Le Blog Automobile est un puissant organe de presse fier de sa diversité : plus d’une dizaine de rédacteurs et sans doute plus d’une quarantaine d’avis sur un sujet… au sein de la rédaction. Ajoutez à cela vos commentaires éclairés et passionnés et on commence à avoir un beau panel d’opinions. Au cours de la semaine dernière, BMW a présenté sa citadine électrique, l’i3, laquelle a suscité de nombreuses remarques ainsi qu’un article de notre amie France. Bonne nouvelle : la passion automobile n’est pas morte, il suffit juste de sortir un produit un peu singulier de temps à autre. Pour ma part, ayant un avis assez éloigné de celui de France, j’avais envie de vous faire part de ma position sur cette voiture. Après tout, en ces temps où certains mettent un point d’honneur à confondre égalité et absence de diversité, il est de bon ton de sortir les masses de la pensée unique : acceptons nos différences !
La BMW i3 fait réagir, donc. France a ainsi été inspirée et nous a donné son avis sur le sujet. Aurait-elle monté une sorte de chef d’accusation à l’endroit de la BMW i3 ? Peut-être. Plusieurs griefs sont évoqués dans son article : esthétique, performances, autonomie, positionnement. Jouons le jeu du procès ; je me fais avocat de la défense, l’affaire ayant été instruite. Je vous propose d’être jurés au procès fictif de la BMW i3 afin de retenir ou non les charges (électriques ?) qui pèsent sur elle. Libre à vous de l’inculper et de vous prononcer sur sa peine ou bien de l’acquitter. N’oubliez pas que le doute raisonnable doit profiter à l’accusé. L’audience étant publique, j’enfile ma toge : la parole est à la défense.
Avant toute chose, sachez que je ne récuse aucun juré, le délibéré se fera en présence du président Marché Automobile lequel tranchera quant au sort commercial de la voiture. Je plaide certes en la faveur de cette i3 mais autant vous le dire : j’ai été commis d’office. En temps normal, je n’aurais jamais pris la défense d’un véhicule sans avoir été au préalable soudoyé par la marque pour financer l’entretien de mon yacht ! J’ai des principes. Mais nous ne sommes pas en temps normal, nous sommes au mois d’août et j’ai du temps à tuer.
Commençons par le premier chef d’accusation : l’esthétique. Je vais citer la déposition de l’accusation en la personne de Maître France : « La BMW i3 se veut racée (ils nous ont habitué à autre chose et à…mieux), sportive, citadine, premium et écolo. […]. La BMW électrique ne propose aucun caractère affirmé sauf sa singularité faite d’un arrière raide et massif, d’un devant qui ressemble presque à une caricature de nez BMW et le teintier n’est pas des plus chatoyant ». Mesdames, messieurs les jurés, l’esthétique est certes sujette à l’appréciation de chacun mais je dois me résoudre à convenir du caractère résolument affirmé de la ligne du véhicule. Jugez plutôt : une originale carrosserie bicolore dont la ceinture de caisse affiche un sympathique décroché afin de rogner visuellement la hauteur du véhicule, de singulières portes arrière antagonistes embarquant le montant B, des projecteurs acérés, un hayon noir et un habitacle épuré, directement issu du concept car Megacity. Alors oui, toutes ces caractéristiques la rendent distinguée, avec, je dois l’avouer une certaine élégance, celle de l’originalité maîtrisée le tout en adoptant des gimmicks traditionnels de la marque à l’Hélice. N’est-ce pas la définition même d’un produit racé ? Si l’avocat général me permet un langage fort peu châtié, j’oserais dire que le design est couillu : l’i3 ne ressemble à aucun autre modèle de la production actuelle ou passée, dans la droite lignée des Fiat Multipla, Renault Avantime, Citroën DS, voire Audi A2. La BMW y ajoute une vraie maîtrise de l’aspect rendant le produit très qualitatif. Du moins, sur les clichés dont nous disposons dans le dossier d’instruction. De plus, il est intéressant de voir qu’un produit dit innovant ne se cache pas derrière une enveloppe banale : au contraire, la forme de l’i3 suggère son contenu. Quant au teintier, certes plein de teintes sobres, admettons qu’il comporte un flamboyant orange, un intérieur biton original en plus du sempiternel noir mais admettons aussi qu’il est prosaïquement en phase avec les attentes de la clientèle européenne : à quand remonte la dernière fois que vous avez vu un véhicule neuf d’un coloris osé ? Ce que le client veut, Dieu veut et la palette de couleurs de cette BMW i3 se plie à la règle.
Second chef d’accusation : le positionnement du produit. Son prix fait tiquer, j’en conviens mais, à quelle rivale comparer l’i3 ? Le marché des VE est assez restreint : oublions C-Zéro, Twizy, Kangoo ZE, Fluence ZE, Leaf et autre Tesla S : elles appartiennent toutes à des segments de marché différents. Il ne reste que la Zoé dans la catégorie citadine électrique. Pour autant, la Renault affiche clairement un positionnement généraliste et ne présente donc pas un aspect sophistiqué ou des équipements particulièrement haut de gamme : en dépit d’une qualité perçue en retrait face aux Polo et 208, la Clio passerait presque pour premium face à la Zoé. On paie le prestige du logo en acquérant cette BMW i3 ? Pas seulement : vous payez aussi des technologies plus élitistes à l’image de la carrosserie en plastique renforcé de fibre de carbone (PRFC), une synthèse en habitabilité optimisée (la voiture mesure moins de quatre mètres), un look futuriste, la possibilité d’équipements plus variée que sur la citadine de Renault (cuir et sièges chauffants, toit ouvrant, infotainement iDrive, phares adaptatifs, système audio évolué…), un moteur puissant : en bref, mesdames, messieurs les jurés, la BMW i3 a bien un positionnement de citadine premium. Comme le sont les Mini, Citroën DS3 ou comme l’était l’ancienne Mercedes Classe A. Le marché des véhicules thermiques montre que la clientèle du segment B premium est importante. L’idée d’y lancer un VE n’a rien d’incongru. 34 000 € est le prix de base mais celui-ci tombe à 27 900 € en France, prime gouvernementale déduite. Il s’agit d’un niveau tarifaire où il existe déjà une clientèle optant pour des Mini, Clubman, DS3 THP ou A1 bien équipées. Alors pourquoi ne pas y positionner une i3 électrique ?
« Objection, votre honneur ! », s’exclame l’avocat général. « Il s’agit là de défendre un produit face à un usage possible, pas de se porter acquéreur ou de faire du prosélytisme ! »
[Objection accordée.]Je poursuis sur les derniers chefs d’inculpations : l’autonomie et les performances. Le dossier d’instruction parle d’une autonomie comprise entre 130 et 160 km tandis que la charge complète prend jusqu’à huit heures en fonction de l’installation électrique, une charge à 80% pouvant ne durer que 30 minutes avec une borne de charge rapide. La BMW i3 est compatible avec les prises de type 2 ou les prises Combo, dixit le dossier d’instruction. Pour autant, ces prestations ne sont pas plus mauvaises que celles des autres VE du marché, de plus, il est avéré que le parcours moyen quotidien d’un européen est de 64 km. Selon la configuration du lieu de résidence et/ou de travail du client, la citadine munichoise peut donc être un produit adapté. De plus, une option Range Extender (moteur thermique de 34 ch couplé à un réservoir d’essence de 9 litres) permet de gagner 300 km d’autonomie théorique et de partir en bord de mer avec sa voiture. L’option est certes facturée 4000 € mais elle a le mérite d’exister et de proposer une offre VE avec REX à un tarif inférieur à la Chevrolet Volt. Les performances, quant à elles, sont certes dynamiques mais pourquoi s’en plaindre ? La voiture accélère promptement grâce à son moteur de 170 ch, garantissant, sur le papier un certain plaisir au volant. Ce qui est déjà possible et appréciable sur des VE moins puissants alors pourquoi se priver ? Si l’autonomie est comparable à celle de la Zoé (hors option REX), mesdames, messieurs les jurés, les performances sont supérieures, en harmonie avec l’image de BMW et le positionnement du produit.
Alors non, mesdames, messieurs les jurés, la BMW i3 n’est pas une voiture parfaite. Il se peut qu’elle ne convienne même pas à votre propre usage. Mais peut-on reprocher à un produit qu’il ne convienne pas à tout le monde ? La clientèle est diverse, l’offre se doit d’être segmentée afin que chacun puisse trouver chaussure à son pied, après tout. Mesdames, messieurs les jurés, mon client BMW i3 a voulu, à travers sa démarche, apporter une réponse nouvelle à un marché peut-être trop convenu, trop frileux. Est-ce une tare de vouloir faire les choses différemment ? Aussi, je requiers l’acquittement de mon client, le temps sera seul juge, fut-il lent à rendre son délibéré comme dans le cas Smart.
Une chose est sûre : quelle que soit l’épaisseur du dossier, les sièges seront au moins jugés en assise.
Les jurés peuvent se retirer pour délibérer.