Alors que le cirque de la Formule 1 fait étape au Mexique, il paraît loin le temps où Sergio Perez clamait qu’il lutterait pour le titre, après 2 victoires dans les rues de Djeddah et Baku. Certains y avaient même cru. Naïveté ? Espoir d’une bataille acharnée entre coéquipiers façon Prost-Senna ou, plus récemment, Hamilton-Rosberg ?
La suite, on la connaît : 10 victoires d’affilée de Max Verstappen, quand Checo multipliait les boulettes et les contre-performances, avec notamment 5 éliminations de suite avant la Q3. A titre de comparaison, quand Valtteri Bottas se faisait railler car il était outrageusement dominé par Lewis Hamilton après avoir fait des déclarations similaires à celles du Mexicain, le Finlandais a atteint la Q3 chaque weekend disputé sur la Mercedes. Certes, contrairement à Bottas, Perez n’est pas spécialiste de l’exercice sur un tour. Mais tout de même, ça fait tâche.
Ce problème en qualifications ne serait pas si gênant si Checo remontait sur la tête aussi facilement que son coéquipier. Quand Verstappen a un problème en qualifications, cela ne l’empêche généralement pas de gagner. Hungaroring 2022 (départ 10e), Spa 2022 (départ 14e), Austin 2023 (6e) … Et j’en passe, de peur de faire une liste aussi monotone qu’un GP vu depuis la monoplace du Néerlandais cette saison. L’exemple le plus percutant, c’est le GP de Miami en début de saison. Perez est au coude à coude avec Verstappen au Championnat après 4 courses. Il part en pole quand Max est seulement 9e sur la grille. L’occasion est parfaite pour creuser un petit écart au Championnat. Mais 57 tours plus tard, quand Sergio coupe la ligne d’arrivée, son équipier est déjà passé depuis plus de 5 secondes. Un gros coup sur la tête, le début de la fin.
Depuis Miami, Sergio Perez n’est pas parti en première ligne d’un GP, et n’a fait que 3 top 6 en qualifications en 13 occasions
Les 3 raisons pour lesquelles Perez doit partir
La première, c’est la faille mentale qu’il traîne depuis ce fameux GP de Miami. Non seulement il s’est fait dépasser par Verstappen mais il n’a plus été devant son coéquipier sur la piste depuis ce moment-là (hors arrêts décalés lors de certaines courses). A Monaco pour le GP suivant, il avait l’occasion de rebondir, lui le Prince de la ville, vainqueur sortant sur un circuit urbain qu’il affectionne, au contraire de Max qui préfère les courbes rapides. Il a rebondi de la pire des manières, contre le mur extérieur du virage de Sainte-Dévote en Q1. La sanction fut sans appel : pole et victoire pour le Néerlandais, dernière place sur la grille et 15e place en course à 2 tours pour le Mexicain. 25 points à 0 au Championnat. Plus personne ne croit aux chances de titre de Checo, à part lui peut-être, s’il est adepte de la méthode Coué.
De plus de 75% des points possibles jusqu’à Miami, Perez est désormais passé sous les 50%. Si la comparaison avec Verstappen est futile, le contraste est saisissant
La deuxième, c’est que Sergio semble avoir perdu de vue son rôle de numéro 2, comme Bottas parfois en début de saison quand il revenait plus motivé que jamais. La jurisprudence Nico Rosberg leur a sans doute fait beaucoup de mal. Dans un sport d’élite, croire qu’on peut gagner, c’est indispensable. C’est ce qui a permis à tous les pilotes de F1 d’en arriver là. Ensuite, quand on atteint ses limites, la préparation mentale cause beaucoup de torts. Les doutes reviennent. Mais impossible d’avouer qu’on a pas le niveau suffisant. Red Bull a permis à la carrière de Perez de décoller, et j’ose même le dire, Red Bull lui a donné des ailes… Mais tel Icare, il s’est brûlé en voulant trop s’approcher de l’étoile Max Verstappen. En 2021 lors de sa première saison, tout se passait bien quand le seul rôle de Checo était d’aider son équipier à décrocher le titre, ce qu’il a d’ailleurs brillamment fait.
Pour autant, faut-il lui jeter la pierre ? Ce n’est que le dernier d’une longue liste de pilotes n°2 qui ont voulu croire à la consécration. Pour un Rosberg, combien de Perez, Bottas, Webber, Massa, Coulthard ou Barrichello, pour s’en tenir aux plus célèbres n°2 du 21e siècle ?
La troisième, c’est Red Bull qui doit se séparer de Perez car elle ne pourra jamais lui offrir une monoplace pour son type de pilotage. L’équipe autrichienne doit et va continuer à orienter le développement de toutes ses F1 pour convenir au mieux au pilotage de Max Verstappen tant que le Néerlandais sera là. Et même s’il a déclaré ne pas vouloir faire une carrière à rallonge, il n’a que 26 ans et un contrat jusqu’à fin 2028. Qui peut penser que Perez prendra la suite, lui qui a 7 ans de plus ? N’est pas Fernando Alonso qui veut…
Pour 2024, je vois deux options :
Soit la combinaison Red Bull-Verstappen est aussi dominatrice que cette année, et Max sera alors suffisant pour décrocher les 2 titres à lui tout seul : il compte aujourd’hui 122 points de plus que Mercedes… Pas besoin de Perez dans ce cas de figure, autant tester un autre pilote.
Soit la lutte pour le titre est plus serrée, ce qui est tout de même probable, et Red Bull aura besoin d’un soutien pour Verstappen. Un vrai numéro 2 solide. Un rôle que ne peut et ne veut plus assumer Sergio.
Les alternatives pour Perez en 2024
Elles sont limitées, mais elles existent. En F1 comme en dehors. Officiellement, le seul baquet disponible est chez Williams, en remplacement de Logan Sargeant. Si l’Américain vient de faire sa meilleure course à Austin, avec un point en récompense, il n’a pas donné beaucoup de garanties pour l’avenir. En termes de qualifications décevantes et de grossières erreurs de pilotage, il lutte avec Lance Stroll, autre cas à traiter…, et Sergio Perez. Malgré tout ce qui précède, il ne fait aucun doute que Checo est un bien meilleur pilote que Sargeant. Surtout, il serait dans un meilleur environnement, libéré de la pression de devoir monter sur les podiums tous les week-ends et de la présence envahissante de Verstappen. Avec Alex Albon comme coéquipier, ils auraient de quoi discuter en tant qu’ex. Au risque de se voir dominé par le Thaïlandais, qui a parfaitement rebondi après son passage difficile dans la Red Bull n°2.
Le choix de Williams ne serait donc pas mauvais, à mon avis, mais la meilleure solution pour Perez, c’est selon moi de partir en Endurance, dans le championnat WEC qui est en plein renouveau depuis l’arrivée de nombreux constructeurs en catégorie Hypercars. La vitesse pure n’est pas aussi prépondérante, au contraire de la régularité et de l’endurance, ou encore de la gestion des pneus. Autant de forces que Checo pourrait mettre en œuvre dans de bien meilleures conditions.
Pourquoi Perez est toujours là… et risque de le rester
J’élude le fait que le Mexicain ait un contrat pour 2024. Chaque fois qu’il le rappelle, cela a plutôt tendance à souligner qu’il est en danger… Un contrat en F1, c’est déjà fragile, un contrat Red Bull, n’en parlons même pas…
Malgré tous ces déboires, Sergio est 2e du Championnat, avec de bonnes chances de le rester. Pour la première fois, Red Bull devrait faire le doublé au Championnat Pilotes. Grâce aux performances du Mexicain en début de saison, mais aussi à l’inconstance des poursuivants. Mercedes et Ferrari n’ont de régulier que leur irrégularité. Fernando Alonso a décroché car Aston Martin n’arrive pas à développer sa monoplace. Lando Norris serait largement 2e du Championnat si on comptait uniquement les 10 derniers weekends mais reste loin car la McLaren était complètement ratée en début de saison.
L’autre chance de Checo, c’est la blessure à la main de Daniel Ricciardo, revenu en lieu et place de Nick De Vries pour mettre la pression sur le Mexicain. Après 2 ans catastrophiques chez McLaren et seulement 3 GP depuis son retour, plus une blessure dont personne ne sait vraiment s’il est remis à 100%, difficile de mettre l’Australien dans la Red Bull tout de suite. A moins qu’il ne fasse une fin de saison stratosphérique. S’il est battu par Yuki Tsunoda tous les weekends, Perez peut dormir tranquille.
La dernière option en interne pour Red Bull, c’est Liam Lawson, auteur d’un brillant intérim en remplacement de Ricciardo, mais sans doute trop peu expérimenté pour constituer une solution crédible, même si le pari serait intéressant. Le problème du Néo-Zélandais, outre son inexpérience, est qu’il n’a pas été particulièrement convaincant dans les catégories inférieures. Malgré des débuts prometteurs, il n’est donc pas considéré comme un futur champion en puissance.
Le problème de la Red Bull n°2 est donc plus présent que jamais. La seule façon de le résoudre, c’est de trouver un pilote au style proche de celui de Verstappen, rapide et costaud mentalement, et qui ne développe pas trop d’ambition s’il se met à gagner. Bref, un mouton à 5 pattes.
Verdict
Malgré les rumeurs d’une annonce de départ du Mexicain lors de son GP national ce weekend, il devrait finalement rester en 2024… Au moins pour le début de saison. Si Ricciardo performe dans l’AlphaTauri (ou le futur nom de la monoplace italienne), un switch entre les deux est à prévoir, voire un départ pur et simple de Perez car je ne l’envisage pas vraiment dans l’écurie sœur.
Crédits photos : F1.com