La future Alpine livre quelques-uns de ses secrets, à commencer par son bloc 1.8 TCe dont une version dégonflée à 225 chevaux se retrouve désormais sous le capot du Renault Espace. Et comme il y a des morceaux d’Alpine dedans, direction un circuit !
On va casser le suspense : en passant du 4 cylindres 1.6 (1618 cm3) de 200 ch au 4 cylindres 1.8 (1797 cm3) de 225 ch, la différence au volant du Renault Espace se voit tout de suite. Carrément !
Toujours conçu par Renault Sport, ce moteur n’est cependant pas totalement ni entièrement nouveau, dans le sens conçu à partir d’une feuille blanche : on prend donc le 1.6 TCe (code M5Mt) et pour en faire le bloc qui nous intéresse (code M5Pt), il « suffit » de conserver l’ensemble du bloc, de garder l’alésage des pistons (79,7 mm), de mettre un nouveau vilebrequin et d’augmenter la course (de 81,1 à 90,1 mm), et le tour est joué. Ou presque : en haut, la culasse adopte une distribution variable à trois lois au lieu de deux, le turbo est désormais un twin scroll.
Cependant, il n’y a pas de quoi bouder son plaisir puisque l’on retrouvera ce bloc quasiment tel quel dans l’Alpine, qui aura toutefois un turbo avec des ailettes différentes ainsi qu’une autre cartographie pour sortir 252 ch et 320 Nm, prendre plus de tours (7000 au lieu de 6000 dans l’Espace), mais aussi, tirer quasiment 600 kilos de moins.
Néanmoins, la différence qui est tout de suite palpable dans l’Espace, c’est le gain de couple. On passe en effet de 260 à 300 Nm, disponibles dès 1750 tr/mn contre 2000 tr/mn auparavant, et l’apport de vigueur est vraiment sensible dès les plus bas régimes, soit dans la vraie vie d’une conduite usuelle. Et d’ailleurs, les chiffres corroborent cette perception : si l’augmentation de la vitesse maxi de 211 à 224 km/h sera anecdotique pour certains, le 0 à 100 couvert en 7,6 secondes (au lieu de 8,6) et le 1000 DA en 28,1 secondes (au lieu de 29,5) représentent une sérieuse différence au volant.
Certes, on n’en est pas encore à ça…
… mais au volant, on sent réellement une énergie dont ne disposait pas le modèle d’avant. D’ailleurs, j’avais essayé pour le blog un Espace TCe 200 à sa sortie, et j’en étais resté assez mitigé, au point d’avoir préféré la Talisman Estate TCe 200, plus basse, moins lourde et mieux connectée à la route.
A nous deux, Magny-Cours !
Même si, de l’extérieur il n’y a aucun signe distinctif sur ce nouveau modèle, comme je suis un mec assez primaire, on me dit que dans ma caisse, il y a des gènes d’Alpine dedans, alors moi, ni une ni deux, je me casse direct vers un circuit. Et c’est ainsi que je me retrouve à Magny-Cours, juste après la manche française du Championnat du Monde de World Superbike, qui a vu Jonathan Rea remporter à la fois une manche et son troisième sacre d’affilée le samedi sur Kawasaki, et Chaz Davies une autre manche sur sa Ducati le dimanche. Mais tout cela c’est de la moto, donc bof…
En tous cas, j’arrive sur le circuit pour voir que Seat fait un gros effort de visibilité en fournissant les voitures officielles. Y’a de la Cupra de 300 chevaux, faut bien ça pour avancer un peu sur un circuit aussi rapide que Magny-Cours. Je vais aller voir si, avec mon châssis 4Control si réputé, je peux aller déboiter de la Cupra dans le virage du Lycée !
Mais avant d’aller plus loin, revenons sur le trajet depuis Paris : bien que partant tôt le matin et sous le déluge, le trajet s’est bien passé, et en plus dans l’aspi d’une future DS7 Crossback. Le moteur, on en a déjà parlé. Par contre, l’ambiance intérieure reste tout aussi agréable.
Sur ce modèle, les sièges sont nouveaux, dans leur teinte grise et beige, et ils ont également une fonction de ventilation, ce qui est aussi nouveau. Vu la température extérieure, je m’en suis passé.
Et malgré les nouvelles roues de 19 pouces, le confort de l’Espace est remarquable, en mode Confort, justement, avec une course morte bien moelleuse et un vrai sentiment de tapis volant.
Du coup, les kilomètres défilent sans souci. A l’intérieur, l’info-divertissement permet désormais d’avoir Apple CarPlay et Android Auto, tandis que dans ma version d’essai, une Initiale Paris, la sono Bose à 12 HP ne me laisse, hélas, pas un sentiment inoubliable. Il n’empêche que dans cette version TCe 225, l’Espace est une formidable machine à avaler du kilomètre. J’ai fait le trajet tout seul, mais si j’avais eu des gens à bord, nul doute qu’ils auraient apprécié les écrans sur les appuie-tête à l’arrière.
Nous voilà à Magny-Cours, ses 17 virages et ses 4411 mètres de long, ses morceaux de bravoure, Estoril, Adelaïde, le 180, le Château d’Eau…
Avec plus de 220 chevaux, ça va commencer à être sérieux !
L’appel du vibreur
Sauf qu’il faudrait être taré pour emmener un monospace familial sur un circuit de F1 et il se trouve que, privilège de la profession, je suis là pour une autre raison. Essayer un engin d’une puissance similaire à celle de l’Espace 225, mais qui ne fait que 190 kilos. Il s’agit de la BMW S1000RR de Kenny Foray, la machine Championne de France de Superbike 2017. Avec les pneus slicks et la boîte racing (la sélection des vitesse est inversée par rapport à une machine de série, ce qui fait sens sur piste), je peux vous dire un truc, c’est que ça envoie sérieusement (mais alors, vraiment sérieusement), du bon gros steak ! En plus, et même en championnat de France, ces machines ont une électronique prédictive, en ce sens que l’on peut programmer, virage par virage, le niveau de réponse de l’accélérateur, le niveau de contrôle de traction, le niveau de frein moteur, le niveau d’anti-wheeling, etc. Bref, je l’avoue : j’ai pris mon pied.
(Un blogger auto en action sur une véritable moto de course ; photo Gérard Delio)
Ce qui me ramène à notre Espace. Certes, le MultiSense ne permet pas de faire de la programmation virage par virage (et c’est fort dommage !). Néanmoins, j’ai trouvé que le MultiSense avait un vrai impact sur le comportement et les sensations délivrées par l’auto, ce qui n’est pas forcément toujours le cas chez bien des véhicules dotés de « modes de conduite ».
Là, le confort est remarquable en mode « Confort », tandis que la direction est nettement plus directe et la course morte des amortisseurs disparaît en mode « Sport ». Seule la boîte EDC7 laisse parfois quelques à-coups ou hésitations, mais cela n’a rien de rédhibitoire, sauf qu’en cas de conduite sportive, on regrette alors l’absence, même en option, de palettes au volant. Quant au système 4Control, j’en pensais déjà le plus grand bien dans la version TCe 200, et il n’y a pas de raisons de changer d’avis.
En conclusion
Bref : plus punchy, plus dynamique et mieux équipé, cet Espace 1.8 TCe 225, qui débute à 40600 € en finition Zen, 44400 en Intens et 48400 € dans l’Initiale Paris de mon modèle d’essai, a t’il toutes les cartes en mains pour faire un carton ?
Hélas, non ! Cela ne tient pas à ses qualités intrinsèques, mais au biotope autophobe qui existe dans notre beau pays perrichonisé. Du coup, le malus augmente de 473 (TCe 200) à 1600 € sur ce modèle. Vu que moins de 15 % des Espace vendus sont des versions essence, autant dire que vous avez intérêt à faire un vœu quand vous en croiserez un (dans ma jeunesse, on faisait ça avec les 2CV vertes).
Côté conso, Renault annonce 6,8 l/100, ils sont vraiment forts. Sur un parcours d’essai carrément kilométré (message à Carlos G. : thanks, buddy !) j’ai scoré des valeurs assez constantes, avec un mini à 8 l/100 et un maxi à 9 l/100 (à 170 de croisière, en Allemagne). Dommage que le réservoir ne fasse que 58 litres, ce qui oblige à des arrêts tous les 500 bornes.
Photos : Gabriel Lecouvreur