de route, les freins et le comportement général de la voiture.

Une matinée ensoleillée de février, un temps parfaitement sec et une température de 16°C (plus une piste qui nous est réservée !) : conditions optimales pour profiter pleinement de cette expérience et apprécier les qualités de l’auto.
Casque vissé sur la tête, gants cuir enfilés, le combo parfait du gentleman driver. Combo que nous ne verrons que très occasionnellement puisque rares seront les propriétaires à oser emmener un tel monstre de puissance sur piste.

Il est vrai que le trajet aller jusqu’au circuit m’a nettement permis de profiter des qualités routières et autoroutières de la SVR qui sait se transformer en agréable coupé GT avec néanmoins un son tout droit sorti des enfers à partir du moment où vous enfoncez la pédale de droite, que les valves d’échappement soient ouvertes ou non. Ça et la couleur « Caldera Red » assorties de larges jantes foncées, inutile de vous préciser que peu importe l’endroit où je me trouvais, absolument tous les regards étaient braqués sur moi (sur la voiture tout du moins).
Revenons au sujet qui vous intéresse : la piste.
Je m’élance pour une reconnaissance soignée du circuit à allure réduite, n’ayant encore jamais eu l’occasion de tourner à la Ferté Gaucher. J’enclenche le mode Sport ainsi que le passage de vitesse séquentiel (palettes au volant) mais laisse engagées toutes les aides électroniques, ce qui pour un monstre de 575 ch ne sera absolument pas de trop pour commencer.
Première impression, on se retrouve bien plus vite que l’on ne le croit d’un virage à l’autre. La visibilité parfaite me permet d’anticiper chaque obstacle et l’absence d’autres voitures sur la piste assortie de dégagements franchement plus que confortables me permettent de hausser le rythme assez rapidement sans notion de chronométrage, le but n’étant absolument pas de claquer un temps sur piste. Petit détail embêtant, aucun instrument ne me permet de suivre l’évolution de la température ou de la pression d’huile et autres paramètres importants lorsque l’on s’apprête à brusquer un tel engin, dommage pour ce qui ressemble à une ultime évolution d’un engin destiné à un usage sur piste plus régulier que ses sœurs de gamme.

Le V8 hurle de rage à chaque ré-accélération, et les changements de rapports produisent ce que l’on pourrait appeler vulgairement des « pets » d’échappement, que ce soit en montant ou en rétrogradant, si bien qu’à chaque passage près de mon photographe, je me dis que ça doit être rudement sympa à regarder d’extérieur également ! Mes passages en courbe tout comme mes sorties de virage se font de plus en plus rageurs. Je sens dans le volant et sous mon postérieur les pneumatiques travailler lors de virages serrés tandis que la grande courbe (virage 6) me permet des vitesses de passage de plus en plus élevées, la transmission intégrale remplit son rôle à merveille : la caisse reste inlassablement scotchée au bitume malgré les sollicitations de plus en plus importantes.
Reste toutefois ces mouvements désagréables de l’avant vers l’arrière lorsque je monte un rapport et un train arrière très mobile lors du gros freinage en sortie de courbe 6, je me cramponne au volant anticipant un début de survirage impromptu.

Bilan des 10 premiers tours :
– la taille du circuit m’a permis d’en mémoriser le tracé très rapidement et de me concentrer ainsi sur les sensations de conduite.
– la puissance est bien présente et il m’est impossible (tout comme inutile) de passer une vitesse plus haute que la 4ème.
– ne pas hésiter à « taper dans les freins » bien avant de virer pour freiner la masse conséquente d’un tel engin et éviter un début de survirage qu’il serait bien compliqué à rattraper.

En une phrase, stricte application des bases de pilotage (que je prétends à peine maîtriser) : le placement sur la piste, le freinage anticipé pour un passage en courbe efficace, ré-accélération progressive pour ne pas avoir à lâcher la pédale de droite et profiter ainsi du souffle apporté par le compresseur au monstrueux V8 de 5,0 litres.

Vous en reprendrez bien encore un peu ?

J’hésite, j’analyse, me re-questionne et après mûre réflexion décide de désactiver l’ESP. Bien qu’habitué au comportement d’une propulsion, je me demande bien comment va réagir une transmission intégrale à l’ESP désactivé.
En un mot ? Pareil.
Les 4 roues motrices ne sont présentes que pour éviter à la voiture de patiner continuellement à chaque pression sur l’accélérateur.
Et après 3 ou 4dangereux travers, je repense ma manière d’aborder la voiture et éviter ainsi une triste fin de cette belle matinée ensoleillée. La voiture sans ESP donne l’impression de ruer à chaque virage pour m’éjecter de ses entrailles ou mieux encore, m’assommer contre l’arche de portière. Je ne suis qu’un débutant et si je veux survirer, il va falloir la jouer finement.
Exit les gros coups de volant en sortie de courbe, je suis plus concentré que jamais afin de sentir le point de non-retour où le fameux coup de raquette devient inévitable. Après plusieurs essais, j’accélère également de manière linéaire en passant mes rapports à 4000 trs/min tout rond. Je profite pleinement de l’allonge du moteur et obtient une accélération en ligne droite tout simplement parfaite, sans un seul à-coup désagréable ou hurlement rageur et disproportionné au moment du changement de rapport, le passage de 2 en 3 et de 3 en 4 n’émet qu’un net mais bien audible « brooop », comme un félin qui lâcherait un grognement de satisfaction.

J’enchaîne les tours que je qualifierais de « propres » et malgré ma transpiration prends mon pied à malmener 575 ch et jouer du contre-appel en sortie de virage. Sentir le point sensible à partir duquel l’arrière train de la caisse balance la charge totale de la voiture de l’autre côté en sortie de virage est tout simplement un régal à rattraper, mais ô combien physique !
Dans cette version SVR, la F-Type se transforme en véritable cheval sauvage jouant son numéro de rodéo sur la piste comme au bon vieux temps du Far-West.
Sauf que c’est une anglaise, et malgré un aileron arrière, une teinte criarde et une gueule à faire pâlir de peur une Muscle Car, une telle danse garde un je-ne-sais-quoi d’élégance.

Je me perds dans mes pensées et chaque glissage rattrapée (parfois de justesse) soigne l’ego du pilote qui sommeille en moi (ou pas ?) jusqu’à ce que… Oui, une session piste sans erreur, ce n’est pas rigolo. Sauf qu’avec mes maigres compétences de débutant (malgré un nombre grandissant d’expériences) couplées à la puissante faramineuse de la bête, elle peut s’avérer dangereuse.

Large dérive du train arrière à la sortie de la dernière épingle en direction des stands, accélération trop franche, coup de volant trop brusque, un regard vers le mur et c’est l’inévitable coup de raquette (entendez par là un brusque transfert de charge de l’autre côté de la voiture conduisant 9 fois sur 10 à une perte de contrôle du véhicule). La F-Type ne pardonne quasiment aucune erreur, alors plusieurs en même temps vous imaginez bien… Comment réagit-on face à une telle situation ? D’abord on agit, ensuite on panique.
Il faut clairement admettre que si vous vous retrouvez dans une telle situation sans un minimum d’expérience (bien que la mienne soit très maigre je le répète !), rien ne vous sauvera excepté la chance, bien qu’il en faille toujours un peu ! Pour le coup, roues droites et on pile en fixant la route du regard, et non le mur.
Fort heureusement, cette petite frayeur n’a eu pour seul effet que de labourer un peu l’herbe en bord de piste jusqu’à la rangée de graviers, rien de bien grave en somme. Autre facteur, la fatigue. Cela faisait une bonne quinzaine de tours que je roulais, ce fut le bon signal pour me sommer de faire une pause !

Après un peu plus de 2h à vider le plein et lessiver le reste de gomme des Pirelli, il était temps du bilan. Racée, élégante, agressive et aux moteurs déjà bien fournis, la F-Type de série avait déjà conquis la majorité des médias automobiles et récolté tous les suffrages du grand public. Avec cette version SVR, Jaguar enfonce le clou et met à disposition de quiconque osera l’emmener sur circuit un jouet d’un tempérament rare.
Loin de nombreuses voitures où la conduite n’est devenue qu’une anecdote, il faut encore ici (sans les aides activées en tout cas) batailler avec le volant pour maintenir ce gros coupé sur la piste. Performante, exclusive, chère, la F-Type SVR acquiert ses lettres de noblesses pour se placer au rang d’une supercar à sa manière. Elle demande en outre de réelles compétences de pilotage plus que de simples notions pour être exploitée à son maximum et dévoiler tout son potentiel. Elle dispose toutefois de tout le confort nécessaire et équipements disponibles sur le reste de la gamme, l’écartant inévitablement du titre de bête de piste. Il lui manque encore quelques appendices afin d’être réellement considérée comme une alternative logique à certaines italiennes au sang chaud. Gentleman Driver qu’on vous dit !

Mes plus vifs remerciements aux Circuits LFG pour l’aimable mise à disposition de leurs locaux à l’occasion de cet essai particulier.
Retrouvez l’ensemble des informations essentielles ici.
Merci également à Jaguar France pour ce prêt peu commun !

Crédits Photos : Corentin Pecnard (vous pouvez admirer son travail ici)

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