Si pour l’église catholique le suspens ne fait que commencer avec un conclave qui débute ce mardi et s’achèvera ( qui sait quand?) par la nomination d’un nouveau Pape, chez Renault on est fier de pouvoir enfin chanter haut, fort et sans aucune fumée blanche, alléluïa, ZOE est là !
Elle se balade depuis plusieurs mois voire plusieurs années de salons en salons, sous la forme d’un concept, d’un showcar et même en version définitive conduite par des célébrités ou des ministres. Elle se balade tranquillement au gré de son autonomie, fait rêver les foules, émerveille ses parents industriels et ingénieurs, et aujourd’hui ça y est, le rêve est enfin disponible en concessions. Le mur vient de tomber qui nous tenait éloigné de la citadine née pour rallier à la cause du véhicule zéro émission le commun des automobilistes.
Après avoir conduit sur circuit le show car ZOE en avril 2011 l’attente de la version de série a été longue, et le produit final qui enchante par un grand nombre de qualités déçoit aussi par quelques défauts dont le plus rédhibitoire est lié à son mode de recharge.
C’est à Lisbonne et sous la pluie que j’ai conduit ZOE pendant deux demi journées. Oubliées les lignes futuristes du concept ZOE présenté à Frankfort en 2009, la ZOE en vente dans le réseau Renault reprend le design du showcar en l’adaptant très fidèlement aux contraintes de la série. C’est une citadine espiègle et séduisante qui s’intercale dans la gamme Renault entre le Twizzy et les Fluence et Kangoo. D’un gabarit très proche de la Clio, elle s’en démarque entièrement par sa carrosserie et son habitacle exclusifs. Le choix industriel de Renault est risqué mais le pari de la différenciation extrême entre ces deux véhicules de même gamme pourrait néanmoins jouer pour une part importante dans la réussite du projet. Là où Clio joue la carte sexy et dynamique pour séduire, ZOE se veut plus mutine et consensuelle avec des détails soignés mais jamais agressifs comme le veut pourtant la mode automobile actuelle. La hauteur de caisse relativement importante du fait de l’installation des batteries sous les sièges est subtilement réduite visuellement par des lignes de carre très marquées qui, tout en rendant le véhicule plus gracieux et sensuel, le font paraître moins haut perché. Les poignées de porte arrière sont cachées dans le montant des ouvrants et portent la marque du designer extérieur avec son empreinte gravée dans le plastique pivotant. La signature chromatique ZE est présente partout à l’extérieur du véhicule avec des phares, des feux, des logos et des vitrages bleutés. Dans l’habitacle, on retrouve là aussi l’ambiance du showcar, des lignes fluides, douces, empruntes d’une ambiance très zen. L’évocation de la pâle d’éolienne est toujours là, elle signe d’un symbole fort la planche de bord, face au passager, comme un gage stylistique écolo. Ici tout est dur au toucher, mais apaisant à la vue. Couleurs et matériaux contribuent à créer un habitacle des plus lumineux malgré l’absence du toit panoramique vitré jugé trop lourd et abandonné dans le projet final. La platine centrale intègre le R-Link sous forme de tablette, présentation déjà vue sur la nouvelle Clio. Seuls détails exclusifs dans un ensemble de commandes pour la plus part reprise dans la banque commune du groupe, l’afficheur digital de vitesse ( style Scénic) et surtout les revêtements de siège traités au Teflon, déhoussables et facilement nettoyables. ZOE est-elle une baroudeuse qui s’ignore ? Tout concourt au bien être à bord du véhicule, parmi les gadgets citons aussi un ioniseur à fonction relaxante et purifiante ainsi qu’un diffuseur de parfum. Tout ceci est appréciable pourvu qu’on soit installé aux places avant. Les fauteuils du premier rang sont très confortables mais leur dessin massif et plein enferment les passagers arrière dans une cellule sans vue sur la route. Dommage pour l’aspect familial du véhicule pourtant revendiqué par Renault. Autre défaut remarquable, la place que prend le cable de recharge dans le coffre : il est étonnant qu’aucun emplacement judicieux n’ait été trouvé pour cet enconbrant câble dans un véhicule conçu dès le départ pour être un véhicule 100% électrique.
Conduire ZOE en ville est réellement une partie de plaisir. Les accélérations sont franches ( pour peu que vous n’utilisiez pas la touche ECO) et très silencieuses puisque le moteur n’émet aucun son et que les bruits de roulement et aérodynamiques sont parfaitement contenus. Il est grisant de laisser derrière soi des berlines plus puissantes quand le feu passe au vert, d’un simple appui franc sur l’accélérateur, d’autant plus grisant et sûr, que le freinage, si besoin, est très puissant et que la voiture reste toujours très stable, dans les accélérations comme dans les décélérations. Sur parcours routier, les reprises sont honnêtes, la voiture n’est jamais mise à mal, du moins, avec deux passagers à bord, comme dans cet essai en binôme avec Clémence du blog féminin Les Enjoliveuses. A quatre passagers adultes plus leurs bagages, la sérénité de conduite serait peut être moins bonne, mais cet usage ne sera sans doute pas l’apanage d’une ZOE même si son coffre de 338 litres est supérieur à celui de la Clio IV. Renault positionne d’ailleurs sa nouvelle ZE Star comme la deuxième voiture idéale du foyer. Alors , pour qui, et pourquoi la ZOE ?
Alors qu’en Europe, 87% des trajets quotidiens sont inférieurs à 60 kilomètres, Renault propose avec ZOE, une solution pour couvrir ces petits déplacements sans aucune émission polluante. Longue de 4,08m de long pour 1,94m de large, équipée d’un moteur de 88CH / 65kW au couple de 220 N/m disponible instantanément, fabriquée en France à Flins et proposée en trois niveaux de finition, Life, Intens et Zen, ZOE débarque avec une technologie arrivée à maturité ( en apparence!). Parmi les atouts de la ZOE , son autonomie, aidée par des solutions techniques innovantes : des pneus Michelins Energy à faible résistance au roulement, le Range OptimiZEr (un freinage découplé qui permet de récupérer de l’énergie en freinant mais aussi en relachant l’accélérateur ) et un système de pompe à chaleur qui permet une consommation trois fois moins importante qu’un système traditionnel en comprimant l’air extérieur pour en récupérer l’énergie. Ceci permet de rouler en ZOE sans restriction de clim ou de chauffage. Parmi ses défauts, celui qui fait le plus de bruit dans cette atmosphère silencieuse est bien le câble de charge. Si Renault avoue à demi-mot travailler sur un câble reliable à une prise domestique, pour l’instant, l’acheteur d’une ZOE n’a d’autres choix que d’équiper sa résidence d’une Wall Box (environ 1000 Euros) qui permet avec une puissance de 3 kW une charge complète en 8 heures. En dehors de chez soi et en cas de besoin, il faudra être chanceux pour “tomber” sur une des bornes de charge accélérée de 22kW pour une recharge en une heure, ou une des 1200 bornes de charge rapide françaises ( réseau Autolib et concessions Renault) qui assurent une recharge à 80% en 30 minutes. La ZOE laisse donc peu de place à l’aventure malgré une autonomie théorique de 210 kilomètres avec une charge complète ( et environ 150 km en usage normalisé urbain et peri urbain ). Heureusement le GPS veille et “interdit” une destination si elle est hors de portée d’une borne de recharge alors que l’état de charge des batteries et à la distance à parcourir ne permettent pas un voyage sans “ravitaillement”. Tant que ZOE ne sera pas rechargeable sur une prise domestique classique, la citadine ZE de Renault risque d’être cantonnée à l’usage de deuxième voiture, où elle excelle. Si vous possédez déjà une auto tant mieux pour vous, et tant pis pour les autres …
Affichée à un prix inférieur à celui d’une citadine de taille et dotation équivalente ( prime bonus déduite !), ZOE tient une partie du secret de son accessibilité au fait qu’elle se vend sans batterie ; celles-ci sont louées pour 79€ mensuels, ce qui équivaut à un plein d’essence. La recharge, elle, coûte 2 € ! Renault assure le dépannage ” assistance panne sèche” : même en cas d’oubli de recharge, on vous conduit gratuitement jusqu’à une borne de recharge dans un rayon de 80 kilomètres ! La location des batteries inclue aussi des facilités de location chez trois loueurs (dont Renault Rent) pour une garantie de disponibilité d’un véhicule thermique en cas de besoin. Le moteur électrique ne demande aucun entretien particulier, le coût d’usage de la ZOE n’en souffrira pas. Les premières tendances de valeur de revente par les grands quoteurs annoncent un bonus par rapport aux moteurs thermiques.
Tout concoure donc à faire du pari ZOE un pari réussi : une ligne sympa, un équipement riche et moderne, une bonne autonomie, un prix abordable. Un grand regret, ne pas pouvoir la recharger sur n’importe quelle prise domestique. ZOE est passée très près du sans faute, à un fil près.
Photos: Philippe Kerleroux.