Après des mois de négociations, le constructeur indien Mahindra a enfin annoncé officiellement le rachat du carrossier italien Pininfarina
A l’instar d’autres studios de design avant lui, Pininfarina a dû se résoudre : vendre ou disparaître. Et pour le père de la plupart des grandes Ferrari des 50 dernières années, c’est le constructeur indien Mahindra qui a remporté la mise en rachetant à la société Pincar s.r.l. 76% des actions de la société italienne pour la somme de 28 M$. Mahindra fera une offre publique d’achat pour les 24% restants, Pininfarina étant une société côtée à la bourse de Milan. Paolo Pininfarina, petit-fils du fondateur, continuera à la diriger.
Mahindra apporte en outre une garantie de 125 M$ aux créanciers de l’italien et la promesse d’investissements à hauteur de 20 M$. Voilà donc Pininfarina sauvé pour l’instant, mais par qui exactement ? Mahindra est un des plus gros groupes industriels indien, fondé en 1945 et produisant notamment des tracteurs et des voitures. Il a déjà racheté le constructeur coréen SsangYong et la branche scooter de Peugeot (en 2014). Il emploie au total plus de 180 000 personnes, son chiffre d’affaires s’établissant à 15 Mds de $ en 2014. Pas vraiment un nouveau venu et surtout une société solide financièrement et ambitieuse.
Quel intérêt pour Mahindra de racheter le carrossier ? On peut imaginer déjà une petite amélioration du design de la marque, parce qu’il faut bien avouer que les productions automobiles du constructeur sont plutôt… “rustiques”. Mais ce n’est sûrement pas l’essentiel, et ce serait lourdement se tromper que d’en rester là. Mahindra est très ambitieux, et souhaite non seulement conquérir les marchés émergents, mais aussi l’Europe et les Etats-Unis. Il faut donc y voir aussi une opportunité pour Mahindra de pénétrer ces marchés par la petite porte, sous couverts d’accord d’engineering par exemple.
Pininfarina de son côté est devenu exsangue à cause de l’internalisation des bureaux de design par tous les constructeurs. Même les fidèles clients que sont par exemple Peugeot (404, 504 coupé, 406 coupé,…) ou Ferrari (dans le désordre : Daytona, 308 GTB, F40, Testarossa, Enzo,….) ne font plus appel à ses designers. La dernière berlinette Ferrari 488 GTB est ainsi créditée au centre de design de la marque. Quant à la production pour tiers, Pininfarina a fermé petit à petit toutes ses usines, la dernière en 2013. Bref, plus de clients dans l’automobile, plus de capacité industrielle. Il reste une marque et une notoriété intactes, et surtout une équipe d’ingénieurs et de designers, ce qui est le plus important.
La dernière création originale du bureau (la BMW Gran Lusso Coupé) remonte à 2013. Idem pour la Ferrari Sergio dont une production en toute petite série (6 exemplaires) a été lancée cette année. Bien peu de choses au final pour faire vivre une société, et surtout un inquiétant ralentissement de sortie des nouveautés.
L’enjeu des prochaines années va être d’arriver à collaborer à nouveau avec des constructeurs devenus frileux et à apporter une créativité et une expertise qu’ils ne peuvent pas trouver en interne. Je souhaite sincèrement bon courage à Pininfarina, car la partie ne sera pas facile. Pininfarina n’est d’ailleurs pas présent que dans l’automobile, même si c’est la partie la plus visible et la plus connue.
Credits photo : Pininfarina, Mahindra