Aston Martin et Zagato : les origines

Le carrossier italien Zagato fête cette année son centenaire. Si aucune festivité particulière n’a été annoncée pour l’occasion, son nom sera pourtant apposé sur deux nouveaux modèles de son plus fidèle client, Aston Martin. L’occasion de revenir sur les collaborations passées de deux monstres sacrés de l’automobile.

Ugo Zagato fonde sa carrozerria en 1919, au sortir de la Grande Guerre. Si son ambition initiale est de concilier l’aéronautique et l’automobile, c’est ce
dernier créneau en particulier qui va révéler son talent, notamment dans la construction de carrosseries légères, adaptées à la compétition. Sa réputation grandit grâce à de nombreuses commandes émanant de chez Alfa Romeo, Maserati ou même Bugatti. Sa spécificité : l’utilisation intensive d’aluminium, et une recherche constante de l’optimisation aérodynamique : phares carénés ou pare-brises inclinés par exemple.

Après-guerre, les affaires repartent de plus belle, et les innovations techniques aussi avec l’utilisation du plexiglas, plus léger que le verre, et le dessin aérodynamique des lignes, dont le fameux double bossage de toit, qui sera la marque de fabrique de Zagato. Les clients sont légion : Alfa Romeo bien sûr, mais aussi Fiat, Ferrari, Maserati, Lancia ou même Jaguar, et la réputation des Zagato en course n’est plus à faire tandis que ses produits se distinguent toujours par un dessin à part, différent (aujourd’hui on dirait disruptif en langage de consultant trop grassement payé). Une Zagato sort toujours du lot, en bien ou en mal d’ailleurs.

Aston Martin de son côté est bien embêté en cette année 1959. Sa belle DB4 se vend bien, mais son palmarès en compétition est inexistant. Plutôt gênant alors que la DBR1 vient de remporter les 24h du Mans avec Caroll Shelby à son volant. Bien trop lourde et pas assez puissante, elle tire la langue face aux Ferrari 250.

Première réaction : la DB4 GT. Châssis raccourci de 12 cm, allègement généralisé et surtout le moteur reçoit un traitement de choc. Il se voit greffé de 3 carburateurs Weber et d’un double allumage pour développer 302 ch au lieu de 240. Bel effort pour aboutir à la voiture de production la plus rapide de l’époque : 243 km/h.

C’est hélas encore insuffisant pour faire face aux Ferrari 250 GT SWB moins puissantes, mais 300 kg plus légères ! Malgré un bon début à Goodwood avec une victoire de Stirling Moss, les résultats en course ne sont pas à la hauteur des espérances et seuls 75 exemplaires de cette DB4 GT seront fabriqués.

Aux grands maux, les grands moyens, il faut réagir. David Brown, John Wyer (patron de l’écurie Aston Martin) et Gianni Zagato (fils d’Ugo) vont décider ensemble de pousser encore plus loin le concept de la DB4 GT, de créer une carrosserie spécifique et d’améliorer encore ce qui peut l’être. Le moteur subit quelques ajustements sur la culasse pour atteindre 318 ch au lieu de 302, rien de bien probant. L’allègement va s’avérer plus fructueux : en utilisant des panneaux d’aluminium fin et des vitrages latéraux en plexiglas, Zagato va arriver à descendre à 1250 kg. Beau résultat, mais la 250 GT SWB fait toujours 200 kg de moins. Reste l’aérodynamique, spécialité de Zagato. Le dessin d’Ercole Spada va complètement modifier l’allure de l’élégant coupé Grand Tourisme.

La DB4 GT Zagato arbore à présent l’allure d’une berlinette compacte, au dessin général assez proche de sa meilleure ennemie, la 250 GT SWB. L’aérodynamique est soignée : les phares sont reculés et placés sous une bulle de plexiglas, la calandre est inclinée (dans le sens inverse de la marche) et surtout la ligne de toit est abaissée et le trait est continu du sommet du pare-brise jusqu’à la poupe pour créer un profil fastback. Bizarrement, le toit ne propose pas le double bossage caractéristique de Zagato.

Qu’importe, la DB4 GTZ est la plus puissante et la plus légère de la lignée, ce sera une machine à gagner ! Les premiers châssis de DB4 GT sont envoyés chez Zagato pour habillage. Du fait de la construction semi-artisanale et de l’évolution permanente du modèle, il n’existera quasiment pas deux modèles totalement identiques. Seules 19 DB4 GTZ sortiront de la carrozerria entre 1960 et 1963. Sur ces 19 exemplaires, 4 connaîtront d’autres transformations en vue d’un engagement en course, dont les fameuses 1 VEV et 2 VEV.

Et en course, justement, quel résultat ? Hé bien…. pas grand chose. Aston Martin engage 3 DB4 GTZ au Mans 1961, mais aucune ne finit la course. Quelques victoires et places d’honneur sont grappillées dans diverses épreuves, mais Aston Martin ne peut rien face à la concurrence qui n’est pas restée inactive. Ferrari a développé son arme ultime, la 250 GTO (300 ch et 900 kg !) tandis que Jaguar entre dans la danse en 1961 avec sa E-Type, beaucoup moins chère et plus performante que la Zagato (plus de 5000 £, une fortune pour l’époque), sans compter les redoutables AC Cobra qui pointent également leur museau, guidées par Caroll Shelby.

La production s’arrête donc en 1963 à 19 exemplaires, alors que 23 avaient été prévus. Fin de l’histoire ? Oh non, car 4 châssis supplémentaires avaient bien été préparés et mis de côté à l’usine. Et visiblement quelqu’un avait oublié où ils étaient rangés car il a fallu attendre 1988 pour qu’un certain Richard Williams, important revendeur Aston Martin, les rachète. Avec la bénédiction de l’usine (financièrement très mal en point à l’époque), il les envoie chez Zagato à Milan pour les faire habiller aux spécifications DB4 GTZ. Les châssis vont bénéficier de quelques améliorations sur leurs trains roulants alors que le 6 cylindres de 3,7 litres est réalésé à 4,2 litres. Le gain de puissance est marginal (357 ch contre 318) mais le couple augmente nettement (447 Nm à 4 600 trs/min contre 377 Nm à 5 400 trs/min). Ces modèles portent la dénomination de “Sanction II” et seront vendus pour plus d’1 M$ pièce. A quelques très petits détails près, ces DB4 GTZ sont tout à fait conformes aux modèles d’origine.

Et, vous allez rire, ce n’est toujours pas fini ! Zagato s’est apparemment trompé en construisant les carrosseries des Sanction II car ils en ont fait 6 au lieu de 4 ! Ah que c’est embêtant. Heureusement, Richard Williams intervient à nouveau et trouve chez Aston Martin 2 châssis inutilisés de DB4, en fort mauvais état. C’est dingue ce qu’on peut trouver chez Aston Martin en cherchant bien… Bref, châssis et carrosserie sont assemblés à Milan pour former deux nouvelles DB4 GTZ, baptisées “Sanction III”, sortis en 2000.

La DB4 GT Zagato est considérée par beaucoup d’amateurs comme une des plus belles voitures du monde (coucou Joris !). Je vous en laisse juges, même si je ne partage pas tout à fait cet avis. Elle est surtout, hélas, le témoin de l’échec en compétition d’Aston Martin à l’époque. Or, sans palmarès, pas de gloire. C’est sans doute la raison pour laquelle la DB4 GT Zagato vit dans l’ombre relative des Ferrari 250 GTO. La cote des deux voitures lors des rares ventes où sont présentées les deux modèles ne laisse aucune chance à l’anglaise : 80 M$ pour la GTO contre environ 14 M$ pour la GTZ châssis 0186/R. Plus rare, elle est aussi méconnue du grand public. Mais Aston Martin, tout comme Zagato, ont su capitaliser sur ce modèle comme nous le verrons dans la suite de cet article.

Crédits photo : Aston Martin, Bonhams, Raphaël Belly, Régis Krol

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