Comme ce fut déjà le cas par le passé, Maserati a transposé le moteur de sa dernière supercar, la MC20, dans son tout dernier SUV sportif. Alors est-ce que la magie va opérer ? On vérifie ça tout de suite lors de l’essai du Maserati Grecale Trofeo.
Design : en toute sobriété
Au premier regard, le Grecale Trofeo arbore un design extérieur empreint de l’élégance italienne, avec un savant mélange de courbes sculpturales, de lignes racées et la fameuse calandre emblématique. L’agressivité discrète de sa silhouette rappelle l’héritage sportif de Maserati. Cependant, il ne propose pas d’éléments de design révolutionnaires qui le démarqueraient véritablement de ses concurrents. Il incarne une certaine sobriété qui pourrait décevoir ceux en quête d’une proposition audacieuse. À y regarder de plus près pourtant, quelques détails se laissent apprécier. On remarque par exemple les feux arrière non s’en rappeler la 3200 GT qui me faisait rêver dans ma jeunesse. Ou encore les prises d’air avant plus proéminentes que les versions GT ou Modena, et spécialement cerclées de carbone. Puis les grosses jantes 21 pouces impressionnent, tout comme l’imposant diffuseur ; toutefois de part et d’autre de celui-ci, j’aurais préféré conserver des échappements arrondis. Quoi qu’il en soit, ce super-SUV se savourera davantage avec une configuration plus tape-à-l’œil. Sans tomber forcément dans le Giallo Corse de lancement, piochons le Blu Intenso qui lui sied à merveille.
Habitacle : toujours plus…
À l’intérieur, le Grecale Trofeo se veut d’emblée luxueux et accueillant. Les matériaux de qualité, avec du cuir de partout et du carbone, et l’attention portée aux détails créent une ambiance raffinée. Mais raffinée ne veut pas dire sportive. Malgré cette incroyable teinte rouge, je ne suis pas plongé dans l’univers que j’attends d’une Maserati. J’ai besoin de rêver, j’ai besoin de sportivité, j’ai besoin d’originalité. Et c’est vraisemblablement l’omniprésence d’écrans qui me donne cette impression (même l’horloge centrale est un écran personnalisable !). Dans un autre SUV, cet habitable serait probablement parfait. La finition est de haut-niveau, et l’intégration des divers éléments bien conçus, mais avec ce logo, la magie ne fait pas son effet sur moi à 100 %. Seul le volant et les longues palettes me rassurent sur les prétentions de cette machine. Surtout qu’une fois assis, je n’aurais pas non plus été contre des sièges plus typés baquets.
Au-delà de ces considérations esthétiques, l’espace intérieur est généreux, offrant un confort de premier ordre tant pour les passagers que pour le conducteur. Les technologies embarquées sont à la pointe, avec un système multimédia qui présente bien et une instrumentation moderne. Malheureusement, l’ergonomie s’en tire pour ma part avec un bilan mitigé. Premièrement, je ne suis franchement pas fan des gros boutons dédiés au sélecteur de commandes (P/R/N/D). Ce n’est pas ce qu’il y a de plus pratique, ni de plus beau au demeurant. Ensuite, on se perd assez facilement dans les menus qui sont souvent mélangés et pas toujours très clairs. C’est vraiment dommage, même si je relève de gros efforts de fait depuis les Ghibli ou Levante essayées ces dernières années. Sinon pour conclure le chapitre, on va pouvoir également parler des aspects pratiques du Grecale. Oui oui, les côtés pratiques dans une Maserati… En plus de deux places arrière très confortables (on oublie la place centrale, trop étroite), il promet un coffre spacieux de 570 litres. La banquette 1/3-2/3 rabattable en un tour de main forme un plancher plat et permet alors d’embarquer tous vos accessoires les plus imposants.
Au volant : surmonter les premières déceptions
Je vous le disais en intro, Maserati a pioché le moteur de sa supercar du moment, la MC20, pour le greffer sous le capot du Grecale Trofeo. Adieu le V8 d’origine Ferrari, il s’agit désormais d’un V6 de conception maison. Bon ce n’est pas tout à fait le même, il a subi quelques modifications. Le Trident communique surtout sur l’installation d’un carter humide, au lieu d’un carter sec. Puis évidemment il a été dégonflé, perdant 100 chevaux dans l’opération, pour s’établir à 530 chevaux. Contrairement aux versions à 4 cylindres, il reçoit en outre la suspension pneumatique de série. Mais il n’a visiblement pas besoin d’un traitement encore plus radical pour devenir le plus affûté de la gamme.
Dès lors que vous optez pour cette version extrême, ce n’est certainement pas pour avaler des km à une allure paresseuse. Je vous ai écouté, et j’ai essayé au maximum d’emmener l’engin sur les rares routes sinueuses des Yvelines. Mais en toute honnêteté, je n’ai pas la prétention de pouvoir mettre en travers un engin de 2 tonnes sur route ouverte (puis c’est interdit d’abord ! 🙂). Pourtant à en voir certaines vidéos, il en est capable, et saura par conséquent donner de véritables sensations. Car sans le malmener, il n’apparaît malheureusement pas comme étant hyper palpitant. Lorsqu’on essaye de pousser le Grecale Trofeo dans ses retranchements, on s’attend à ressentir une poussée d’adrénaline, une connexion profonde avec la route. Malheureusement, cette expérience sportive tant espérée est en grande partie absente en raison du manque de communication dans la direction. Bien que précise dans ses exécutions, elle manque d’un vrai retour d’information et on doute parfois dans sa capacité à prendre une courbe à haute vitesse. Le réglage de suspensions paraît également trop doux, et l’ensemble ne procure pas ce sentiment de maîtrise totale que l’on recherche dans une voiture de sport. Surtout que les virages serrés vont souvent mettre en évidence une légère tendance au roulis, ce qui pourrait décevoir les conducteurs à la recherche d’aptitudes sportives plus authentiques. En prime, comme c’est de plus en plus le cas, les accélérations sont linéaires et feutrées. Le rendant moins violent qu’il ne pourrait être. Malgré un chiffre bluffant concernant le 0 à 100 km/h, l’exercice étant abattu en seulement 3,8 petites secondes.
Dans ce manque d’émotions, je dois peut-être évoquer le plus grand reproche que l’on puisse faire au Grecale Trofeo : sa sonorité. Alors que les précédents modèles du constructeur, équipés de moteurs d’origine Ferrari, offraient une symphonie italienne envoûtante, le V6 actuel ne parvient pas à susciter la même passion. Son récital est devenu plus germanique, plus artificiel, perdant ainsi ce caractère unique qui pouvait faire la réputation de la marque. Bien que le moteur émette un rugissement puissant et pétaradant, il ne parvient pas à évoquer les émotions que l’on pourrait attendre d’une Maserati. Évidemment, cela serait mentir de dire que je n’ai pas apprécié sa sonorité, jouant des palettes pour faire péter l’échappement, avant de monter haut dans les tours pour le faire hurler. Je ne peux simplement plus parler de mélodie.
Si je relativise, et je l’ai fait pendant ces quelques jours d’essai, en étant toujours très heureux de le conduire, eh bien je reconnais qu’il reste très agile pour un SUV de cette taille (4847x1979x1667 mm). On apprend à le connaître, on l’apprivoise, et de là on commence à véritable prendre plaisir à aligner les km à ses commandes. Au final, l’activation du mode Corsa décuple tout ça. Les suspensions se raffermissent, la réponse à l’accélérateur s’intensifie, les valves s’ouvrent et le Grecale Trofeo se transforme en un jouet bien plus excitant. Il repose sur la plate-forme Giorgio, déjà éprouvée avec le Stelvio QV, ce qui garantit une tenue de route solide et précise. Tout comme la boîte ZF à 8 rapports qui se révèle rapide et efficace, offrant des changements de vitesse en douceur et d’une grande réactivité. Bien qu’on ne sente pas vraiment les accélérations, comme je le disais plus haut, et qu’il n’y a pas de coup de pied au cul, le compteur dit tout le contraire. Les départs sont canons et on voit l’aiguille monter bien trop rapidement. L’accélération ne s’essouffle d’ailleurs jamais et on devine aisément qu’il pourra atteindre ses 285 km/h de vitesse de pointe en toute décontraction. Du coup, sur un parcours sinueux, je me rends bien plus compte de son potentiel. On est propulsé de virage en virage à une vitesse ahurissante ; bien agrippé au volant et le cœur qui s’accélère, il cherche là à prouver son tempérament bestial. Il n’est pas là pour plaisanter… Si pendant ce temps-là, vous vous inquiétez de la consommation, il faudra peut-être plutôt attendre l’arrivée du Grecale Folgore en 100 % électrique. Car notre Grecale Trofeo et son V6 Nettuno est friand de Sans Plomb 98. Dans ces conditions, il n’hésitera pas à avaler 25 l/100 km. Autrement, un parcours mixte lui fera plutôt consommer 15 l/100, voire 10 l/100 à vitesse stabilisée sur nationale.
L’avantage dans tout ça, c’est qu’il cherche à conquérir également vos déplacements journaliers. Sur les autoroutes, la voiture brille par sa stabilité et sa capacité à avaler les kilomètres sans effort. Les passagers peuvent profiter d’un confort exceptionnel grâce à une suspension bien réglée qui absorbe efficacement les imperfections de la route, et des sièges bien rembourrés. Le silence de la cabine est en outre presque imperturbable, créant un environnement propice à la détente lors des longs voyages. Dans un environnement urbain, les énormes jantes de 21 pouces typiques de cette version Trofeo, viendront très légèrement perturber les trajets de tous les jours, en ajoutant un peu de bruit et vibrations. Mais c’est vraiment pour chipoter, car c’est vite oublié par la facilité à manœuvrer la bête. Tout comme la boîte qui fait à nouveau un sans-faute en se montrant docile et invisible. Après tout, l’esprit Maserati est surtout axé Grand Tourisme. Et c’est ce qu’on arrive à parfaitement retrouver ici. Se déplacer au quotidien, dans un confort excellent, tout en se laissant la possibilité d’écraser la pédale de droite aux moindres virolos qui déroulent sous nos roues.
Tarifs : pas pour tout le monde
En entrée de gamme, le Maserati Grecale n’est pas si inaccessible que ça, pour une marque aussi prestigieuse. Avec le 4 cylindres de 300 chevaux, il s’échange à partir de 81 200 €. C’est un peu moins le cas pour notre version Trofeo équipé du V6. Là c’est minimum 121 600 € qu’il faudra débourser. On ajoute ensuite par exemple le système audio Sonus à 2640 €, des aides à la conduite à 4625 € ou le Climate Pack (banquette arrière chauffante, volant chauffant, …) à 1824 € et on obtient un modèle à 133 864 €. Sans oublier le malus de 50 000 €. Total : 183 864 €.
Malgré des concurrents tantôt moins chers (Alfa Romeo Stelvio QV), tantôt plus athlétiques (Porsche Macan). Voire plus luxueux (Range Rover Velar). Au fond de moi, je choisirais mille fois le Maserati Grecale Trofeo. Ce logo sur la calandre continue d’amener en moi une forme de rêve. Par ailleurs, je suis un éternel partisan de l’exotisme. Si le Grecale devrait devenir le modèle le plus vendu par la marque, il se fera toujours plus discret que ses rivaux. Puis le fameux charme à l’italienne fait son effet n’est-ce pas ?
Bilan : tout de même conquis
En conclusion, le Maserati Grecale Trofeo est intrinsèquement une excellente voiture. Puissante, confortable et dotée d’une esthétique séduisante. Cependant, il semble manquer ce supplément d’âme, qui fait habituellement la renommée de la marque au trident. Les amateurs de sensations fortes et de performances sportives pourraient être déçus par sa conduite un peu fade et sa sonorité moins enchanteresse. Malgré cela, il reste un SUV haut de gamme qui saura séduire ceux qui recherchent le meilleur des deux mondes, entre puissance brute et luxe raffiné, sans nécessairement viser une efficacité redoutable. Tout en ayant pourquoi pas, la sublime MC20 dans le garage…
Crédits photos : Thomas Donjon (Fast Auto)
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