Les youngtimers à Paris en semaine, c’est bientôt fini ! Raison de plus pour revenir sur certains des modèles oubliés ou sur certaines icônes des années 80 et 90. Première de la série : la Fiat Coupé.
Préambule
Cela n’a normalement pas dû vous échapper : à partir du 1er juillet 2016, la circulation des voitures d’avant 1997 dans Paris intra-muros sera interdite en semaine de 8h à 20h. L’idée peut sembler louable : assainir le parc de voitures et éviter aux vieux nanars polluants de circuler en ville. C’est ainsi qu’une petite Clio de 1994 n’aura plus le droit de circuler, au contraire d’un bon gros Porsche Cayenne Turbo de 2003 (sans commentaires…). De multiples entorses à cette réglementation sont cependant possibles, et notamment la possibilité pour les voitures titulaires d’une carte grise de collection de circuler librement.
Sauf que… la carte grise collection, c’est après 30 ans, et parfois avec certaines restrictions d’assurance. Avant 1986, c’est possible, entre 1986 et 1997, c’est interdit. Je te vois bien rigoler derrière ton écran, cher lecteur de province, sur nos problèmes parisiens. Ne ris pas trop fort, d’autres villes françaises suivront bientôt le mouvement, et ce n’est que le début ! Mais point de catastrophisme non plus : après tout, il reste le soir et le week-end, quand c’est le plus agréable de rouler, non ? Et puis, la France ne se limite pas à Paris ! Voici donc le début de quelques articles répertoriant avec une bonne grosse dose de subjectivité et de mauvaise foi les modèles dignes d’intérêt produits sur cette période légalement floue. Pour commencer : la Fiat Coupé, produite de 1993 à 2000. Certains exemplaires peuvent donc être conduits tous les jours, voilà qui va faciliter le travail des forces de l’ordre (mouhahahah !).
Je ne sais pas pour vous, mais la Fiat Coupé m’a toujours fait penser au char de Goudurix dans « Astérix et les Normands ». Mais si, souvenez-vous, c’est ça :
Outre cette grande bouche béante et ses yeux globuleux, elle tranche aussi par un profil singulier, assez cunéiforme, pourvu de saignées sur les passages de roues, un pavillon haut et un coffre horizontal. Derrière ce dessin, pas de grand studio comme ItalDesign, mais la création du Centro Stile interne de Fiat. Avec cependant une petite particularité, car c’est le fameux Chris Bangle qui en est l’auteur.
Mais revenons au début de l’histoire. A la fin des années 80, Fiat dispose d’une belle gamme cohérente : outre l’inusable Panda, sont commercialisées les Uno, Croma et Tipo première du nom. Des voitures pas mauvaises et qui se vendent plutôt bien (on passera sur leur finition calamiteuse et leur valeur de revente). Mais ça manque de fantaisie ! Pas un seul coupé, pas un seul cabriolet, quelle tristesse quand on a un tel passé ! Quelqu’un chez Fiat a dû réagir et, ô coïncidence, ce trou dans la gamme allait de pair avec une capacité de production inutilisée chez Pininfarina dont la Cadillac Allanté était alors un véritable flop. La direction décide de lancer les études d’un coupé compact, réalisé sur une plate-forme de Fiat Tipo pour limiter les coûts.
Le centre de style interne de Fiat, alors placé sous la direction du grand Leonardo Fioravanti, sera mis en concurrence avec Pininfarina pour le dessin de la carrosserie. Les propositions de Pininfarina montrent un coupé élégant, bien proportionné, qui porte en lui certains gênes de la future Brava. Mais à force de faire le gendre idéal, il en devient banal et pas très intéressant. Il en est tout autrement avec la proposition du dessinateur du Centro Stile, un certain Chris Bangle. Souvenez-vous, nous en avions déjà parlé dans le cadre de l’Opel Junior, dont il avait réalisé l’intérieur modulaire à base de cube empilables. Avant de partir plus tard chez BMW où il signera quelques modèles plutôt polémiques, il passa quelques années chez Fiat. Le travail sur la plate-forme de la Tipo s’avère plus difficile que prévu mais Bangle esquisse plusieurs dessins assez osés tirant pèle-mêle leur inspiration de la Fiat 128 Sport Coupé pour le coffre et les proportions générales, de la Ford GT 40 pour les phares et l’avant, et de Ferrari ou Bizzarini pour le profil et les hanches larges.
Le premier choix de Fiat en janvier 1991 sera de conserver le dessin de Pininfarina, jugé plus consensuel. Mais le Centro Stile poursuit son travail et c’est finalement son dessin qui sera choisi en mai de la même année. La proposition de Pininfarina a été finalement écarté car justement trop sage. La direction de Fiat, fraîchement renouvelée entretemps, souhaitait à présent se démarquer et avoir des voitures plus agressives et ludiques (ce qui aboutira aussi à la création des Barchetta, Multipla et Alfa GTV). Cadeaux de consolation pour Pininfarina : la production sera bien assurée dans son usine de San Giorgio Canavese, et il signera le design de l’habitacle. Il aura même le droit de poser son logo sur les bas de caisse, en tant que constructeur, et ainsi laisser croire aux innocents passants qu’il en a signé le dessin ! Elle sera finalement révélée au public au salon de Bruxelles fin 1993 et commercialisée dans la foulée, Chris Bangle étant quant à lui parti occuper la tête du design BMW en 1992.
De multiples influences donc pour le Coupé, toutes assumées par son designer. Il a pourtant un certain nombre de particularités dont notamment le capot monobloc. Il incorpore les phares, qui ne sont pas solidaires du châssis, ce qui était à peu près la seule solution technique possible compte tenu de la plate-forme de Tipo. Les phares eux-mêmes adoptent une forme des plus sensuelles, au point que le chef du design du Centro Stile disait qu’il fallait les nettoyer « avec amour »…
Long de 4,25 m et large de 1,76 m la Fiat Coupé (ou Coupé Fiat type 175 officiellement) arbore des proportions très compactes, toujours dictées par la fameuse plate-forme imposée. Les flancs portent de très épais coups de gouge au-dessus des passages de roues, délimitant le capot avant. Ces traits ont fortement évolués depuis les premières esquisses de Bangle (où elles ressemblaient à un gros pâté de mascara bien gras). Le profil est bizarrement équilibré : le pavillon semble trop haut et le porte à faux avant immense. Fichue Tipo ! Mais cela profite à l’habitabilité qui est généreuse pour 2+2, voire même 4.
Le Coupé fourmille aussi de petits détails sympas : le bouchon de réservoir est une belle pièce d’aluminium qui vient rappeler les Ferrari 250, les deux feux arrière ronds viennent aussi faire écho à la marque au cheval cabré. Pour beaucoup, elle n’est pas vraiment belle, et surprendra énormément à sa sortie. Mais elle vieillit plutôt pas mal et devrait garder une certaine cote d’amour méritée.
L’habitacle, dessiné par Pininfarina, est plutôt sobre et de bon goût. Son trait particulier est la présence d’un bandeau couleur carrosserie courant sur toute la planche de bord et les contre-portes. Cela apporte très nettement une touche de gaieté et de latinité qui est la bienvenue dans un univers autrement tout noir. Et au cas où vous l’auriez oublié, un autre gros logo Pininfarina vient occuper la console centrale. Décidément, ils ont mal pris leur éviction du design extérieur !
Le Coupé sera équipé à son lancement en 1993 de deux motorisations 4 cylindres 2 litres 16 soupapes : une version atmo de 142 ch et un turbo de 195 ch. C’est pas mal, plutôt performant (plus de 225 km/h pour la Turbo) et carrément cadeau : moins de 30 000 € de l’époque ! Et en plus l’agrément de conduite et un châssis joueur semblent être là eux aussi. Evidemment, c’est du Fiat mauvaise époque, n’attendez donc pas une finition démentielle pour ce prix !
En 1997 (année charnière pour la libre circulation de ce coupé !), grosse évolution de la gamme : un 4 cylindres 1,8 litres de 130 ch arrive en entrée de gamme. En milieu de gamme, un 5 cylindres 2 litres 20 soupapes de 142 ch (puis 147) piqué à la Bravo fait son apparition. Et tout en haut de la gamme, le même 5 pattes reçoit un turbo et culmine à 220 ch. Les performances deviennent de haute volée : 250 km/h, 0 à 100 en 6,5 secondes, et toujours pour un prix plutôt mesuré qui en fait alors une super affaire. En 1998, la Turbo recevra une boîte 6 et un bouton de démarrage. 1998 verra aussi la sortie de la fameuse “Edition Limitée”, initialement prévue à 300 exemplaires mais dont en fait plus de 1000 auraient été produits. Elle était équipée d’un kit carrosserie très kéké tuning à l’allemande, de sièges Recaro, de teintes exclusives, de détails de finition en titane et d’étriers de frein Brembo rouges. A l’usage, la Turbo s’avère lourde, brutale et bouffe les pneus à une vitesse affolante. La 5 cylindres atmo est plus équilibrée et plus confortable, le meilleur compromis peut être. Esthétiquement, avec un dessin si typé, il est quasi impossible d’y toucher sans tout casser. Et heureusement Fiat s’en abstint, à l’exception de l’Edition Limitée. En dehors de cela, seules quelques retouches sur la fine calandre ont été apportées au fil des ans.
La production du Coupé s’arrêtera en 2000 avec près de 72 000 exemplaires vendus, environ 10 000 par an, dont assez peu en France. Fiat ne donna hélas pas de successeur au Coupé, et il faudra attendre la Fiat 124 Spider pour retrouver une voiture un peu fun dans la gamme. Elle reste une voiture assez rare, son physique un peu spécial ne l’ayant pas vraiment aidée. Raison de plus pour vous jeter dessus si vous aimez ce design, car son prix en occasion est des plus intéressants compte tenu de son originalité et de ses performances. Ce sont d’ailleurs ces mêmes qualités qui en feront sans aucun doute une « classique » à collectionner dans l’avenir.
Crédits photo : Fiat, Albert Uderzo, Petrolicious