Je suis propriétaire d’une Renault Clio 3 RS phase 2 dont je suis amoureux. Cette phrase d’une banalité affligeante, qui pourrait même sonner comme de la vantardise, me permet en réalité de partir de deux postulats. Le premier est que j’ai un bon a priori de la Clio 3 RS : châssis équilibré et sain, grip phénoménal pour sa catégorie et plaisir de conduite. Le second est que j’ai un mauvais a priori sur la Clio 4 RS : plus de Brembo 4 pistons, plus de train avant à pivot découplé, plus de boite manuelle, plus de baquets Recaro et plus de bon vieux 2 litres atmosphérique. Alors personne ne pourra me reprocher de ne pas être objectif, elle a tout à prouver et j’attendais cet essai de pied ferme.
C’est à Paris que je récupère la voiture qui m’accompagnera quatre jours durant. Quatre jours qui vont me permettre d’une part de vérifier si tant d’évolutions continuent de faire de la Clio 4 RS une vraie bombinette et également de voir si les évolutions apportées par la Trophy pallient la déception opérée par la Clio 4 RS lors de sa sortie.
Nul besoin de revenir en détails sur la ligne de cette voiture, certains l’aiment tout autant que d’autres la détestent. Je faisais partie de la première catégorie, mais force est de constater que l’exemplaire qui m’a été fourni ici est ravissant. Il se pare d’un coloris blanc mat, tirant d’ailleurs plutôt sur le blanc cassé. Le toit est noir brillant, ce qui apporte un contraste du plus bel effet. La voiture est rabaissée de 20 mm devant, 10 mm derrière et juchée sur des jantes inédites de 18 pouces. On obtient alors une ligne beaucoup plus racée. À cela s’ajoutent des touches de rouge : étriers, “Trophy” sur la lame avant et sur les portières arrières et de noir : diffuseur, jantes, rétroviseurs… Alors non, je n’adhère personnellement pas encore à cette carrosserie cinq portes loin des ailes élargies de la Clio 3 RS mais dans cette configuration, je ne reste pas indifférent, loin s’en faut.
Heureusement que j’avais dit que je ne m’attarderais pas sur la ligne, il est temps de prendre le volant. On trouve facilement et rapidement une position de conduite agréable avec un volant qui tombe bien sous la main, sans pour autant se casser le dos ou avoir les jambes recroquevillées. On le souligne rarement mais cela participe énormément au plaisir que l’on prend à conduire. La position de conduite est plus difficile à trouver dans la Clio 3 RS : on se retrouve généralement trop loin du volant si l’on essaie d’avoir une position de conduite idéale. Je démarre, un léger ronronnement se fait entendre, je passe le sélecteur en mode “Drive” et nous voilà parti. Note à part, le maniement de ce levier tient plus de la qualité d’un jouet d’enfant de cinq ans que de celui d’une voiture sportive de 220 chevaux.
En bon provincial, je profite de ma venue à Paris pour me balader dans la capitale à bord de mon carrosse flambant neuf. J’ai fait près de 50 kilomètres de Paris intra muros, et Dieu c’est que c’est long 50 kilomètres en plein Paris… La voiture n’a souffert d’aucun défaut, mieux même, je dirais que c’est une parfaite citadine et ô combien j’ai pu remercier la boite automatique dans pareille situation. La suspension est ferme sans toutefois être inconfortable, le moteur enroule sur le couple et nul besoin de monter dans les tours pour s’extirper d’une situation délicate ou partir le premier au feu vert. Si d’aventure vous “cruisez” à 50 km/h et qu’il faut vous extraire de la circulation tout en descendant deux rapports, la boite réagit d’elle-même et rapidement au moment même où vous appuyez sur l’accélérateur. Moi qui déteste rouler dans Paris, je n’y ai pas trouvé l’épreuve que je subis d’habitude à bord de cette Trophy.
Seul bémol à noter, la consommation s’est relativement envolée durant cet exercice, avec un score mesuré de près de 15,5 L/100 km… Je plaide coupable pour ma conduite dynamique, encore que, mais je doute qu’une personne efficiente soit en capacité de descendre sous les 12 L/100 km. Nul besoin d’évoquer le même exercice en Clio 3 RS, et j’aurais sûrement dû amputer ma jambe gauche à la fin de la journée. Le cruel manque de couple à bas régime m’aurait obligé à monter dans les tours sans cesse et le châssis Cup aurait fâché mon ostéopathe. Pour autant, connaissant cette voiture, je ne pense pas qu’on aurait forcément dépassé de beaucoup les 12 L/ 100 km.
Il faut désormais ramener ce petit bolide à la maison. Départ est donné en double file depuis les Champs-Élysées (eh oui, on se fait vite à la conduite parisienne), 230 kilomètres me séparent de ma destination finale : Lille. À peine parti et déjà dans les bouchons, je suis encore une fois content d’être à l’intérieur de la Clio 4 RS Trophy qui se joue agréablement bien de la situation. Les files – doux nom donné par les belges pour nommer les bouchons – derrière moi, l’autoroute se profile pour quelques 200 kilomètres et cette voiture pratique l’exercice avec un relatif brio. Calé sur son sixième rapport, un poil plus de 3000 tours/minute, elle avale les kilomètres sans jamais avoir besoin de tomber un rapport, heureusement me direz-vous. A bord on est relativement tranquille, relativement car on est tout de même sur des jantes de 18 pouces chaussées de pneus sports taille-basse, on ne peut donc exclure un léger bruit de roulement mais également de petits bruits d’air.
En revanche, à nouveau, la consommation parait élevée avec près de 8,2 L/100 km malgré une conduite la plus efficiente possible. Toujours est-il que j’arrive à bon port sans aucune fatigue malgré plus d’une demi-journée de roulage. Comment se serait comportée la Clio 3 RS sur le même exercice ? Pas beaucoup plus fatiguant mais le moteur serait resté percher à 4000 tours malgré la sixième vitesse, également présente sur la boite manuelle. Pourtant, la consommation ne se serait pas beaucoup plus envolée que cela, et j’ai souvenir d’une moyenne de 8,4 L/100 km sur un Limoge – Lille à quatre dans la voiture, bouchons et climatisation compris.
Mais bon, qu’on se le dise, tout ce que je viens de dire précédemment n’était pas vraiment là où j’attendais au tournant la Renault Clio 4 RS Trophy. Oui, je suis très content qu’elle puisse être polyvalente et qu’elle se prête très bien à la fois à la ville et à l’autoroute, mais nous sommes en présence de celle qui doit venir concurrencer la Peugeot 208 GTI by Peugeot Sport (essayée par Victor) et devenir la relève de la Clio 3 RS. Excusez du peu.
Je commence alors à doucement emmener cette Trophy comme elle se doit de l’être. Pour cela j’active le mode sport par le petit bouton dédié et je passe la boite en mode manuel en basculant le levier sur la gauche. La première impression est très bonne. La voiture est équilibrée et passe fort de façon très sereine. Dans le serré, elle a un comportement plutôt neutre, ce qui est une bonne surprise sur une traction. Dans le rapide, le châssis se cale en appui sur un léger et subtil survirage fort agréable qui n’incite pas trop à lâcher le pied, à la sauce GTI en somme. Qui plus est, j’ai une assez bonne sensation du grip sous mes roues.
Néanmoins, sans toutefois envoyer comme il se doit, deux points négatifs me viennent à l’esprit. Tout d’abord, si la voiture freine fort et efficacement, je n’ai aucun feeling dans la pédale. Rien, nada, que dalle. Absolument pas le moindre ressenti qui me permette de dire que je freine fort ou non et sur ce qu’il me reste avant de bloquer l’ABS. Second point, c’est la même critique qui émane de la direction : fade, sans feeling. Non pas qu’elle manque de consistance mais on a plutôt l’impression qu’elle est là pour faire beau plutôt que pour m’informer sur ce qui se passe sous les roues avant. Nous sommes fort loin du feeling des Brembo 4 pistons et de la direction de la Clio 3 RS qui offrait ressenti et consistance…
À coté de cela le moteur et la boite m’enchantent toujours autant : le passage des rapports est tout aussi rapide en mode manuel alors qu’il arrive que sur d’autre véhicules, le temps de latence entre la pression sur la palette et l’action de la boite est frustrant. Le moteur s’offre une sonorité plus présente, un râle du turbo, on aime ou non mais à titre personnel j’en use et abuse.
Mais je ne compte pas m’arrêter là, le potentiel de la Clio 4 RS est présent et je compte bien l’exploiter. Direction mes routes de campagnes préférées : un ensemble de petites voies serrées et défoncées qui laissent ensuite place à un bitume lisse et des voies plus larges et rapides. Le grip est sidérant ; si je devais me dédoubler et tenter de suivre cette Clio 4 RS Trophy à bord de ma propre Clio 3 RS, je n’y parviendrais pas. Je serais loin derrière tant en ligne droite qu’en virage.
Dans le serré, on peut aborder la chose de deux manières : soit on arrive très fort et on plante les freins tard puis on les relâche progressivement jusqu’au point de corde pour reprendre les gazs et s’extraire avec une motricité exceptionnelle, soit on freine tôt, on s’inscrit vivement tout en reprenant les gazs et on s’extrait à nouveau dans une motricité toujours aussi exceptionnelle. Tentez la seconde hypothèse avec la Clio 3 RS et vous vous retrouveriez dans le platane le plus proche. Son train avant a une fâcheuse tendance à élargir dans le serré.
Chose curieuse, avec les aides activées et en prenant un virage serré sur les freins, l’arrière de la Clio 4 RS Trophy prend un léger angle, bloqué rapidement par l’électronique : on se retrouve alors avec un petit moment de flottement durant lequel on ne sait pas trop ce que fait l’arrière, avant de se retrouver libérer au moment même ou on passe le point de corde, bizarre. Mon trajet me fait emprunter une route défoncée et étroite, on atteint facilement une vitesse déraisonnable et il faut alors anticiper le freinage car on arrive sur un gauche très serré. La voiture ne bronche pas sur la succession de trous que l’on franchit à grande vitesse, on pile, la voiture ralentit sur une courte distance malgré quelques tressautements inévitables et le blocage des roues intervient extrêmement tard. Ce virage débouche alors sur une suite de droites-gauches, que l’on aborde toujours avec une facilité déconcertante. La voiture se jouant des changements d’appuis. Je retrouve ici les qualités dynamiques propres à la Clio 3 RS.
Au fur et à mesure de ma route, je note une légère réticence des freins à conserver leur capacité de freinage du début mais cela n’ira pas plus loin, ils mordent toujours efficacement. Cela est en fait le propre de plaquettes routières qui nécessitent un fort mordant à froid en cas d’urgence. Je me retrouve désormais sur une route élargie et plus rapide. J’avais noté un léger survirage, mais en appui et lorsqu’on veut réellement aller au bout des capacités de la voiture, le survirage cesse et la voiture laisse place à un léger mais prévenant sous-virage. La Clio 3 RS brillait par sa neutralité bluffante, mon exemplaire personnel ne rechigne même pas à se placer sur un léger survirage, mais ayant vidé l’arrière ce n’est pas représentatif…
Durant toute cette conduite à l’attaque, me suis-je senti bien au volant ? Plutôt oui. Le baquet “made in” Renault n’égale pas le baquet Récaro, mais il est tout aussi confortable et maintient bien. Il est à contrecourant du Récaro avec un gros maintient latéral mais peu de maintien au niveau de l’assise. Si cela permet de rentrer et de sortir plus facilement, et ce n’est pas négligeable, en grosse attaque on a tendance à manquer de maintien dans l’assise quand bien même le buste est bien maintenu. Sinon, pourquoi avoir laissé une fausse ouverture au niveau de la nuque ? C’est assez difficile à décrire mais une renfoncement en plastique, ni beau, ni utile, est présent à cet endroit. Il aurait mieux valu faire une véritable ouverture à l’image de la 208 GTI by Peugeot Sport, ou ne rien faire du tout.
Pendant tout ce temps, je n’ai ni parlé de la boite, ni du moteur. J’ai adoré cet ensemble : le bloc est plein à tout les régimes et ne rechigne pas à monter “haut” dans les tours voire à aller chercher le rupteur. J’adore le moteur atmosphérique de la Clio 3 RS, mais il est vrai que le manque de couple à bas régime est handicapant, mais laisser filer le compte-tours jusqu’à plus de 7000 tours est sensationnel. Il s’agit de deux choses différentes, mais il faut avouer que le quatre cylindres turbo de la Trophy offre à mon sens suffisamment de caractère pour ne pas faire regretter son aïeul…
À nouveau, le bémol est à chercher du coté de la consommation : on peut vider la moitié du plein en 1 h avec une telle conduite. Ça serait ma consommation sur circuit avec la Clio 3 RS, et encore. Si l’on peut regretter le passage à la boite automatique à double embrayage, qui plus est lorsque l’on sait que ce n’était pas un modèle de rapidité sur la Clio 4 RS normal, force est de constater que sur cette Trophy un gros effort à été fait, et pas à un seul moment je ne lui ai reproché quelque chose et surtout pas son “boap” à chaque montée d’une vitesse.
Les rapports s’enclenchent avec rapidité aussi bien à la montée qu’à la descente et participent à l’expérience de conduite. La deuxième vitesse tirant trop court était une critique à l’égard de la Clio 4 RS normale, rien à changé ici mais le surcroit de puissance efface en grande partie ce défaut. Là où il faut le dire, la Clio 3 RS bénéficiait d’un étagement de boite purement parfait, on peut mener une autre critique coté maniement de la boite sur la Clio 4 RS : Renault à pris le parti des palettes fixes. Je trouve ça très bien, ils ont bien pensé à faire monter les palettes bien haut pour que l’on ait un accès aisé à celles-ci, pourquoi alors ne pas avoir pensé à les faire descendre tout aussi bas ? Un quart de tour de volant sans bouger vos mains et vous ne pouvez plus changer de rapport.
On pourrait croire que cette voiture ne souffre d’aucun défaut sur le plan dynamique, il n’en est rien. Elle est d’une rapidité et d’une efficacité impressionnante et se place nettement au dessus de la Clio 3 RS. Le cruel manque de ressenti en fait toutefois une voiture assez fade à conduire. Une fois aux limites, le manque de feeling flagrant dans le freinage et la direction se fait encore plus gênant. Si j’avais pu noter le ressenti du grip de la voiture en conduite sportive, une fois à l’attaque, ce sentiment a disparu. Ça passe fort, je repasse à nouveau mais plus fort, suis-je à la limite ou puis-je encore passer plus fort ? Aucune idée. Certes les Michelin Super Sport sont d’excellents pneus, même sous la pluie, qui participent nettement à la tenue de route de cette voiture mais la limite est tant repoussée que l’on perd là encore en feeling. Il lui manque si peu pour être quasi-parfaite, et pourtant c’est beaucoup et ça me suffit pour avoir l’impression de conduire une voiture derrière un jeu vidéo plutôt que d’être réellement acteur d’une voiture sportive. C’est réellement malheureux car Renault a cette capacité, alors pourquoi ?
En définitive, c’est une agréable surprise pour ma part. J’ai adoré cette voiture et je l’ai rendu presque à regret. Du reste, est-ce que je l’achèterais ? Oui et non. En passant outre la consommation, pourquoi pas en voiture de tous les jours. Est-ce-que je l’achèterais comme voiture plaisir du week-end ? Je ne pense pas. Et pourtant je n’en veux même pas à sa boite à double embrayage ou à son moteur turbo, mais vous l’avez compris, à son manque cruel de « feed-back ». Positionnée à partir de 28 900 €, elle se révèle 300 € moins chère que la Peugeot, qui possède elle toutefois ce qu’on attend vraiment de ce genre de voiture. À coté de cela, la GTI by Peugeot Sport n’a pas ce coté vivable au quotidien mais le cherchons-nous réellement ? Il y a la Clio 4 RS normale pour cela, on aurait pu espérer une Clio 4 RS Trophy encore plus aboutie et un poil plus radicale…
Un grand merci à Jérôme pour l’organisation de ce prêt. Je tiens également à remercier Thomas pour les photos extérieurs n’hésitez pas à visiter son site ou sa page Facebook.
Bonus :