381 chevaux dans un break, ça permet de ne pas faire attendre la marmaille à la sortie de l’école. En plus, c’est un record de rendement spécifique pour un 4 cylindres 2 litres. Et au quotidien, ça donne quoi, cette Mercedes CLA 45 AMG ?
Il y a des essais dont on se fait toute une joie et qui, pourtant, commencent mal. Mon pote Jérôme (« Jé », pour les intimes), me dit : « je l’ai essayée sur circuit, ça manque vraiment de couple, ça avance pas »… Et pan, dans l’estomac.
Au même moment, je passe dans un kiosque à journaux et par pur atavisme, j’achète le Sport Auto du cru (n° 661 de février 2017, 5,90 € quand même !), et qui, le hasard fait bien les choses, est presque entièrement consacré à Mercedes AMG. Du coup, les journalistes professionnels essayent toute la gamme, de la GT R verte à la C 63 S et même l’incroyable G 65 et son V12 biturbo de 630 chevaux (elle me tente bien, celle-là !). La petite 45 AMG passe évidemment sur le grill et le verdict est que, si « elle peut en énerver quelques-uns », c’est « une compacte plus neutre que réellement sportive ». On n’a pas la même notion de la neutralité, mais bon…
Bon, ben ça sent la déception, alors. J’aurais du réserver pour essai la dernière version du Dacia Duster. On n’est jamais déçu, avec un Duster, c’est la meilleure auto du monde.
Feel good factor
Enfin, faut pas oublier deux choses : les gars de Sport-Auto roulent en permanence dans les caisses les plus extravagantes du monde et mon pote Jé se déplace au quotidien en C 63 AMG qui pétarade joyeusement et avec lequel nous avons déjà pris plus de 290 km/h sur le chemin du Nürburgring. Et quand Jé va faire les courses à Auchan, il prend son traîne-con : une Z4 6 cylindres. Etre un jeune geek plein d’avenir, ça aide.
Il n’empêche : ce que n’aura jamais un Duster, c’est le feel good factor. Et sur ce point, il faut admettre que la semaine passée avec ce CLA 45 AMG Shooting Brake a été plutôt généreuse en émotions. Avant même d’en prendre le volant, le moins que l’on puisse dire, c’est que cette auto en impose ! Diffuseur à l’arrière, grosses jantes de 19 pouces (une option à 1400 €, mais paradoxalement, chaussées de relativement modestes 235/35 – mon essai suivant, un SUV Diesel, était monté en 255 sur du 19 pouces !), gros étriers de freins peints en rouge (une option à 400 €), la peinture grise satinée Argent Polaire (une option à 2250 €), la CLA Shooting Brake en impose.
Idem à l’intérieur, avec de magnifiques sièges baquets (option sièges AMG Performance à 2300 €, magnifiques de maintien), y’a pas à le dire, on a une vraie street cred à son volant !
Bien que sportive, cette CLA a l’intérieur d’une vraie Mercedes. Certes, l’écran façon iPad sur la console centrale a ses détracteurs, mais la lisibilité est impeccable et l’ergonomie de l’ensemble me paraît assez bonne.
Contact. Broooaaaaap. Au démarrage, la CLA 45 AMG gronde bien, et elle irait presque chercher des noises à une Abarth 500 équipée des pots Monza. Dans mon parking souterrain, j’ouvrais les vitres chaque matin avant de la démarrer, ce que je ne faisais pas avec ma voiture d’essai précédente, la 3008 GT Blue HDI.
La sonorité est racée, profonde, et on oublierait presque que l’on a seulement un 4 cylindres de 2.0 sous le capot. Celui-ci a été revu par rapport à la première version des 45 AMG : on est passé de 360 à 381 chevaux à 6000 tr/mn et le couple se situe à 475 Nm, dispos de 2250 à 5000 tr/mn. Ce qui est, vous en conviendrez, très impressionnant pour un bloc de 1991 cm3. De quoi réfléchir sur le sens de l’évolution, si l’on se rappelle que l’une des premières compactes premium bodybuildées fut l’Audi S3 qui, en 1999, proposait 210 chevaux.
En mode confort au quotidien…
En attendant, au quotidien, la CLA 45 AMG Shooting Brake est plutôt docile. En mode confort, la boîte et les suspensions sont douces, les beaux sièges baquets maintiennent bien et sont relativement confortables. En fait, dans du Paris embouteillé (pléonasme), qui constitue le cadre de mes premiers tours de roues, la CLA 45 AMG Shooting Brake est carrément docile et me fait oublier son pedigree de recordwoman de rendement pour un 2 litres.
Pas assez d’espace pour tester le 0 à 100 qui, selon la fiche technique, s’abat en 4,2 secondes. Pas mal. Là, je suis plus du genre à profiter des sièges chauffants et de la qualité de la sono. En mode confort, les suspensions n’ont rien de cassant et la boîte enchaîne les rapports en douceur. Ce qui est vrai, par contre, c’est que le 4 cylindres n’est pas super rempli à bas régime. Au début, coincé entre des Clio dCi et des camionnettes de livraison, je remarque qu’il faut attendre que le turbo souffle un peu et que c’est à partir de 2500 tr/mn que la CLA pousse et que les voitures de devant se rapprochent dangereusement. Mais tout est question de référentiel et sur la route, c’est à partir de 3500 / 4000 tr/mn que la poussée se fait vraiment effective. En tous cas, en mode confort, on cruise à 2400 tr/mn à 130 km/h en septième et des fois, il faut rétrograder si l’on veut se relancer rapidement.
Sur les voies rapides et autoroutes urbaines, la CLA 45 AMG dispose également d’une fonction roue libre sur sa boîte 7, toujours en mode confort. Bien pour économiser quelques gouttes de carburant, mais je réalise que cette fonction roue libre est active sous les 3000 tr/mn. Et sur autoroute, à 3000 tr/mn en 7ème, on est déjà à 160 km/h (et aussi de l’autre côté du Rhin, donc). Bref, tout ça pour dire que si l’on tient compte du volume du coffre et de la place généreuse de la banquette arrière, cette petite bombinette qui, avec 190 chevaux au litre, dispose quasiment d’un rendement mécanique de moto hypersport, est tout à fait fréquentable au quotidien.
Et en mode énervé ?
En même temps, on n’est pas venu ici pour beurrer des tartines ni pour battre des records d’éco-conduite. J’appuie sur le bouton de l’échappement actif, et paradoxalement, de l’intérieur, la différence n’est pas flagrante. La molette sur la console centrale permet de passer de Confort à Sport, voire Sport + ou même Race si vous souhaitez vous passer de toutes les béquilles électroniques. Le mode Sport fera l’affaire pour l’instant : le Stop & Start se désactive et la boîte monte les rapports un peu plus haut. Et un peu plus vite, aussi.
Elle est bien, cette boîte : en mode auto comme avec les palettes au volant, elle est rapide et précise, et puis il y a la petite déflagration qui va bien. Ca me plaît.
Et puis dans les tours, elle marche cette AMG. Fort. Très fort. De 4000 à 6000 tr/mn, ça fait certes une plage d’utilisation étroite, mais carrément consistante. Merci à Markus Raddau, qui a assemblé mon moteur !
L’aiguille du compte-tours se jette dans la zone rouge comme si celle-ci avait insulté sa mère, on se retrouve collé au siège, le rapport supérieur passe en un éclair et les points de permis se retrouvent en gros péril. Sport-Auto a chronométré la CLA à 277 km/h chrono (285 compteur) et pour ma part, sur une portion allemande de mon itinéraire, j’ai pu constater que ça grimpe à 240 km/h en un éclair et qu’après l’accélération se tasse quand même un peu. Il m’a donc manqué un peu d’espace pour faire mieux, car j’avais l’option « vmax relevée à 270 km/h » (2300 €).
Mais tout cela est un peu anecdotique. Ce qui est impressionnant, c’est que sur petite route, ce break est juste collé par terre : pas de roulis, une direction super-précise, un volant en Alcantara® qui tient super bien dans les mains, des freins magiques de feeling et de puissance, la CLA 45 AMG Shooting Brake dévore les départementales à la manière d’une GTI sous amphétamines et, sous réserve d’être dans la bonne plage du compte-tours, sort des virages comme une furie sans aucun problème de motricité. Par contre, même en la titillant un peu, je ne l’ai pas trouvée joueuse, mais plutôt parfaitement efficace. C’est bien aussi !
80 K€ quand même…
Et combien ça vaut ? Là, la question est à double tranchant : le prix est en phase avec le niveau de puissance et de performances, mais on pourra trouver que ça commence à faire cher pour un 4 cylindres 2 litres. Encore qu’en la matière, la palme revient au Volvo XC90 T6 !
La CLA 45 AMG Shooting Brake commence à 63 800 €. Mais vous savez ce que c’est, le premium allemand, ça se nourrit aussi à grands coups d’options. Ainsi, ma voiture d’essai émarge à 81 775 € (oui, quand même), car elle avait aussi le keyless (800 €), l’infodivertissement Comand Online (2300 €), le pack AMG Dynamic Plus (2650 €), le toit ouvrant (1200 €), les vitres teintées (tiens, une option pas chère : 325 €, vous m’en mettrez deux couches), l’échappement AMG Performance avec commande sur la console centrale (800 €) et quelques autres babioles.
Joie des procédures d’homologation : la CLA 45 AMG est donnée pour 7,3 l/100 et 171 grammes de CO2. J’avoue, j’ai été un mauvais élève : je sors une moyenne à 13,1 l/100 avec des extrêmes à 9,6 et 15,5. Que voulez-vous, il faut bien nourrir les chevaux.
En tous cas, elle dénote bien dans le paysage automobile, cette familiale qui a des rendements de moto hypersportive, avec ses 190 chevaux au litre ! Alors oui, c’est un peu faiblard en couple à bas régime, mais c’est joueur au-dessus et on ne peut pas à la fois se plaindre que les autos modernes soient devenues lisses et fades, et faire la fine bouche quand on tombe sur un engin qui a du caractère mécanique.
Morale de l’histoire : rouler en V8 au quotidien, ça perturbe un peu le jugement. Parce que moi, cette CLA 45 AMG, j’en ferai bien mon daily driver !
Photos : Benoît Meulin (www.bluedoorprod.fr)