Billet de (mauvaise) humeur : la 911 R, une occasion manquée ?

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C’était l’une des sensations du salon de Genève. Les rumeurs en parlaient déjà depuis quelques mois. L’arrivée d’une 911 de puriste, une vraie, comme à l’époque, avec 3 pédales et une vraie boîte de vitesse.

On en avait bien besoin, à vrai dire. Parce que depuis la GT3 devenue PDK, la RS devenue (très) lourde et la Carrera S devenue turbocompressée, le repère qu’est la 911 nous avait fait perdre les nôtres, de repères. Les arguments étaient tous plus pertinents les uns que les autres. La GT3 ? La concurrence, toujours plus armée, oblige à recourir à tous les artifices technologiques pour obtenir la performance nécessaire. Quitte à bousculer les dogmes qui faisaient la GT3 jusque là. La boîte manuelle et le moteur Mezger, d’abord. Et tant qu’on est là, allons-y franchement, avec des roues arrières directrices. Au diable les puristes, ce ne sont pas eux qui signent le chèque.

La RS ? Comme on a eu recours à une caisse de Carrera 4 pour la GT3, il faut faire encore mieux, plus large par exemple, alors prenons une caisse de turbo, les prises d’air latérales aideront certainement le moteur à mieux respirer (à ce sujet, remarquons que ladite 911 R, sans ces prises d’air latérales, développe elle aussi 500 ch). Qui dit grosse carrosserie dit grosses roues, forcément, 21 pouces à l’arrière, mais on dira que c’est pour mettre des pneus directement issus de la 918 Spyder, ça aidera à faire passer la pilule. Et n’allez pas croire que c’était la solution de facilité, il a fallu investir dans des nouveaux racks à l’usine pour faire passer ces nouvelles roues surdimensionnées. Tant pis si le poids explose, on dira qu’on a fait des efforts. Le toit en magnésium par exemple, il permet de gagner un kilo. Oui, ça doit être le poids des porte-gobelets, à l’intérieur.

L’estocade est arrivée dans la gamme Carrera. Là aussi, les choix techniques sont mûrement réfléchis. La concurrence, toujours elle, est intégralement passé au turbo et se rapproche dangereusement. Nous qui pensions que Porsche a toujours eu une longueur d’avance sur ses concurrents. Il faut croire que l’on commençait a être à court, là. La greffe a plutôt bien pris, à vrai dire, les régimes de rotation et le son ayant été sauvegardés dans la bataille. Même si la sueur froide n’est pas loin quand on lit que le moteur turbo entraîne un surpoids d’une quarantaine de kilos sur le train arrière. Oui, au pire endroit sur une 911. On se souvient avec émotion de cette époque où le bloc moteur de la 911 R, la première, était réalisé en magnésium, justement pour limiter au maximum le poids sur le porte-à-faux arrière.

911 R - 2

On y (re)vient justement, à cette 911 R, la 911 des puristes, et cette interview d’Andreas Preuninger, le patron de Porsche Motorsport, à qui un journaliste inspiré (d’Evo UK, pour ne pas le citer) lui demande : “Pourquoi avoir laissé les roues arrière directrices, sur cette version « dépouillée » ?” Réponse de l’intéressé : “Parce qu’elles améliorent sensiblement le comportement routier” (facile, on s’y attendait un peu à vrai dire, encore que sur cette version back to basics, c’est moins évident). Deuxième réponse : “On a fait des essais avec et sans, et franchement, sans, c’est un camion !”

Ah, sans ses artifices, cette 911 dépouillée serait donc un camion ? Evidemment, parce que basée sur la 991 GT3, elle conserve la caisse large et les grosses roues. Alors que la 911 R de l’époque, encore elle, reprenait justement la caisse la plus étroite pour diminuer encore le poids. C’est là que le bât blesse à vrai dire. Plutôt que de rester fidèle à la tradition, on a préféré la solution de facilité chez Porsche. Une GT3 sans l’aileron avec le moteur de la RS, en gros. Alors qu’avec une caisse étroite de Carrera, on aurait pu proposer une vraie 911 allégée, une 911 R, quoi.

C’était beaucoup plus cher à concevoir que d’ajouter des bandes adhésives disproportionnées qui font penser à la version de l’époque ? Certainement ! Ca permettait un profit beaucoup plus faible que cette savante sélection de pièces existantes ? Assurément. De là à dire que cette version R est un produit gimmick et manque de substance, il y a un pas que nous n’oserions pas franchir. Mais quand même, on cède un peu à la facilité en ce moment, chez Porsche, non ?

Dites-moi que j’ai tort !

Crédit photo : Porsche

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