Une journée avec Renault Classic : rétrospective du véhicule utilitaire

En 2010, le constructeur au losange faisait parler de lui avec une publicité pour le moins originale. Mais si, vous vous en souvenez forcément, ce fameux laitier et son camion Renault de 1900 qu’il amenait en révision… Cette publicité fêtait les 110 ans de présence de la marque sur le marché des véhicules utilitaires dont Renault est un des leaders aujourd’hui. C’est parti pour une petite rétrospective avec quelques modèles emblématiques !

Chaque année, Renault propose à certains médias internationaux de vivre l’expérience “voiture ancienne” en partageant le volant de quelques modèles emblématiques sortis tout droit des réserves Renault Classic qui compte à ce jour pas moins de 750 véhicules, qui pour une bonne partie d’entre-eux, fait assez rare pour le noter, sont roulants ! Ainsi, l’année dernière, Régis avait la chance d’essayer quelques modèles Renault qui ont marqué l’histoire à travers la compétition (article à relire ici). Cette année, j’ai eu le privilège de prendre le volant de véhicules utilitaires qui, eux aussi, ont fait l’histoire de la marque et bien souvent de la France.

Un peu d’histoire pour commencer. Nous sommes en 1898, les trois frères Louis, Marcel et Fernand Renault fondent l’entreprise familiale “Renault frères” qui se spécialise rapidement dans la construction de véhicules automobiles. Il n’aura pas fallu trois ans pour que la question “d’utilité” d’un véhicule se pose. Le fourgon Type C dispose alors d’une charge utile de 250 kg, c’est le premier véhicule utilitaire du constructeur et certainement un des premiers également de toute l’industrie automobile. C’est d’ailleurs ce modèle-ci (ou tout du moins une réplique) qui fut mis à l’honneur dans le spot publicitaire dont je vous parlais en introduction.

Rassurez-vous, ce n’est pas ce modèle-ci que nous avons pris en main (et je pense pas que j’aurais accepté !).
Après la Seconde Guerre Mondiale, Renault devenu Régie nationale participera en grande partie à la reconstruction du pays en développant une gamme de véhicules utilitaires à cabines avancées (places assises devant l’essieu avant) tout d’abord d’une charge utile de 1000 kg (qui fut d’ailleurs une des appellations officielles du dit véhicule), puis 1400 kg et enfin jusqu’à 2000 kg (le fameux Renault Galion). Les 3 véhicules équiperont artisans, commerçants, à la campagne comme à la ville, de 1947 à la fin des années 50. Avec une face avant similaire, les 3 utilitaires inaugurent également un phénomène devenu aujourd’hui légion : l’identité visuelle.

Renault Colorale Pick-Up de 1952

Destinée principalement aux campagnes, la Renault Colorale fait son apparition en 1950. Disponible en fourgonnette tôlée, pick-up (dès 1952), version 4 roues motrices ou encore mini-bus 8 places, la Colorale illustre parfaitement le savoir-faire de la marque en matière de modularité et de correspondance aux besoins de chacun. D’aucuns la considère comme le premier SUV, pour d’autres c’est le Talbot-Matra Rancho ; à vous de choisir celle qui d’après vous correspond le mieux à la définition de SUV.
C’est donc un modèle Pick-Up de 1952 dont j’ai pris le volant. Dotée d’un moteur 4 cylindres développant 58 ch, avec une transmission aux roues arrières et une boite de vitesses (manuelle bien-sûr) à 4 rapports, c’est le modèle le plus ancien que j’aurais eu l’occasion d’essayer durant cette journée hors du commun. Ce qui surprend au premier abord, c’est bien évidemment la qualité phénoménale de restauration.
La voiture est véritablement neuve et ça me fait presque mal au coeur de savoir qu’elle va forcément souffrir un peu entre mes mains. Ensuite, la position de conduite n’a strictement rien à voir avec les véhicules que j’ai l’habitude d’essayer. Point de sièges séparés mais une seule banquette à l’avant et absence de ceintures de sécurité bien évidemment ! Le volant d’un diamètre plus que conséquent se trouve très proche de moi, et impossible d’en régler la position. Bizarrement, je me trouve plutôt à l’aise à son volant, me cramponnant du bout des doigts à la fine jante du volant et priant pour ne pas faire craquer la boite de vitesses à chaque passage de rapport ! Pas de démarrage en 1re sauf cas exceptionnel (démarrage en côte ou avec une charge lourde dans la benne), du coup je passe la deuxième en manipulant le levier placé à droite du volant comme un commodo, on pousse légèrement vers le pare-brise puis vers le bas pour la deuxième, à fond vers le pare-brise puis vers le haut pour la troisième et enfin à vers le bas pour la quatrième.

Mine de rien, la 2nde est bien plus compliquée à passer que ça n’en a l’air, du coup ce sera près d’une fois sur deux un démarrage en troisième, le démarrage en quatrième est même envisageable tant les vitesses sont courtes, bien que je ne donne pas cher de votre embrayage sur la durée…
Une vitesse de pointe théorique de 100 km/h se traduit surtout par une direction totalement imperceptible à partir de 50 km/h, la voiture se balade littéralement et j’ai beau tourner le volant dans tous les sens, rien n’y fait ! Ajoutez à cela pour seul rétroviseur le petit miroir rond à ma gauche et une lunette arrière qui se traduit plus par deux meurtrières qu’autre chose, et vous vous sentirez comme un agriculteur des années 50, avec plusieurs centaines de kg de sacs de patates à l’arrière. La Colorale, c’est du sport !

Renault Estafette Gendarmerie 1975

1959 voit la disparition de la gamme d’après-guerre et l’apparition d’un véhicule totalement nouveau que beaucoup d’entre vous ont connu et que l’on aperçoit encore au détour d’un marché typique de la France rurale : l’Estafette. Première Renault à traction avant, porte latérale coulissante, plancher plat et un choix conséquent de carrosseries différentes feront de cette petite camionnette un succès commercial avec plus de 500 000 exemplaires produits à travers plus de 20 ans de carrière.
Bien que je n’ai connu personnellement que les Renault Trafics de seconde génération, quelle ne fut pas ma surprise en apercevant parmi les véhicules à l’essai cette déclinaison “Gendarmerie”. Pour la petite histoire, j’ai vécu mes premières années de vie sur Terre dans les casernes de Gendarmerie entre les Peugeot P4, Renault Trafics et véhicules blindés. C’est donc en quelques sortes un retour aux sources, avec malgré tout un véhicule que je n’ai pas connu. Mais pour ce qui est du bleu gendarmerie et du gyrophare, je retrouve mes marques !
En voiture, mais à l’avant, pour cette fois-ci en tout cas ! La position de conduite ressemble tout à fait à un utilitaire d’aujourd’hui, à cela prêt que le levier de vitesses se trouve très en arrière à droite du siège. C’est donc tout un geste qu’il faut modifier. Et comme si cela ne suffisait pas, les 1re/2me et 3me/4me sont inversées, je m’emmêlerai les pinceaux plus d’une fois ! Là encore, ce n’est pas la vitesse de pointe (d’un chiffre hallucinant de 101 km/h) qui surprendra. La tenue de route rassure déjà plus que la Colorale, la rétrovision également. Par contre pour ce qui est de la discrétion, on repassera… Je m’étais rarement amusé autant au volant d’une voiture, enfin d’une camionnette pour le coup. Entre le gyrophare que je ne cesse d’actionner, la vacarme phénoménale du moteur juste à côté de mon pied droit et mes petits coups de klaxons (typiquement d’époque) pour remplacer le deux-tons qu’ont malheureusement désactivé les employés de Renault Classic (il paraitrait que les essayeurs précédents s’amusaient trop avec, étonnant…), je m’amuse comme un petit fou et l’Estafette restera sans aucun doute pour moi le coup de coeur de la journée.

Renault 4 F4 “Darty” 1986

On ne pouvait pas passer une journée Renault Classic sans évoquer la star de l’histoire de la marque, la Renault R4, apparue en 1961 et produite à plus de 8 millions d’exemplaires jusqu’en 1992. La version fourgonnette fut également un succès commercial auprès des petits commerçants, artisans ou encore dans les zones rurales, et ce sur les 5 continents. Besogneuse, pratique et quasiment increvable (4L Trophy le prouve entre autres), la R4 F4 (empattement court, et F6 pour empattement long) dispose d’une charge utile de 300 Kg et du fameux “girafon”. Le girafon, repris d’ailleurs plus tard sur l’Express, consiste en une partie du pavillon bombé recevable à l’arrière pour faciliter le chargement d’objets encombrants, un détail qui fera la différence.


J’avais donc le choix entre une F4 Darty de 1986 ou une F4 Service de 1969 qui, dans les années 60/70, arpentait les routes durant l’été pour venir au secours des pauvres vacanciers en panne sur le bord de la chaussée. Là encore, mon choix fut sentimental puisqu’un de mes modèles réduits préférés il y a quelques années était justement une petite R4 F6 aux couleurs Darty. Du 1/43ème à l’échelle 1/1, je ne pensais pas pouvoir prendre le volant un jour d’une de celles qui a inspiré ma fameuse réplique. C’est avec un sourire “large comme ça” que m’installe derrière le volant. La R4, je connais déjà, pour les vitesses c’est comme une 2CV. Je ne me rappelais en revanche pas de l’écart de hauteur si important entre la pédale de frein et l’accélérateur. Relever le pied à chaque freinage, c’est un coup à prendre.
Cette R4 reste de loin la voiture la plus nerveuse que j’ai conduite de la journée (jamais je n’aurais pensé pouvoir dire ça un jour). Avec un poids à vide de seulement 710 kg (+ mes quelques kg tous mouillés), le 1108 cc s’en donne à cœur joie et ronronne comme au premier jour. C’est également celle dont la tenue de route m’a le plus rassuré, ou tout du moins le moins effrayé. Elle se conduit réellement comme une voiture moderne. Souple, nerveuse et confortable malgré son gabarit, le seul défaut demeurant reste sa hauteur de pavillon : j’ai la tête dans le toit punaise de punaise !

116 ans d’héritage, et maintenant ?

Vous l’aurez compris, la force de Renault sur le marché du véhicule utilitaire a été et reste définitivement la polyvalence de chaque modèle. À travers Renault Pro+, Renault est actuellement un des seuls constructeurs de véhicules utilitaires à vous proposer une configuration à la carte de votre véhicule utilitaire dès la sortie d’usine (et non en montage post-production tel qu’avec Gruau) pour correspondre au mieux à vos besoins. Avec plus de 116 ans d’expérience, la jeune marque Renault Pro+ ne demande maintenant plus qu’une chose : se faire connaître.
N’hésitez pas à relire nos essais Alaskan, Spaceclass ou encore Kangoo Z.E. ! Après ça, la gamme (historique tout comme actuelle) n’aura définitivement plus aucun secret pour vous.

Si cet article vous a plus, n’hésitez pas à commenter mais également à nous dire si vous souhaiteriez que le sujet des véhicules historiques apparaisse de manière plus régulière sur le blog !

Mes plus grands remerciements à Renault Classic, Estelle et Dominique pour l’invitation inhabituelle !

Crédits Photos : Renault Classic, Renault, Maurice Cernay

Quitter la version mobile