Récit d’une sortie en Alpine A110

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Lorsque mon amie m’a proposée d’être sa co-pilote lors de la sortie histo du club automobile Volant Sport Cévenol, mon « Oui » fût bien plus rapide que celui devant Monsieur le Maire. Passer deux journées printanières dans le Vercors dans une Alpine A110 1300 G pour Gordini  BV5 de 1970, qui n’en rêve pas ! Rectification, une session printanière digne d’un mois de Janvier Cévenol. L’adage affirme que les premières fois ne sont jamais vraiment à la hauteur. L’expérience le confirme souvent, sauf cette fois-ci, j’en redemande encore plus! L’adrénaline, la musique des chevaux, les paysages, les cols, l’esprit, l’ambiance, tout y est pour séduire une passionnée des historiques.

Je fais partie de ces femmes qui acceptent bien plus volontiers ce type de sortie qu’un week-end en Club Med. Ma première réaction à l’approche de l’Alpine fût de la caresser, de l’observer délicatement. Cette grande dame de l’automobile mérite bien toute mon attention. Je ne connais aucune voiture qui me rende aussi fébrile. Au-delà de la puissance, l’histoire des Alpines me fascine. C’était le temps où la passion du pilotage surpassait celle de l’argent et de la gloire. Qui n’a jamais entendu les récits du rallye de Monte Carlo avec le pilote suédois Ove Andersson, Jean-Claude Andruet, Bernard Darniche, Jean-Pierre Nicolas et Jean-Luc Thérier. La berlinette était la voiture à battre entre 1971 et 1973. Elle laissait sur place la Porsche 911  et la Lancia Fulvia.

J’étais entourée par l’histoire de l’automobile. Mon attention passait d’une BMW 2002 à une Rallye 2, puis une Porsche 911, à une Alfa Roméo spider Giulia 2000 série 4. Entourée de pilotes chevronnés, certains d’entre eux étaient au départ du rallye du Gard, d’autres font les ouvertures. 13 voitures au départ de cette sortie. Nous ne passions pas inaperçus dans les villages. D’ailleurs, un des pilotes nous a fait remarqué avec humour “les gens nous oublient quand la Berlinette passe, il y en a plus que pour vous.” Que voulez-vous Messieurs, les femmes apprécient la voiture dans son intégralité, d’où ce choix. Puis, pour une fois que les hommes s’intéressent véritablement à l’intérieur du packaging, je ne vais pas m’en plaindre.

A mon arrivée au rassemblement vers Alès, je ne savais pas du tout à quoi m’attendre. Les membres du club allaient-ils me snober, me demander mon LOF, bref, me faire passer un test automobile. Je craignais les questions pièges sur ma culture automobile afin de confirmer qu’une femme dans l’automobile est une hérésie. Et bien, rien de tout cela. Au contraire, ils m’ont accueilli le regard chaleureux et grand sourire . De là, le signal était donné pour des fous rires à vau-l’eau même à -2°.

Pour vous donner une idée de l’ambiance dans la voiture et l’atmosphère générale de la sortie, je me suis amusée à utiliser la lampe de lecture comme micro. J’ai transformé la Berlinette en Mario Kart après avoir esquivé une peau de banane sur la chaussée, croisé un champignon sur patte et une tortue à la retraite. Et nous avions Luigi qui nous suivait avec une R5 alpine turbo coupe. J’ai été malade lors de la descente du col de Bacchus. A noter, éviter  la prochaine fois de manger une glace au café en dessert. Ça ne fait pas bon ménage. Le jeune club gardois a finalement qu’un pilier unificateur: celui de la passion automobile, de la convivialité et de la solidarité.

Le road-book était une carte routière. Facile pensez-vous, je ne jugerai pas si vite. Nous roulions à travers un mur de brouillard sur route enneigée. Pendant un temps, nous n’arrivions même plus à distinguer les bandes blanches sur le bitume. Imaginez l’angoisse en montagne dans le col de la Bataille ou celui de la Chaudière. Autant les circuits ne me font pas peur, mais les routes de montagnes avec leurs ravins m’effraient. Ce passage à blanc m’a valu un super gainage et un nettoyage de peau!

Nous devions déjeuner à Lente. Croyez-moi, nous n’y sommes pas arrivée rapidement. Nous avons commencé le repas à 14h30 suite à un réservoir fendu d’une autre Berlinette. Ce que j’ai remarqué et grandement apprécié est l’abstinence d’alcool des pilotes. Même lors d’une sortie conviviale, le Volant Sport Cévenol sont responsables et lucides de leurs capacités. Boire ou conduire faut choisir. Toute la différence entre les passionnés de voitures et les passionnés de la parade automobile. Quand les jeunes automobilistes comprendront qu’un pilote de rallye (et non un conducteur) est en vie à 65 ans grâce à son sens des responsabilités, nous aurons bien moins de drames les week-end. D’autant plus que, lorsque nous sommes co-pilote nous subissons le pilotage. Je me souvenais de ce que m’avait dit Séverine Loeb “restez zen sinon le pilote le ressent, ce n’est pas bon”, pour cela faut-il avoir une confiance profonde en son pilote. Je l’avais. Une précision de trajectoire, une analyse du parcours, ma pilote ne cherchait pas l’exploit mais le plaisir du pilotage.

L’automobile et tout ce qui s’en rapproche me passionne déjà. Maintenant le désir de piloter m’a gagné. Cette sensation grisante qui donne ce sentiment “hors temps” est inexplicable, faut le vivre. Je re-visite une phrase de De Vinci  qui est le plaisir de l’automobile passe par la connaissance, comme l’amour. Il me semble que l’on ne peut pas apprécier ce secteur sans en connaître son histoire et ses récits. Si vous avez l’occasion un jour de faire une sortie d’un club automobile, n’hésitez pas. Le cliché des snobinards argentés n’est pas totalement vrai. Non seulement vous aurez des souvenirs extraordinaires du simple fait de rouler dans des automobiles d’exceptions, mais vous aurez aussi une pléiade d’anecdotes à raconter, même les plus inavouables!  Peut-être, allez-vous dire que ce ne sont pas tous les clubs automobile qui ont cet esprit bon enfant. Alors je vous répondrais, évitez les gros club, ou ceux de marques, dirigez-vous plutôt vers des associations automobiles plus petites. Voyez-vous, lorsque je discutais avec le président de l’association,  il a bien expliqué que “son intention n’était pas de devenir un gros club” et “que l’intégration se ferait par le biais amical”. Alors ce club est finalement fermé aux lambda ? “Non!” m’a-t-il répondu avec son accent reconnaissable, “juste nous souhaitons avant tout préserver une âme conviviale, amicale de passionnés avec des envies similaires de simplicité”. Pour terminer ce récit, j’en retiens une idée. L’automobile n’est pas qu’une affaire de cylindrées, de gros bras ou écervelés comme peuvent le penser certaines personnes. Cette passion est le carrefour du plaisir, de la fraternité, de l’amitié, du partage, de l’histoire, de la recherche et de la technologie .

 

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