Vous avez aimé les Porsche de chez Singer ? On continue alors dans cette courte série avec des Jaguar E-Type un peu spéciales chez Eagle.
Ça devait arriver : les jolies 911 restau/modifiées de Singer (voir la petite news ici) m’ont donné envie de vous parler d’autre chose dans le même style. Si vous en avez un peu assez des nouveautés du salon de Genève qui tournent en boucle ad nauseam, voici quelque chose de totalement différent.
Eagle est une petite société britannique qui a débuté ses activités de vente et de restauration de voitures en 1984. Elle s’attaque de manière quasi exclusive et obsessionnelle à la plus belle voiture du monde : la Jaguar E-Type (ce n’est pas moi qui le dit, mais un certain Enzo Ferrari qui s’y connaissait un petit peu je crois). La qualité du travail de restauration est rapidement reconnue et la réputation de la petite officine grandit. Mais les voitures restaurées c’est bien sympa… sauf que le moteur chauffe dans les embouteillages, que la capote du cabrio n’est pas vraiment étanche ou que, après tout, ça serait pas mal de pouvoir écouter sa musique préférée dans sa E-Type. Ah, et puis il existe une innovation sympathique en matière de sécurité qui s’appelle la ceinture du même nom, ça peut être utile. Bref, Eagle commence à apporter des petites “améliorations” de son cru à des E-Type restaurées, à la demande de ses clients. Rien de bien méchant, juste de quoi être plus confortable ou plus en sécurité.
Et soudain…. c’est le drame ! Eagle touche à la mécanique et propose des kits de mise à jour moteur, boîte 5 rapports, différentiel, direction assistée, freins, etc… Sa pièce de résistance : un 6 cylindres en ligne “XK” de 4,7 litres tout en alu, basé sur les plans du fameux XK d’origine, mais entièrement neuf et évidemment plus léger. Toutes ces améliorations et modernisations sont bien sûr au libre choix du client qui peut sélectionner divers packs de mise à jour : Classic, GT, Sport, SuperSport. L’ensemble des prestations “offertes” par Eagle sont par ailleurs d’une grande qualité de finition et bien réaliées. Pas de bricolage au Synthofer ici. Alors, trahison ou amélioration ? Je suis partagé. Si les modifications sont réversibles, pourquoi pas ? Mais de là à changer tout le bloc moteur, je suis nettement moins enthousiaste. Une voiture ancienne doit avoir des défauts, ça fait aussi partie de son charme. Quant à faire passer votre E-Type Eagle dans un concours d’élégance, vous pouvez oublier. Vous pourrez par contre rouler avec au quotidien, et ça c’est pas mal ! Allez, on va appeler cela de la “fiabilisation”, ce qui implique donc de reconnaître qu’une voiture ancienne ne l’est pas (ah…. pas faux après tout).
Mais disposer d’une E-Type modernisée mécaniquement n’est pas suffisant pour les insatiables clients. Et c’est l’un d’entre eux qui poussa justement Eagle jusque dans ses retranchements en 2009 en commandant “quelque chose de spécial”. Le résultat, sur la base d’une véritable E-Type, est la Speedster que vous avez sous vos yeux. Rabaissée, effilée, pare-brise raccourci, débarrassée de tout ce qui est inutile, la Speedster a une silhouette ahurissante, lisse comme un galet. Chaque panneau de carrosserie est refait en aluminium et elle ne partage aucun élément avec la voiture d’origine. Elle est évidemment motorisée par le “XK” maison en aluminium qui développe 300 ch et 460 Nm de couple, pour un poids dépassant à peine la tonne (1080 kg). Non contente d’être “breathtaking“, elle est aussi ultra performante : 280 km/h en pointe et 0 à 100 km/h en 5 secondes. Le tout dans un voiture reconditionnée datant de 1966… L’habitacle est lui aussi très largement remodelé, gardant l’esprit de l’origine, mais amélioré et modernisé (et ouf, pas de volant avec airbarg !). Conçue pour être une pièce unique, le projet a tellement plu qu’Eagle peut dorénavant vous faire votre Speedster si vous le souhaitez. Cela ne vous en coûtera qu’environ 830 000 €. Ah, un détail : il n’y a pas de capote, hard top ou autre accessoire vous protégeant des intempéries.
Ragaillardi par ses propres capacités de création, Eagle va encore plus loin en proposant en 2013 un autre modèle. La Low Drag GT puise partiellement totalement son inspiration de l’unique exemplaire Low Drag (faible traînée) jamais construit par Jaguar sur la E-Type. Cette fois-ci, Eagle fait construire l’intégralité du châssis et de la carrosserie en aluminium, ce qui lui permet de partir d’une feuille blanche pour sa conception technique. Eagle affirme qu’ils ont pris pour base un coupé d’origine qu’ils on entièrement démonté avant de le reconstruire, mais je me demande si il n’aurait pas été plus simple de tout refabriquer. Cependant, pas d’innovation exotique ou de machins qui clignotent, on reste dans ce qu’on sait faire : le XK tout alu, boîte 5 rapport manuelle, un châssis ressemblant très fortement à celui d’origine et toutes les petits ajouts vus déjà sur les modèles précédents : direction assistée, suspension réglable, etc… Du bel ouvrage artisanal qui s’étend jusque dans l’habitacle tout vêtu d’aluminium. Pas aussi joli que chez Singer, il faut bien le dire, ça manque de recherche esthétique à mon humble avis, mais il y a la climatisation et un GPS ! Plus légère que la Speedster, la Low Drag n’atteint que 1038 kg, toujours pour 300 ch. Pas de performances communiquées, mais un prix : 885 000 €. Whouf…. Si la ligne de la Low Drag GT ne vous avait pas déjà coupé le souffle, voilà qui est fait.
Dernière création en date : la Spyder GT. Pour ce modèle, je trouve qu’Eagle tourne un peu en rond, car il s’agit, pour faire simple, d’une Speedster avec une capote et quelques modifications de détails. Oh certes, cela reste une machine superbe, construite à la main, etc… Mais c’est moins innovant et l’effet “wow” commence à s’émousser un peu. Bon, en toute sincérité si j’en voies une un jour, je devrais probablement rester en contemplation pendant une heure ou deux. Pas encore beaucoup de détails sur ce modèle spécifique qui ne sortira des ateliers d’Eagle que cet été. Mais on peut sans trop se tromper prévoir un moteur tout alu et les derniers raffinement techniques, sans compter le “sacrifice” d’une véritable E-Type.
Pour tout vous dire, je suis partagé sur les créations d’Eagle. C’est superbe, admirablement fini et très performant. Mais qu’une véritable E-Type soit utilisée comme base pour chaque création, cela me dérange un peu, même si Eagle assure qu’ils utilisent des quasi épaves. Le même constat vaut d’ailleurs pour Singer d’ailleurs, dont les 964 utilisées sont peut-être un peu moins “nobles” qu’une E-Type car plus récentes et moins recherchées. Mais la Low Drag, quand même…. Quelle sacrée machine !!
Crédits photos : Eagle