Vous le savez, Blog Automobile est une activité hautement lucrative. Aussi, lorsque Gonzague m’a demandé de réfléchir à mon prochain véhicule de fonction, je me suis dit qu’il serait de bon ton d’essayer la dernière nouveauté du segment E. Rivale des Mercedes Classe E, BMW Série 5, Citroën C6, Volvo S80, Saab 9-5, Jaguar XF, Lancia Thema ou Lexus GS, la nouvelle Audi A6 ambitionne de capitaliser sur le succès des deux précédentes générations.
Rendez-vous est pris pour l’Audi Driving Experience au circuit de Mortefontaine avec au programme l’essai des motorisations disponibles au lancement : la 2.0 TDI 177 ch BVM6, la 3.0 TDI de 245 ch, boite à double embrayage S-Tronic 7 rapports et la 3.0 TSFI Quattro forte de 300 chevaux (boite S-Tronic 7 rapports également). Membre du trio germanique dominant outrageusement ce segment, la nouvelle A6 a-t-elle les moyens de surpasser ses rivales directes de Munich et Stuttgart ? Quelques kilomètres autour du Château de Chantilly sur un parcours varié et quelques tours de piste permettront de s’en faire une idée.
Sur la route :
Ouvrons le bal avec la motorisation 3.0 TDI couplé au lancement à la transmission Quattro. Forte de 245 chevaux, associée à la boite S-Tronic et à la transmission Quattro, elle offre un caractère très lisse et feutré du fait de l’insonorisation réussie. De même, le stop&start est discret mais cette quiétude était troublée par la monte pneumatique Pirelli en 20 pouces, bien trop bruyante et franchement superflue. Mieux vaut rester plus raisonnable, les 19 pouces (Good Year) équipant la 3.0 TSFI de mon essai étant nettement plus discrets. D’ailleurs, la sonorité et le caractère du TFSI n’ont rien à voir avec la force tranquille du TDI : l’essence se veut plus sportif, cette dernière m’a paru plus dynamique et meilleure freineuse que son homologue diesel. Si la 3.0 TDI est très comparable à une E 350 CDI, l’A6 3.0 TFSI peut revendiquer un vrai tempérament dynamique qui fera plaisir aux possesseurs de 535i. Reste que cette débauche de puissance est fort superflue si, comme votre serviteur, vous vous plaisez à parcourir les embouteillages parisiens. Une motorisation sage s’impose et le 2.0 177 chevaux ferait volontiers l’affaire s’il n’était pas épaulé par une boite manuelle. La course d’embrayage est longue, le pommeau de levier de vitesse transmet de petites vibrations… Dommage, car le moteur est amplement suffisant et agréable, d’autant plus que la voiture se voit allégée de la transmission intégrale. Mieux vaut attendre la boite automatique, plus adaptée à la voiture (et au XXIème siècle en général).
Une des surprises vient de la suspension. Audi n’a pas pour réputation de faire des voitures confortables. La nouvelle A6 aura de quoi dérouter un propriétaire d’A3, la voiture parvenant à filtrer les irrégularités de la route. Il faut toutefois garder à l’esprit que l’ensemble du parc mis à disposition était doté de la suspension pneumatique à amortissement piloté. Plutôt confortable en mode confort, trop raide à mon goût en mode dynamique, la voiture paraît moins vivante dans ses réactions qu’une Citroën en Hydractive. Les différents modes de suspension de l’Audi influent également sur la réponse de l’accélérateur et les lois de passage de vitesse. Un mode « efficiency » existe et passe ses rapports assez tôt sans pour autant rendre la voiture trop molle. Reste à savoir ce que vaut le véhicule sans suspension pneumatique : le bilan pourrait être bien moins flatteur.
En termes de gadgets plus ou moins utiles donc rigoureusement indispensables, l’A6 peut disposer d’un arsenal impressionnant d’aides à la conduite. Outre le Park Assist (la voiture se gare seule en créneau à condition d’avoir 80 centimètres de marge ou en bataille), l’assistant à la vision nocturne couplé à une caméra thermique apte à reconnaître les piétons (non testé car les essais se sont fait de jour), l’Active Lane Assist (correction de trajectoire en cas de franchissement involontaire de bande de roulement), l’A6 présente également l’Audi Pre Sense Plus : capteur d’angle mort, régulateur de vitesse adaptatif avec fonction stop&go et Braking Guard (la voiture peut freiner seule au besoin). De quoi palier à une insuffisance du conducteur. Assez bluffant à l’essai même si on ne s’imagine pas s’abandonner volontairement à cette batterie de garde-fous. Il a eu l’Audi, il aura la flemme ?
Vie à bord :
L’ensemble des véhicules d’essai disposait de « sièges confort » en cuir dotés de réglages électriques à mémoire et surtout de maintiens à réglages pneumatiques permettant de caler mon frêle gabarit à l’abri du roulis. Il faut toutefois noter que les sièges ne disposent pas de maintien dynamique, contrairement à ce que propose Mercedes sur le Classe E. Il n’existe pas non plus de dossier réglable en deux parties, équipement disponible sur la Série 5. Pour le reste, difficile d’avoir une idée précise du confort distillé par les sièges standards. Quoi qu’il en soit, les amplitudes de réglage permettent de se sentir à l’aise.
A bord, la voiture ne déroge pas à la tradition prévalant du côté d’Ingolstadt : la qualité de fabrication est particulièrement soignée qu’il s’agisse de l’attention portée à la tôlerie ou des ajustements des différents éléments intérieurs, en particulier la jonction entre les contre-portes et la planche de bord (dont le dessin en forme d’arche n’est pas sans évoquer la Jaguar XJ). Deux ombres au tableau toutefois : l’absence d’habillage de la partie inférieure de la plage arrière dont la tôle se laisse admirer… Pour peu qu’on ait la présence d’esprit d’aller voir. Plus gênant, les versions équipées de l’affichage tête haute se voient affublées d’une disgracieuse protubérance qui a en outre le mauvais goût de se refléter dans le pare-brise pour peu que l’on conduise face au soleil. C’est d’autant plus décevant que cette option est très aboutie et agréable, distançant de loin les HUD proposés chez BMW, Citroën et Saab.
Côté habitabilité, on se situe entre une Série 5 et une Classe E et s’il existe un rangement correct devant le sélecteur de boite de vitesse ainsi que plusieurs portes gobelets, on pourra reprocher le volume très restreint du coffre à gants, encombré par le chargeur CD. La banquette 2/3-1/3 avec trappe à ski peut agrandir au besoin un compartiment à bagage assez spacieux. N’ayant pas eu le loisir de m’ébattre sur la banquette arrière, je m’abstiendrai de tout jugement à son égard.
Le système audio est plutôt réussi avec l’option Bang&Olufsen (15 haut-parleurs) : le son est équilibré et bien rendu. Les tweeters de la planche de bord s’escamotent à la coupure du contact. C’est un détail absolument inutile mais qui produit son petit effet. En revanche, je n’ai pas trouvé le système audio particulièrement exceptionnel. D’ailleurs, une « simple » Laguna Coupé avec son excellent système Bose me paraît meilleure sur ce point, avec un relief plus marqué. A noter que le système audio de l’A6 n’a été testé qu’avec la radio. Peut-être qu’un CD aurait permis de mieux en apprécier le potentiel.
L’ambiance intérieure, quant à elle, se permet même l’audace d’être assez chaleureuse (pour une allemande, s’entend) en particulier avec l’harmonie bicolore beige et brun associée aux boiseries de frêne. De nombreux coloris et garnissages intérieurs sont bien entendu disponibles afin de personnaliser l’habitacle. Il sera toutefois loisible au client français d’opter pour une voiture grise à intérieur noir afin d’éviter d’exprimer une quelconque velléité d’individualité. L’ergonomie est quant à elle satisfaisante. Toutefois, les conducteurs (trices) qui, comme moi, mesurent une taille napoléonienne trouveront les commandes du MMI (interface de l’infotainement) un peu trop reculées sur la console centrale. En tant que partisan des écrans tactiles, je trouve le système d’une roturière Ford Mondeo plus intuitif. Cela dit, le MMI semble assez facile à apprivoiser. Question d’habitude, sans doute.
Verdict :
Au final –et au risque de ne choquer personne, l’A6 est une voiture très aboutie. La version 3.0 TFSI m’a même parue supérieure à la BMW 535i (plus joueuse, j’en conviens) mais sur ce segment encore plus qu’ailleurs, c’est avant tout une question de personnalité et d’image. L’A6 n’aura aucun mal à drainer les clients qui ont déjà été séduits par la précédente mouture. Mieux, elle gagne en tempérament afin d’attirer une clientèle habituée aux munichoises. Cela dit, si vous souhaitez un produit plus excentrique, une Saab 9-5 ou une Jaguar XF semblent certes moins parfaites mais bien moins convenues et plus confortables. Et je n’ose pas évoquer la très confortable C6 dont la présentation intérieure prend un sérieux coup de vieux face à l’Audi A6… Décidément, le segment E restera une spécialité allemande.
La nouvelle A6 est bien née, très aboutie et ses tarifs ne sont pas plus déraisonnables que ses rivales de chez Mercedes et BMW (i.e. déraisonnables). Au-delà des qualités intrinsèques de la voiture, ce sont finalement les goûts de la clientèle qui motiveront la décision d’achat. Quant à ma voiture de fonction : tant pis pour l’A6, j’ai vu un Discovery 4 hier soir… Tu me le paies, Gonzague ?