Vous avez sans doute dû le remarquer, votre Blog préféré a pour habitude de temps en temps de vous proposer plusieurs visions d’une même auto. Comprenez par là que nous n’avons dans l’équipe pas réussi à déterminer qui allait avoir le privilège d’essayer telle ou telle auto. Du coup, pas de jaloux, tout le monde l’essaye ! Mais comme on pense aussi à vous, on vous a bien évidemment prévu plusieurs articles au menu des réjouissances. Si pour Gabriel (dont l’excellent article est à relire ici), la Mustang commence à ressembler à une vieille connaissance. Pour moi, elle sonne comme le début d’une belle histoire.
Je vous propose de vous emmener sur les traces des alliés, au départ de la Normandie, plus précisément sur les plages du débarquement, haut lieu chargé d’histoire. Quitte à essayer un morceau de rêve américain, autant ne pas faire les choses à moitié…
Omaha Beach
C’est sur cette plage, qui figure comme l’une des plus connues du débarquement du 6 juin 1944, que débarquent près de 34 000 hommes dont plus de 2000 ne reviendront jamais. Surnommée “Omaha la sanglante”, c’est sûrement l’un des principaux lieux de commémoration de la région. La plage est surplombée au pied de la jetée d’une sculpture commémorative, qui semble se dresser vers la Manche, défiant ces vagues qui furent si dévastatrices avant même que les troupes américaines n’aient pu débarquer. En ce premier week-end de janvier, seuls quelques promeneurs séparés de plusieurs centaines de mètres viennent fouler ce sable chargé d’histoire. Les routes qui mènent à Saint-Laurent-Sur-Mer, commune dont dépend la plage, sont étroites et je ne croise quasiment pas une seule voiture jusqu’au bord de mer. La Mustang Bullitt ronronne gentiment sans dépasser les 2000 trs/min afin d’éviter de perturber le calme presque inquiétant qui règne ici. Hors saison, ça doit être la routine. Seules quelques maigres fumées blanches s’échappent des cheminées environnantes. Je m’arrête sur le parking devant le mémorial d’Omaha Beach et ose m’approcher du fier tank Sherman, canon levé, qui trône entre deux batteries sur roues. La couleur “Dark Highland Green” semble s’accorder parfaitement à l’environnement.
Colleville-Sur-Mer
À quelques kilomètres de cette fameuse plage, le cimetière de Colleville-Sur-Mer qui surplombe cette dernière. L’ambiance y est très solennelle et le parking est bien évidemment (et heureusement) trop loin pour que les défunts viennent être dérangés au son du V8. Le lieu pourrait presque paraitre joli si les événements qui ont mené à sa construction ne nous revenaient pas en tête sans cesse. Même la Mustang de 3/4 face semble prendre un air grave à son approche. Je ne prends le temps que d’un court arrêt, mais c’est un endroit où je repasserais bien les beaux jours venus, contempler plus longuement ces milliers de croix blanches. Je quitte à un rythme de sénateur le cimetière empruntant la route unique bordée d’arbres parfaitement alignés de part et d’autre. Le V8 ne dépasse pas les 1500 trs/min et glougloute gentiment centilitre après centilitre son précieux SP98. J’emprunte la D514 qui longe la côte à environ 500 mètres à vol d’oiseau du rivage en direction de l’Est. Les routes sont de nouveau étroites. De charmants villages comme endormis se dressent au fur et à mesure sur la route, des petites maisons aux pierres claires immaculées aux grandes propriétés normandes, le cachet est indéniable ! Nombreux sont les petits bistrots et/ou maisons à arborer des devantures en mémoire du D-Day 44 et des drapeaux alliés. La Mustang s’avère très souple à bas régime, et je n’utilise sûrement que 10% des 460 chevaux pour continuer mon chemin jusqu’à Arromanches.
Port artificiel d’Arromanches
Symbole du génie technologique de l’époque, les restes du port artificiel d’Arromanches, qui tenait à coeur à Winston Churchill. C’est ce dernier qui a porté le projet comme un atout maitre dans la logistique du débarquement allié. Le musée du débarquement plonge les visiteurs avec des vidéos d’époque ainsi que de nombreux vestiges et reconstitutions de maquettes à l’échelle dans le coeur du défi de la construction du port artificiel britannique, une véritable prouesse pour l’époque. À côté du musée se trouve même un des morceaux de route flottante qui permetta d’acheminer les véhicules et les vivres jusqu’à la berge. Ce sont donc bien les anglais qui ont établi à Arromanches leur QG logistique, dédié au ravitaillement des troupes au sol. Les américains eux aussi tentèrent la construction d’un port artificiel, du côté d’Omaha Beach, mais ce dernier ne résista pas à la tempête de fin juin 44. Quelques morceaux du port artificiel demeurent encore hors de l’eau jusqu’à 2 kilomètres du rivage, principalement des flotteurs en béton. Devant le musée, la Mustang attire les rares visiteurs du coin qui s’interrogent longuement sur la spécificité du modèle mais reconnaissent tous les lignes caractéristiques de la muscle-car la plus célèbre du monde. Un père de famille reconnait même immédiatement la nouvelle “Bullitt” dont il conte quelques détails à ses deux fils qui semblent fascinés. L’automobile et la culture américaine fascinent toujours. Encore une fois, la Bullitt semble à son aise dans un tel décor, aux côtés de canons vieux de plus de 70 ans. Attendez qu’elle lâche ses 460 ch, elle aussi saura faire parler la poudre.
Ouistreham / Pegasus Bridge
On s’enfonce un tout petit peu plus vers les terres pour atteindre le bras de mer qui s’ouvre dès Ouistreham pour atteindre Pegasus Bridge. La Bullitt traverse les plaines normandes avec une aisance déconcertante. On s’écarte des petits villages côtiers pour retrouver des routes de campagne plus larges, plus rectilignes. Le V8 5.0 L atmosphérique est un pur régal. La boite déconcerte par sa longueur typiquement américaine. En 1re à 30 km/h, on est à 2000 trs/min, en 2me, vous pouvez quasiment dépasser les vitesses légales maximales françaises, la 3me quant à elle semble représenter le Nirvana. Le V8 ronronne presque avec classe de 0 jusqu’à 5000 trs/min, en provoquant une sonorité très rauque qui s’aiguise à partir de 5000 trs/min, là où débute le sport véritable jusqu’à la zone rouge. Quel plaisir de manier ce levier au pommeau en Bakélite, de sentir les roues arrières se cabrer à chaque passage de rapport, de sentir la gomme des pneumatiques lutter pour s’agripper au mieux au bitume normand. La quiétude s’en est allé et le feu de la bataille fait rage jusqu’à Pegasus Bridge qui constituera l’un des points stratégiques clefs de la bataille de Normandie. L’échappement en position “Sport” ne semble pas troubler le calme apparent des environs. Même les canards ne s’écartent pas d’un mm au son du V8 et pensent même riposter si je continue à les embêter sur leur territoire durement conquis.
La poche de Falaise
On quitte définitivement les bords de Manche pour s’enfoncer dans les terres Normandes en direction de Falaise, théâtre d’un moment clef de la bataille de Normandie durant la mois d’août 1944, qui verra de nombreux affrontements entre alliés et troupes allemandes. Ces dernières résistèrent bien plus que prévu. La libération de Falaise marque un tournant important dans le débarquement allié, qui prend enfin la route vers Paris après plusieurs mois passés à combattre en Normandie. Si le débarquement fut indéniablement une réussite, l’avancée des forces alliées fut néanmoins semée d’embuches et largement en retard sur le programme initial. Au sud du Calvados, Falaise compte aujourd’hui un peu plus de 8 000 habitants. La ville historique en contrebas du fort présente de nombreuses rues pavées et des petites habitations là encore en pierres claires. Depuis Pegasus Bridge, la route a peu d’intérêt avant de pénétrer dans la Suisse Normande. La N158 est d’un ennui mortel, plus droite que droite et limitée que limitée. Je prends plaisir à cruiser au rythme du doux ronronnement du V8. Au sommet de la ville, trône fièrement le Château de Falaise, érigé au XIII ème siècle et classé monument historique dès 1840. Il domine incontestablement la région sur son éperon rocheux et impressionne par la hauteur de ses murs. Je ne me suis pas attardé pour sa visite mais le parking était plutôt rempli pour un premier samedi de janvier.
Sur la route de Paris
Une fois le tour de la vieille ville effectué, je m’enfonce doucement dans la Suisse Normande, à cheval sur les département du Calvados et de l’Orne. Cette région doit son nom à ses reliefs particulièrement marqués et verdoyants, même malgré la saison. On retrouve avec grand plaisir des routes au tracé plus intéressant, sur lesquelles je m’attends enfin à déterminer le progrès fait depuis 1968 (la Bullitt originelle, vous vous en souvenez ?) en matière de comportement routier. Le V8 me surprend une fois de plus par sa rage incommensurable à vouloir arracher le bitume. Autant de couple et de chevaux sur route ouverte, ça devrait être interdit. Et si le train arrière ne demande qu’à ruer et que je sens immédiatement chaque passage de rapport dans mon fessier, la direction est étonnement communicative et les suspensions fermes juste comme il faut pour supprimer le gros du roulis. Bien sûr, l’embonpoint et la taille de la machine se rappellent immédiatement à votre souvenir dès le premier rond-point, et la Dacia Sandero qui me colle aux fesses se demande sûrement pourquoi je ne passe pas ce dernier “pleine balle”. Personnellement, la perspective de voir dès le prochain virage la D958 par la vitre passager ne m’enchante guerre. Je poursuis la route de Clécy jusqu’à Argentan, puis l’Aigle, découvrant alors de larges courbes parfaitement dessinées à travers des bois aux arbres impeccablement élagués. Aux alentours, des chevaux gambadent dans de nombreux prés et je découvre de gigantesques propriétés et même un superbe Haras dont j’ai bien évidemment oublié le nom. Apparemment, de la graine de champion galope autour de moi et les élevages sont nombreux dans la région. La pause bucolique s’achève en découvrant le château des Roches de Verneuil-sur-Avre tout illuminé, abritant la non moins célèbre École des Roches. La nuit est maintenant complètement tombée et je prends Paris comme ligne de mire en suivant les panneaux.
On a re-libéré Paris
20h le samedi 5 janvier, place de l’Étoile. Les gyrophares bleus dansent dans tous les sens, affluant de toutes parts. Le mouvement social du moment est reparti de plus belle et les échauffourées ne sont pas encore terminés. Dans un élan de courage, j’embraye sur le périphérique, de peur de me faire abîmer l’un de mes 460 canassons. Je ne sais pas si l’inspecteur Bullitt aurait été fier de moi mais qu’importe, j’enfonce allègrement la pédale de droite (de ça, il aurait été fier !) et m’insère dynamiquement dans la circulation parisienne, le bruit de la boite à air dans l’habitacle, le grondement de l’échappement pour mes congénères automobilistes. 8h30 le lendemain, quelques engins de chantier déblayent les quelques dégâts et les patrouilles de police restent nombreuses aux alentours des Champs Elysées. Aucun doute, certains reconnaissent la voiture mais personne ne reconnait l’inspecteur Bullitt. Si j’avais la même bobine que Steve McQueen, ça se saurait… Arc de Triomphe, puis direction le Champs de Mars et petit tour sur les quais de Seine avant un ultime arrêt Place Vauban. À défaut de re-libérer la capitale, c’est bien la Bullitt qui s’est libérée non pas sans afficher une certaine satisfaction à parcourir les rues pavées de Paris désertes, presque tout autant que celles de San Francisco, à la différence près que moi, je n’ai pas eu à faire plus de 9 minutes de course poursuite effrénée.
Crédits Photos : Maurice Cernay
Un grand merci à Ford France pour ce premier essai de l’année qui je l’espère, donne le “la” pour 2019.