Patrick Peter exerce un beau métier : il procure des conditions idéales à des collectionneurs passionnés et ouvre ses portes à un public amateur de belles anciennes toujours plus large. En France, on le connaît surtout pour le Tour Auto et plus récemment le concours d’élégance de Chantilly. En parallèle, un tour d’Europe des plus beaux circuits est organisé afin que quelques amateurs puissent avoir l’opportunité de pousser dans leurs retranchements leurs merveilles automobiles. Fin mai, tout ce petit monde s’est retrouvé pour la septième édition de Spa Classic.
Niché au cœur des Ardennes belges, le circuit de Francorchamps est unanimement salué comme l’un des plus beaux du monde. Le raidillon de l’Eau Rouge est un mythe à lui seul. C’est dans cette montée que Mika Hakkinen s’est décidé à tenter (et réussir) l’un des plus beau dépassement de l’histoire de la F1 (replay ici pour les plus jeunes). D’un programme réjouissant, on glisse vers un weekend qui s’avère grandiose. Je ne serai malheureusement resté que le samedi tandis que les festivités se sont étalées sur 3 jours dans un subtil dégradé allant de la pluie toute montagnarde au franc soleil.
Comme pour tout événement, il convient d’arriver tôt si l’on souhaite profiter de moments de calme, autrement dit, réussir une ou deux photos sans la foule qui s’agglutine autour de l’objet principal du cliché. C’est donc à 8h pétantes que je franchis pour la première fois les portes du circuit belge après avoir immortalisé ce magnifique duo de TVR Cerbera.
Le temps m’étant compté, je file vers les paddocks pour ne m’arrêter que devant les Ferrari 250 LM, stars du plateau Trofeo Nastro Rosso. Il réunit tout ce qu’un amateur normalement constitué rêve de voir sur une piste : les légendes italiennes des années 50 et 60 (et quelques invités de prestige : 300 SL, DB4, 550 Spyder, …).
Il est amusant de constater que même le communiqué de presse s’effraie de voir les participants fuir le circuit compte tenu des cotes stratosphériques atteintes par ces bolides : un strict code de conduite régit ce petit monde, on est entre gentlemen drivers! C’est sans aucun doute l’une des têtes d’affiche pour attirer le public. Pari réussi puisque le record d’affluence sera battu avec plus de 20 000 spectateurs. Il faut dire que deux 250 LM sur 32 construites, ce n’est pas banal.
Dès 9h00, les gommes chauffent et les sessions s’enchaînent. Il ne s’agit pas d’ailleurs d’un simple track day mais d’un weekend complet de course : essais libres, qualifications et course de 30-35 min. Les gentlemen aiment la compétition. C’est Vincent Gaye qui remporte ce plateau sur une rarrissime Ferrari 275 GTB/C, la version ultime de la sublime GT (12 exemplaires de la série II, bien que plus discrète – sauf le son – c’est plus exclusif qu’une F12 TdF, non?). Il remportera également la seconde course le lendemain.
Le deuxième gros plateau est constitué des désormais traditionnelles Groupe C. Fermez les yeux, ouvrez les oreilles : vous êtes aux 24h du Mans. Mercedes C11 ex-Schumacher, Jaguar XJR12 et la sublime XJR14, Porsche 962 sont accompagnées des modèles plus confidentiels : Spice, Rondeau ou Cheeta. Ça hurle, ça siffle et ça roule fort vite. Une Peugeot 905 était annoncée mais elle n’aura pas montré le bout de son nez, dommage…
Détail intéressant pour toi lecteur : l’accès au paddock et stands et totalement libre. Ma jolie médaille Media offre le parking (merci!) mais rien de plus. Et c’est tant mieux! Les spectateurs peuvent approcher les autos de (très) près sans que les mécanos ne s’offusquent tant qu’on ne tripote pas leurs outils ou ne s’asseye sur le capot pour un selfie (ce que je n’ai pas vu, on n’est pas à Cannes ici!). Entre nous, cette possibilité est un vrai plus pour le public qui semble en avoir conscience et respecte largement les voitures. La gentillesse absolue des stewards belges aide au maintien d’une ambiance générale d’excellente qualité.
Petit intermède avant de passer au troisième gros plateau avec le traditionnel tour des alentours à la chasse aux spectateurs de bon goût. Petit florilège pour une résultat de haut niveau : F50, EB110, SLR pour ne citer que les principales.
Passons désormais au plateau qui m’a incité à faire le voyage depuis Paris : l’hommage au BPR et FIA GT qui se sont succédés à la fin des années 90. Pour tous les amateurs d’automobile ayant connu cette époque, cela fait partie des temps bénis. Comme dans les années 60, les constructeurs se sont lancés dans une course à l’armement sur des autos qui devaient être homologuées route. McLaren F1, Porsche 993 et 996 GT1, Mercedes CLK GTR, Lotus GT1 et même F50 (bien qu’elle ne fut finalement pas proposée). Comme souvent, la bonne idée a été dévoyée avec la Toyota GT One et la CLK LM avant de revenir aux bases avec la Maserati MC12.
Une LMP1, c’est extrêmement rapide, superbement efficace, magnifiquement technologique mais on ne pourra pas en croiser un exemplaire civil le long d’un trottoir un dimanche matin ensoleillé. Le lien avec la voiture de Monsieur tout le Monde est rompu, seul le petit logo subsiste. C’est ce lien qui a fait toute la grandeur du BPR à mon sens.
Commençons par ce qui fâche : j’ai été un peu déçu par le plateau. Si je suis honnête, il était de grande qualité mais deux icônes majeures manquaient à l’appel (911 et CLK) tandis que la liste des Ultracars annoncées dans un premier temps s’est finalement réduite à… aucune voiture. Snif. C’est assez surprenant, Peter Auto n’ayant pas pour habitude de teaser sur du vent (on pense au sublime Supercars Rallye de 2016).
Ne boudons toutefois pas notre plaisir, le spectacle fut fort réjouissant : McLaren F1 GTR Long Tail, Veturi 400 Trophy, Lamborghini Murcielago SV-R, Maserati MC12 GT1, Audi R8 LMP, Ferrari 550 GTS, 360 Modena GTC, Dodge Viper GTS-R, Lister GT1…
Sans chrono ni enjeu, le rythme est certes moins endiablé mais quelques pilotes se font toutefois plaisir. Mention spéciale pour la Ferrari 550 et le hurlement de son V12. La McLaren est nettement plus discrète mais il faut dire, à sa décharge, qu’elle est homologuée pour la route et que même au Royaume-Uni, il y a un peu de normes en la matière.
L’attitude du public et des suiveurs ne ment pas, le Global Endurance Hommage était le point d’orgue de ce weekend. Pour tous ceux qui le souhaitent, les GT1 reviendront au Paul Ricard fin juin. Il n’est ailleurs pas impossible que le plateau devienne récurrent : c’est une belle vitrine pour attirer du public comme le sont les supercars à Chantilly.
Traditionnellement, Peter Auto attire de fort belle façon les clubs. Spa Classic ne fait pas exception avec un joli plateau Miata pour les amateurs, quelques belles machines mais surtout l’Aston Martin Owners Club et la moitié de la production mondiale de TVR (ou presque).
Nos amis britanniques restent la référence ultime en matière de passion automobile. La preuve est nouvelle fois faite : des Aston aux couleurs revigorantes, des TVR en folie, des modèles enthousiasmants, des propriétaires légitimement fiers de nous faire admirer leurs bébés : que du bonheur. Je passe rapidement sur les multiples “GT 40” dont probablement aucune n’est authentique. De jolis alignements mais de répliques.
Une journée, c’est définitivement trop court pour être parfaitement exhaustif : les Formule Vee et Euro F2 passent un peu à la trappe tout comme le Trophée Légendes ou le Sixties Endurance (zut les Cobra et la Daytona, arf les Type E…). C’est une incitation à revenir l’an prochain sur 2 jours. Entre suivre les sessions piste, parcourir les multiples paddocks et arpenter la pitlane, le temps manque pour déambuler dans l’inévitable (mais toujours bien achalandé) village d’animations et marchands. Un coup d’œil à la Crosslé de nos amis de la Classic Racing School tout de même.
La visite se termine par un dernier passage sur le parking. Chouette la Bugatti est libérée (délivrée) de son encombrante voisine.
En résumé : Spa Classic est un must que je vous invite à insérer dans votre calendrier 2018. Vous ne serez pas déçus. Terminons par une note de culture générale : savez-vous pourquoi le raidillon s’appelle l’Eau Rouge? Tout simplement parce qu’en bas de la cuvette formée par le raidillon d’un côté et la descente de la Source de l’autre coule un petit ruisseau dont la longueur totale de 15 km est inversement proportionnelle à sa renommée mondiale. Il s’appelle tout simplement l’Eau Rouge… pour la simple et bonne raison qu’il subit des suintements carbogazeux ferrugineux d’une brillante couleur rouille.
Chaleureux remerciements à Peter Auto pour l’accueil amical, mention spéciale aux stewards belges absolument parfaits.
Crédit photo : Pierre Clémence