Chez Peugeot Avenue, les années passent et ne se ressemblent pas. Au printemps de l’année dernière, la toute dernière 908 HDi (aux sens propre et figuré) trônait, avec à ses côtés une 207 S2000 et tous les pilotes de Peugeot Sport en pleine séance de dédicace. L’événement était animée par Alexandre Delpérier, retransmis en direct par Internet, et réunissait tous ensemble la presse automobile spécialisée, les passionnés, les curieux et les touristes. L’annulation du programme de course de la 908 en 2012 a été longuement commentée sur le site, notamment l’argument présenté, selon lequel l’argent économisé serait investi dans le lancement de la Peugeot 208. Il n’y a dès lors aucune surprise à ce que, ce printemps, ce soit la 208 qui investisse le showroom du Lion sur les Champs-Élysées, à Paris.
Comme lors de l’exposition “Arty Christmas” de l’hiver 2010-2011, le visiteur a son regard happé par la SR1, qui occupe la scène principale de l’espace du Peugeot Avenue. La finesse de ses traits, ses phares en quasi- clins d’œil, son long capot derrière sa mince calandre effilée, et ses rétroviseurs avalés par ses montants de pare-brise assurent une prestance sans faille à la SR1. Nous sommes dans une ambiance à des années lumières de celle des années 2006-2007 où, avec la 907 puis avec la 908 RC, un concours de “gueules” hypertrophiées avait été engagé. Plus qu’un simple concept censé donner du cachet à un stand ou qu’une étude de style révélant les futures orientations esthétiques de la marque, la SR1 jette les bases du renouveau stylistique de Peugeot voulu par Gilles Vidal.
La présence de la SR1 est cependant un cache-misère sur la situation actuelle du Groupe PSA. Évidemment, les codes stylistiques d’un concept demandent au moins deux ans avant de paraître sur un modèle de grande série, le rapprochement de la SR1 et de la 208 n’est donc pas incongru. Peugeot n’allait pas non plus afficher en grand ses difficultés financières ! Mais nous sentons malgré tout le décalage entre cette façade de communication et la réalité. L’exiguïté du lieu y est pour beaucoup. Le “détail qui tue” va aux jantes du concept SR1, dont le moyeu central reproduit la carte de France. Cet hommage hexagonal fait plaisir à voir, ne coûterait pas cher à passer en série, et il rend compte avec exactitude de l’emprise industrielle de PSA en France malgré les menaces pesant sur l’usine d’Aulnay Sous Bois.
L’objet de l’exposition du Peugeot Avenue reste la présentation et la commercialisation de la nouvelle citadine 208. A cet effet, deux modèles sont présents, l’un en 3 portes et l’autre en 5, pour que les deux versions soient connues. L’on peut même abuser des charmes de la 5 portes, puisque celle-ci est ouverte au public. Il s’agit d’une version Féline en teinte blossom grey. Une tablette tactile fixe présente le modèle, propose de configurer le vôtre… mais les vendeurs ne sont pas là pour entrainer le visiteur à signer son bon de commande. Vous pouvez donc sans crainte entrer, explorer la 208 en tous sens, et ne repartir qu’avec sa miniature reproduite par Norev ! C’est l’occasion également de se faire un avis sur son tableau de bord, à la disposition inédite avec des manomètres à lire au-dessus de la jante du volant, lui-même au diamètre extrêmement réduit.
L’autre 208 est une 3 portes, de teinte bleu virtuel, cette fois en finition Allure. Placée sur un plateau qui l’incline dans tous les sens, la voiture montre ainsi les reflets violets ou bleu électrique de sa peinture, ainsi que les angles de sa carrosserie. Des écrans tactiles invitent à découvrir la voiture du bout des doigts, à la configurer de façon “immersive et intuitive” selon Peugeot, à connaître sa genèse… Or, l’élaboration de la 208 ne s’est pas faite sans l’ombre pesante de l’ancêtre des Peugeot modernes, celle du premier bébé de Gérard Welter, l’homme qui présida aux destinées du design Peugeot jusqu’en 2008 mais dont les traits de caractère principaux commencent seulement à être remis en cause par la 208. Cette aïeule est l’autre locataire du Peugeot Avenue : c’est la Peugeot 205.
C’est une belle 205 Gentry (finition haut-de-gamme) vert bouteille de 1992 qui est exposée au Peugeot Avenue. Une 205 GTi rouge aurait été plus emblématique, même si la Gentry lui reprend beaucoup, mais en l’absence du concept 208 GTi, présent aux débuts de l’expo au salon de Genève, cette présence aurait surtout été hors-sujet. Néanmoins, toute belle soit-elle, cette 205 Gentry est installée dans un rôle ingrat : celui de prouver l’inspiration des designers de la 208. Or, cette inspiration reste bien éloignée de la citadine des années 80-90, qui rappelle à ces fans des sensations de conduite disparues sur les automobiles actuelles, même si la 208 promet un poids en baisse. De plus, la réputation de “sauveuse de Peugeot” de la 205 rappelle de graves difficultés en ces heures d’entrée de GM au capital de PSA et de réductions drastiques des coûts sur fond d’endettement dangereux du groupe industriel français. Toutefois, ce sauvetage ayant été réussi à l’époque, nous ne pouvons qu’espérer que la 208 sache faire de même ces prochains mois.
Autre moment de nostalgie, posé sur le rebord de la vitrine et qui n’échappe à aucun objectif photographique des visiteurs d’âge mûr du showroom : la caisse à savon de la célèbre publicité de 1987. L’histoire est connue : deux jeunes filles sont courtisées par la venue de deux garçons, l’un dans un réplique flamboyante de Rolls Royce réduite, l’autre dans une caisse à savon rouge à pédales. La venue de ce dernier n’inspire aucune admiration de la part des fillettes, jusqu’à ce que son pilote ne grave à la craie sur les flancs le “sacré numéro”: 205. Le conducteur de la Rolls se fait une raison, et voit s’éloigner les jeunes enfants, avec cette morale qui veut que la 205 concurrence n’importe quelle autre voiture grâce à l’affect qu’elle suscite ! Je vous invite à retrouver cette publicité ci-dessous :
La belle morale sociale, qui voudrait que le pauvre et celui qui n’a aucun lustre peut devenir lui aussi célèbre, a-t-elle lieu également au Peugeot Avenue ? Ce n’est pas tout à fait sûr. La rutilante 205 Gentry, toute droit sortie des réserves du Musée de l’Aventure Peugeot et malgré les interdictions d’y toucher, est malmenée par les visiteurs qui, même sans le vouloir, la frôlent et la bousculent. Lors de mes visites sur place, j’ai remarqué que la 208 avait beaucoup de succès auprès des badauds, mais que ceux-ci n’y portaient attention qu’une fois l’immanquable photo souvenir auprès du concept-car central faite. A ce propos, comme prévu, la SR1 a laissé sa place au HX1.
Il est en effet déjà trop tard pour admirer la SR1 chez Peugeot Avenue. Depuis le 27 avril, un autre concept, le HX1 l’a remplacé. Présenté deux ans après le SR1 au Salon de Francfort 2011, il s’inscrit dans la même veine stylistique que sa devancière. Puissance du profil, expressivité du regard, mais une présence différente. La SR1 était souveraine, quand ce HX1 donne l’impression qu’il va bondir de son piédestal pour s’échapper sur les Champs Elysées. Si les appendices aérodynamiques autour du coffre sont déployés, ceux des roues (de petites ailettes qui viennent occulter les jantes, pour améliorer l’aérodynamisme en créant des roues lenticulaires pleines) ne sont pas montrés, contrairement à l’exposition de Concepts-car qui avait lieu aux Invalides au début de l’année. Cette présence envisage l’avenir : la SR1 dévoilait quelques traits de la 208 ; le HX1 présente pour sa part les flancs de la prochaine compacte, la 301.
Des animations lumineuses ont été installées pour égayer les lieux. Pour respecter la promesse de la campagne publicitaire de la 208, “Let Your Body Drive”, vous avez tout loisir de laisser votre corps s’exprimer grâce à l’attraction lumineuse de l’exposition. Le mur du fond gauche est un gigantesque écran à diodes de 35m² sur lequel sont projetés les mouvements du corps captés par une caméra. L’objectif : dessiner le chiffre “208” avec vos bras, ou pourquoi pas le reste de votre corps ! La deuxième photo de l’article vous montre ainsi les chiffres “208”, et celle de l’extérieur vous donne un aperçu des guirlandes de diodes qui pendent du plafond. L’ensemble est réussi et évoque d’autres animations passées du Peugeot Avenue, toujours à la pointe question luminaires.
L’exposition n’a pas d’autre nom que le slogan de la pub pour la Peugeot 208, “Let Your Body Drive”. Littéralement, cela veut dire “laisse ton corps conduire”, ce qui est une référence à la nouvelle disposition intérieure de la 208 voulue plus proche du corps, mais aussi au châssis du Lion et à leur “toucher de route” si apprécié des conducteurs, amenant par extension l’idée que plus que le fait de conduire, vous décidez de nouveau de votre attitude par votre corps. N’hésitez donc pas à emmener votre enveloppe charnelle au 136 de l’Avenue des Champs-Élysées pour vérifier si les paroles d’évangiles des publicitaires valent également pour vous !
Crédit Photographique : François M.