105 ch dans un petit 4×4 automatique Diesel. Glop ou pas glop ? Élément de réponse avec ce vaillant Mazda CX-3.
En Europe, de 2012 à 2014, la demande des petits SUV sur le marché européen est passée de 400 000 à 625 000. Et ce n’est pas fini car 800 000 d’entre-eux devraient trouver preneur en 2017. Un vrai filon ! Entre les Renault Captur, Peugeot 2008, Nissan Juke, Fiat 500X, Jeep Renegade, Opel Mokka, Kia Soul et d’autres propositions plus exotiques, c’est peu de dire que l’offre est pléthorique. Et Mazda aurait tort d’essayer de ne pas prendre sa part du gâteau avec ce CX-3, intéressant à plus d’un titre. Déjà parce que, contrairement à la moitié de ses concurrents Canada Dry, il ne fait pas semblant puisqu’il offre une transmission intégrale pour les habitants de régions montagneuses et/ou enneigées, tout comme aux amateurs éventuels d’escapades.
Le CX-3 est construit sur la plateforme de la Mazda 2, déjà essayée pour vous ici et là. Dit comme ça, ça a l’air simple (en gros, on emboutit une carrosserie plus haute sur la même structure de longerons et hop, le tour est joué !), mais en fait cela n’a pas été sans de sérieuses modifications, parmi lesquelles l’allongement de 21 cm, l’élargissement de 7 et la possibilité, donc, de recevoir cette fameuse transmission à 4 roues motrices qui lui donne les moyens de ses ambitions. Selon les gens de chez Mazda, le petit CX-3 enregistre des bons scores de vente et s’écoule le mieux dans sa version 2.0 essence SkyActiv-G 120 ch 2WD ; mon petit doigt me dit que vous en entendrez bientôt parler en détail sur le blog lors d’un petit face à face avec d’autres SUV.
Mais n’aimant rien faire comme les autres, je me suis donc intéressé à une version dissidente : le petit Diesel 1.5 SkyActiv-D de 105 ch en package haut de gamme, c’est à dire en finition haute Sélection, en boîte automatique, cette dernière ne pouvant être livrée qu’avec la transmission intégrale. De fait, si le CX-3 débute à 20 650 € (avec le 2.0 essence de 120 ch, la BVM6 et en traction avant), le mien vaut carrément 31 350 € (en incluant les 1800 € de la boîte auto, les 500 € de la sellerie en cuir blanc et les 500 € de la peinture métallisée) ce qui, je vous l’accorde, n’est pas en bas du panier pour un petit SUV Diesel de 105 ch, et doit bien faire marrer la Dacia Duster. En gros, c’est (presque) la déclinaison la plus onéreuse : contrairement à de nombreux constructeurs, Mazda préfère des voitures bien équipées à un catalogue d’options épais de plusieurs pages. Il y avait quand même moyen de dépenser 150 € de plus pour une peinture Soul Red métallisée ! Je comprends que plus de 31 000 € pour un petit SUV Diesel de 105 ch, vous avez le droit de penser que c’est un peu cher ; mais lisez la suite, ça explique un peu le pourquoi du comment…
Drôle d’équation
J’ai toujours eu un faible pour Mazda notamment pour leur capacité à assumer leurs choix technologiques parfois différents du tout venant (on pense notamment à leur philosophie du rightsizing en opposition à la doxa dominante du downsizing) et leur capacité à ménager la chèvre et le chou en concevant des autos de manière bien pensée mais tout de même assez rationnelle (n’oublions pas que Mazda reste un petit constructeur qui ne peut pas espérer les mêmes économies d’échelle que les géants du milieu) sans pour autant sacrifier la notion de plaisir délivré au conducteur. Cette philosophie s’appelle chez Mazda, Jinba Ittai, ce qui se traduit globalement par l’unité que constitue le cavalier et le cheval.
Et ce petit faible en question s’est même renforcé au fil du temps maintenant que la présentation (intérieure comme extérieure) a fait de sérieux progrès en qualité et attractivité. Revers de la médaille : si Mazda fait plutôt de bonnes autos, peu de monde semble être vraiment au courant et la marque japonaise s’appuie toujours sur un réseau de distribution qui a probablement des progrès à faire. Mais ceci est un autre débat…
En même temps, je vous parle à l’instant du plaisir de conduite préservé et à quoi avons-nous à faire ? À un petit SUV automatique, Diesel, 4×4, de 1.5 litres et de 105 ch, hyper équipé en finition haut de gamme. Je sais pas pour vous, mais, moi, ma définition du plaisir automobile, elle se logerait plutôt dans les termes de l’équation suivante : un truc à ras du sol, essence, propulsion, avec bon rapport poids / puissance et le strict minimum côté équipements, voire même un peu moins. Tiens, une Caterham ! Je kiffe vraiment les Caterham… et il faut admettre que la Super 7 est un peu l’exact opposé du CX-3. Mais bon, il faut laisser sa chance au produit.
Et le produit, il présente plutôt bien. La perception de l’enveloppe extérieure reste toujours éminemment subjective, mais avec sa large calandre, ses ailes râblées et sa double sortie d’échappement, le CX-3 possède, à mon humble avis, un look plutôt sportif qui laisse augurer d’un tempérament assez dynamique pour un petit SUV. À l’intérieur, pas de surprise pour ceux qui, comme moi, connaissent déjà la Mazda 2. On est globalement sur la même présentation, c’est à dire un intérieur moderne et épuré à la fois, qui frôlerait presque les frontières du premium, ne serait-ce ces placages de Carboplast® sur la console centrale et les contre-portes, ainsi que les petites garnitures en cuir rouge foncé qui ne s’accordent pas très harmonieusement avec le reste. Car, dans l’ensemble, on est bien dans cette Mazda CX-3 : tableau de bord simple et lisible avec son gros compte-tours central (mais oui, comme sur une Ferrari !) renforcé par son affichage tête haute, écran tactile à l’ergonomie évidente, commandes du tableau de bord qui tombent bien sous la main. Et sans oublier ce joli bonus : les sièges en cuir blanc et Alcantara® qui donnent une vraie allure à cette petite auto. Si côté tarifs le CX-3 ne donne pas dans le hard discount, force est tout de même de constater que l’on se sent bien à bord et qu’on a qu’une envie, celle d’aller avaler des kilomètres : rappelons que la finition Sélection permet de disposer du régulateur de vitesse adaptatif, des feux automatiques et directionnels adaptatifs, d’une audio Bose avec 7 hp et de la caméra de recul. Soit un niveau d’équipement élevé dans une auto de 4,27 m de long…
Une question d’équilibre
En faisant le tour de mes archives, je constate que jamais je n’ai essayé une voiture si peu puissante pour le blog. Bye bye la séquence frisson !
Concernant le moteur, la technologie Mazda SkyActiv-D repose sur un élément majeur : l’utilisation d’un taux de compression peu élevé. Le 1.5 est en effet comprimé à 14,8 :1, ce qui présente de multiples avantages en termes d’efficience énergétique : une température et pression en baisse au point mort haut ; un temps d’allumage légèrement plus long pour une meilleure combustion et donc, moins de polluants NOx. Effet collatéral positif : les pressions moindres à l’intérieur du bloc moteur permettent de gagner du poids grâce à l’utilisation d’alliages et de parois externes moins lourdes, notamment au niveau de la culasse. Voilà, c’est la fin de notre petit paragraphe « boulons, rondelles et pied à coulisse ». Ce qu’il faut retenir c’est qu’au final, pour l’utilisateur, cela donne le sentiment d’un moteur Diesel au fonctionnement plus doux.
Et c’est ce sentiment de douceur qui prédomine au volant, mais pas de mollesse pour autant, malgré la BVA. Cette BVA n’a pas de mode Sport mais des palettes au volant plutôt réactives. Dénommée SkyActiv-Drive, cette BVA est calibrée pour une conduite plutôt apaisée. Alors, certes, elle a une petite tendance à monter le rapport supérieur au lever de pied et à ne pas faire trop de zèle en rétrogradant au freinage, mais la présence interne d’un embrayage de verrouillage fait qu’elle ne donne jamais le sentiment de patiner dans la semoule. Du coup, dans le cadre d’une conduite normale, elle se fait un peu oublier et, dans ce genre de voiture, c’est probablement ce que la majorité des utilisateurs lui demandera.
C’est un peu la même chose pour le petit 1.5 Diesel. Raisonnablement silencieux à bas et mi-régime, il commence à donner de la voix dans une zone où il a, finalement, peu de raisons d’être. Car en dépit de la zone rouge fièrement affichée à 5000 tr/mn et de la puissance annoncée à 4000 tr/mn, le 1.5 D donne le meilleur de lui-même en deçà de 3700 tr/mn. Il est en effet bien rempli dès le régime de ralenti et sans temps mort ni pallier de puissance et en usage normal, on apprécie la bonne combinaison entre les 270 Nm de couple disponibles dès 1600 tr/mn et le fonctionnement ouaté de la BVA. Avec le 0 à 100 couvert en 11,9 secondes et 172 km/h en vitesse de pointe, il n’est évidemment pas un foudre de guerre mais c’est sa bonne disponibilité qui fait mouche.
Pour rappel, 270 Nm c’est correct pour un 1499 cm3. C’est plus qu’une Kia Soul 1.6 CRDi (260) et qu’une Nissan Juke 1.5 dCi (240) et autant qu’une Mini Cooper Countryman 1.6 D. Par contre, la paire de chez FCA, la Fiat 500 X et le Jeep Renegade, tous deux avec le 1.6 font mieux avec 320 Nm à 1750 tr/mn (et accessoirement 120 ch).
Mais c’est là que Mazda ressort une autre carte de son chapeau et, magie du truc, il est encore écrit SkyActiv dessus : à l’exception du Renault Captur qui, comme le Mazda, se situe à un peu plus de 1200 kilos (tout en mesurant 15 cm de moins), toutes les concurrentes font de un à presque trois quintaux de plus, le Jeep Renegade étant le dindon de la bande à 1520 kilos.
Voilà une nouvelle illustration de la philosophie Mazda : c’est une question d’équilibre. La quête d’un poids contenu fait elle aussi partie de la démarche SkyActiv, qui n’est au fond qu’une appellation marketing ne recouvrant rien d’autre qu’une démarche de conception globale de l’auto visant à la meilleure efficience énergétique : pour limiter le poids, Mazda a donc utilisé un châssis acier à haute résistance (63 % de l’ensemble), avec notamment des montants de pare-brise extrêmement fins. L’agilité est ainsi préservée et du coup, les bonnes sensations découvertes lors de l’esssai de la Mazda 2 se retrouvent ici, avec une direction bien calibrée et une auto bien amortie et qui donne, au final, un certain plaisir de conduite sans trop grever le confort, malgré les roues de 18 pouces.
Dans cette déclinaison 1.5 D BVA 4×4, la Mazda CX-3 est une auto singulière et raffinée. De là à dire qu’elle s’adresse à un public de connaisseur qui ne se précipitera pas tête baissée vers les stars du marché, le pas n’est pas long à franchir. Pour séduire, elle peut compter sur sa bonne présentation et son bon niveau d’équipement, son comportement dynamique plaisant, son alliance moteur / boîte qui vise l’efficacité et l’agrément en usage courant (ainsi qu’une sobriété correcte, avec une moyenne de 7 l/100 à l’issue d’un essai mélangeant ville, autoroute et campagne). Voilà le message que doivent faire passer les 121 concessionnaires de la marque (pour comparaison, le leader du marché, le Captur, s’appuie sur 3788 points de vente Renault) ; voilà tout le problème ; avec aussi son petit coffre de 350 litres et dont le seuil de chargement est perché à 85 cm de haut. Mais le CX-3 est un vrai petit SUV, qui s’apprécie en toutes saisons, aussi bien dans un usage familial (économe en achats, vu le coffre), qu’avec un conducteur exigeant au volant. Au final, l’agrément général est bien au-dessus de la cylindrée et du niveau de puissance. Une belle découverte !
Photos : Gabriel Lecouvreur