Parmi les bizarreries du salon de Genève, on pourrait vous parler des multiples voitures électriques développant des puissances colossales, ou des supercars coûtant l’équivalent du budget d’un pays en voie de développement. Mais non, nous allons vous parler d’un machin anglais un peu étrange (pléonasme ?) : l’Eadon Green Black Cuillin.
Sous ce nom très pompeux fleurant bon l’Angleterre victorienne se cache un tout petit constructeur qui n’en est même pas encore un car il n’a produit à ce jour aucun véhicule.
Revenons au point de départ. Le créateur de la marque est un certain Felix Eaton, globalement inconnu dans le milieu automobile. Tout au plus peut-on le voir poser aux côtés d’un Supermarine Spitfire. Pour je ne sais quelle raison, cela me le rend immédiatement sympathique. L’idée de produire sa voiture lui vint un soir de 2013 en regardant sa série à la télévision. Imaginez le tranquillement installé dans son fauteuil, sirotant un single malt et regardant un épisode d’Hercules Poirot. Si si.. By Jove, Francis, il me faut cette voiture ! Je le vois parfaitement s’exclamer de la sorte en voyant sur le petit écran une Alfa Romeo 8C 2900 cabriolet. Coup de foudre immédiat : un jour tu seras mienne ! Hélas, Felix déchante vite en regardant les prix du modèle dans l’équivalent grand breton de l’Argus : plusieurs millions de Livres. Qu’à cela ne tienne, Felix se documente sur le sujet via moult ouvrages et en vient à la conclusion que les jolies voitures des années 30 ça coûte cher et qu’il va avoir du mal à en trouver une. Alors autant construire la sienne, qui reprendra le meilleur de Chapron, Figoni & Falaschi et autres Pourtout (excusez du peu). J’ai quand même du mal à voir la logique économique, mais admettons…
L’idée du projet est simple : châssis moderne, carrosserie à l’ancienne et construction artisanale. Après tout, c’est la même idée que les David Brown Speedback GT ou autres Equus Bass, qui sont des produits plutôt aboutis. La société Eadon Green est créée pour ce projet, le nom Eaton étant déjà utilisé dans le milieu automobile (les compresseurs Eaton). Les statuts sont déposés officiellement en décembre 2016. Les effectifs et la structure sont plutôt obscurs, mais Eadon Green collabore avec 3 sociétés d’ingénierie britanniques pour son projet.
Le résultat, le voici… Enfin, la maquette et des rendus 3D, car la voiture est loin d’être achevée. Dénommée Black Cuillin (du nom d’un massif montagneux de l’Île de Skye), le coupé est un mélange assez hétéroclite de nombreuses influences. On y retrouve pèle-mêle des morceaux de Morgan, d’Alfa 8C (un peu) et d’autres choses aussi (vous avez dit Bugatti 57 Atlantic ?). Sans être totalement disgracieuse, la Black Cuillin n’est pas forcément la plus élégante des voitures qui soit. Une certaine lourdeur et une inadaptation des accessoires notamment : les jantes ne conviennent absolument pas, et les rétroviseurs sont bien trop modernes et effilés. Quant à la couleur… non, ce n’est vraiment pas le bon choix. Tout n’est pas forcément à jeter, il y quelques lignes intéressantes, mais cela nécessite encore d’être largement peaufiné.
En dehors de cette maquette, absolument aucune information ne filtre. Ah si : à en croire une image du communiqué de presse, la Black Cuillin serait équipée d’un V12. Lequel ? Mystère. Il y a bien quelques blocs V12 existant sur le marché de seconde main, les BMW par exemple, ou même les Aston Martin, mais rien n’est sûr. Quant à l’habitacle ou au châssis, pas plus d’information. Quelques rendus 3D floutés tout au plus. C’est bien peu pour motiver un acheteur ou un investisseur, d’autant qu’aucun prix n’est annoncé. C’est même à se demander ce qu’elle faisait à Genève
Alors que penser de cette Black Cuillin ? La sincérité de l’approche de Felix Eaton semble réelle, bien que nettement amateur. L’homme veut réaliser son rêve, pourquoi pas ? Mais entre un dessin manquant d’inspiration (cette calandre… non vraiment… on dirait du Mitsuoaka) et un projet très loin d’être abouti dans les détails, il va falloir encore attendre un peu avant d’en voir rouler une un jour. Affaire à suivre éventuellement…
Crédits photos : Eadon Green, Ugo Missana