Considéré comme un pur utilitaire… et de fait non soumis au malus écologique, le Ford Ranger se veut assez séduisant dans sa dernière déclinaison Wildtrack pour prétendre être l’auto familiale idéale. Mais au quotidien, ça donne quoi ?
Je suis un pur intellectuel. Doté d’une bonne culture littéraire et musicale, mais en même temps aussi à l’aise devant un clavier qu’avec un volant (ou surtout un guidon) en mains. Par contre, la simple vue d’un outil peut contribuer à me blesser : j’ai tendance à viser plus mes doigts que les clous. Comprenez donc que le pick-up, normalement, ça ne devrait pas être mon truc. Mettre du ciment, des planches, des vis et des boulons dans la benne, très peu pour moi, merci. En plus, ça doit être salissant. Beurk.
Mais le pick-up a plus d’un tour dans son sac, car il peut aussi embarquer des skis, un quad, un parapente ou une moto d’enduro. Voire tracter un haras avec sa capacité de charge de 3500 kilos. Et ça j’aime. Et en plus de ses cartes maîtresses, il sort un atout ultime de sa manche : son statut de véhicule utilitaire lui permet de s’affranchir de tout malus écologique en dépit de sa conso mixte officielle de 8,3 l/100 et de 218 grammes de C02, en boîte manuelle (et c’est 8,9 et 234 grammes en BVA), synonymes dans les deux cas, en théorie, d’une belle gabelle de 8000 €. Ce qui, lorsque l’on vient de lâcher 42 190 € dans le cas de mon pick-up d’essai, est une économie non négligeable.
Car ça tombe bien : je préfère généralement être surclassé que surtaxé. Et côté surclassement, le Ford Ranger s’y connaît. Certes, il est dispo dans des versions assez basiques, en Simple Cab et finition XL avec le moteur 2.2 TDCI de 130 ch (et qui commence à 22 870 € HT pour les pros), mais force est de constater qu’il en jette dans cette déclinaison haut de gamme avec le 5 cylindres 3.2 de 200 chevaux et en finition Wildtrack.
Et je ne dois pas être le seul à penser de cette façon : apparu en 2011 en Europe, le Ranger s’est vendu à 27300 unités l’an dernier sur notre continent, un chiffre en augmentation de 27 % ; mais surtout, ce sont les versions 4 portes qui représentent le gros des ventes, les Super Cab (benne allongée, cabine arrière simplifée) ne faisant que 2 % du mix. Même tendance en France, où le Ranger décroche la première place (avec 3669 unités) d’un marché global de 12 732 engins (en hausse de 14 % par rapport à 2014), tandis que le Toyota Hilux est second (3267 unités) et l’Isuzu D-Max troisième (1708), Nissan Navara (1509), Mitsubishi L200 (1487) et Volkswagen Amarok (1012) complétant le top 6. Pas de doutes (mais est-ce uniquement grâce à sa fiscalité avantageuse ?), le pick-up est dans l’air du temps, et le sera encore plus avec l’arrivée prochaine de Renault et Mercedes sur ce créneau.
Ford a donc fait mouche avec son Ranger qui s’adresse aux amateurs de loisirs et à ceux qui recherchent un véhicule familial décalé. CQFD. Par rapport à la précédente génération de 2011, le nouveau Ranger se distingue principalement par sa face avant et diverses incrustations d’aluminium sur la carrosserie, ainsi que par sa présentation intérieure nettement plus cossue au niveau des garnitures et qui intègre également le système d’infotainment SYNC2, déjà détaillé lors de multiples essais de Ford sur le blog. Les moteurs de recherche sont vos amis… et pour plus d’infos sur les pick-up, vous pouvez retrouver sur le blog des essais du Nissan Navara 2015 dCi 144 (ici) et du Mistubishi L200 Appalaches 2015 (là), ainsi qu’une prise de contact du nouveau Navara 2016 ici.
5,36 m de long… soit 4 de moins qu’une Rolls Royce Ghost !
Les records sont faits pour être battus, dit-on… J’avais, au prix de quelques sueurs, réussi à rentrer récemment les 5,23 m de long du BMW 730Ld xDrive dans le parking de ma résidence (essai : ici) ; autant dire que j’étais impatient de me confronter aux 5,36 m du Ford Ranger. « Tout rentre dans tout avec suffisamment d’élan », me déclare Benoît M., artiste nikonisé et qui a probablement appris la philosophie chez Marc Dorcel… mais force est de constater que la galère atomique annoncée n’a pas lieu. Pourtant, au début, je ne sais pas si c’est la taille réduite de cette rampe d’accès au parking souterrain ou la taille du pick-up qui m’impressionne, mais je ne me sens pas à l’aise. Peut-être est-ce tout bêtement la conjonction des deux. Je me lance quand même. Les rétros (qui font chacun la taille d’une tablette tactile) passent au final assez facilement et la voiture avec. Arrivé en bas de la descente, j’aborde le dernier virage serré. Le Ranger se guide précisément et sa largeur contenue aide grandement. Cela se confirmera dans le colimaçon qui permet d’accéder aux étages inférieurs. Pas une fois je n’ai touché une bordure avec un pneu et je vous prie de croire que le chemin était étroit. Les 23 cm de garde au sol et les 28° d’angle d’attaque permettent de se jouer des bordures sournoises de trottoirs qui menaçaient les jantes saillantes de ma 730Ld. Au final, le Ranger a été garé au millimètre : merci la caméra. Et maintenant, je suis prêt pour la Rolls…
Est-ce à dire qu’à son volant, on se croit à bord d’une « simple » berline ? Dimensions mises à part (mais les formes cubiques de l’engin permettent d’en cerner facilement les contours) ; mais c’est une façon de parler car ses dimensions, justement, lui valent la crainte des propriétaires de Peugeot 106 et des regards envieux (et psychanalytiques ?) d’un conducteur d’Audi R8 V10 Spyder qui aurait quelque chose à compenser… Sans aucun doute, dans nos parkings et dans nos villes, le Ranger reste un gros morceau (plus d’1,80 m de haut et de large), mais il se laisse emmener en douceur.
Une fois passé les évolutions en ville (endroit qui, je l’admets, n’est pas le terrain de jeu idéal de ce type de véhicule), prenons la grande route pour aller rejoindre les plus petites. Bonne surprise : le Ranger, compte tenu de son aérodynamique d’armoire normande, reste assez silencieux. Certes le moteur se fait entendre mais cela reste raisonnable et les bruits aérodynamiques sont très contenus. Le confort est de bon niveau aussi bien devant que derrière. Le Double Cab offre en effet 3 places à l’arrière et chaque passager aura largement de quoi loger ses jambes. La largeur de l’ensemble autorise 3 adultes à partager la banquette, légèrement ferme, qui donne sur la vitre arrière. Cette dernière permet de voir jusqu’au bout de la benne et donc de bien maîtriser son environnement et les dimensions du véhicule. Peu de gens s’aventurent cependant à me coller au train. Côté suspensions, le Ranger, c’est un peu tradition & modernité… À l’avant, on trouve des doubles triangulations, mais à l’arrière, cela reste un bon vieil essieu rigide. Qui plus est, capable de charger 1260 kilos dans sa benne qui mesure 1,55 m de long : on comprend que les évolutions « à vide » restent un peu « sèches ». Pourtant, le Ranger ne peut trahir sa conception mais, cependant, n’a rien de cassant à l’usage.
Presque comme une berline
Cette précision sur le confort, parce que le Ranger donne presque l’impression d’être à bord d’une berline plutôt cossue. Les sièges qui, dans cette finition Wildtrack, sont recouverts d’un joli mix cuir / tissu avec des finitions orange bien en phase avec la teinte de carrosserie Orange Pride (en option à 500 € HT), les surpiqûres généreuses, tout cela fait oublier quelques plastiques durs. D’autant que l’infotainement SYNC2 de dernière génération et l’écran tactile de 8 pouces contribuent à faire du Ranger un véhicule très moderne, même si les commandes tactiles sont parfois un peu lentes, mais il reste dans ce cas la commande vocale.
Et ce n’est pas qu’une impression, car son arsenal sécuritaire en fait le leader de la catégorie. Jugez plutôt : régulateur de vitesse adaptatif (une option à 750 € HT), lecture des panneaux, système de maintien de ligne actif, il est plus moderne que le L200 qui se contente d’un régulateur et d’un maintien de ligne passifs, soit pas beaucoup mieux que le Navara avec son régulateur passif et son assistance au freinage d’urgence. Le Ranger, ainsi, parlera aux pères de famille qui veulent le maximum de sécurité active. L’avantage de ces aides, c’est qu’elles sont relativement discrètes et paramétrables, car au quotidien, trop de bip tue le bip…
Et ce d’autant que l’agrément au quotidien n’est pas laissé de côté, en témoignent la présence d’une caméra de recul de série (l’aide au stationnement avant est à 150 € HT), des sièges chauffants, de l’éclairage ambiant avec 7 couleurs, des deux écrans TFT sur le tableau de bord (même si le compte-tours est assez petit),
Et il se conduit comme un tank, ou comme une voiture normale, le Ranger ? Déjà, j’ai apprécié la direction entièrement réétudiée, avec une nouvelle pompe hydraulique entraînée par le moteur thermique, et malgré ses 3,4 tours de butée à butée, elle ne donne pas le sentiment de mouliner comme sur un vieux camion, tel que je l’avais constaté sur le Mitsubishi, par exemple… Mon modèle d’essai n’avait pas la boîte 6 manuelle aux débattements assez « virils », mais la BVA6, plus douce. Elle se marie bien avec les caractéristiques du moteur : le bloc 5 cylindres est en effet un longue course (89,9 x 100,8) et n’a donc pas vocation à trop grimper dans les tours : la preuve par les chiffres, avec sa puissance maxi obtenue à 3000 tr/mn et son couple généreux, de 470 Nm, dispo dès 1500 tr/m. Certains trouveront sa sonorité trop rocailleuse, car elle est quand même relativement présente, mais pour ma part je trouve que les blocs multicylindres auront toujours plus de charme sensoriel et acoustique que l’immense majorité des « 4 pattes ». Évidemment, le poids (plus de 2200 kilos) est sensible, mais les performances restent plutôt correctes et ne donne jamais l’impression de devoir subir le trafic (trafic qui a tendance à vous laisser passer vu le gabarit et l’esthétique de l’engin) : avec 175 chrono et le 0 à 100 couvert en 10,6 secondes (10,9 avec la boîte manuelle), le Ranger 3.2 n’est pas spécialement lent, d’autant que le couple est, on l’a dit, généreux…
L’autoroute s’aborde avec toute la collaboration du Ranger : le régulateur adaptatif propose 4 niveaux de réglages de la distance avec le véhicule qui vous précède et ainsi, le Ranger va au besoin accélérer ou freiner et même prévenir par un bip s’il détecte que la voiture devant freine de manière trop importante. Les kilomètres défilent sans encombre, avec une conso stabilisée qui s’établit à 10,4 au régulateur, ce qui n’est pas si mal vu le poids et le Cx de congélateur taille XXL de l’engin. À noter d’ailleurs que les caractéristiques du moteur et de la boîte font privilégier une conduite sur le couple, ce qui donne en fait une conso assez stable malgré des différences de parcours : en gros, vous risquez d’être en permanence entre 10 et 11 litres. Pour ma part, j’ai enregistré un 9,5 l/100 sur départementale en essayant de rester le plus possible proche des 90 km/h légaux… Avec les 80 litres du réservoir, l’autonomie est donc plus que correcte.
Et pratique, avec ça…
Tant qu’à se coltiner un tel gabarit au quotidien, on va lui demander d’être pratique. C’est pas qu’on a besoin de ces qualités tous les jours, mais pour un week-end de temps en temps, autant profiter de son potentiel. La capacité de remorquage de 3500 kilos permettra d’emmener un joli bateau mais c’est probablement la benne qui sera la plus utilisée : elle offre des dimensions plus que raisonnables et une capacité de chargement bien au-delà de tout break familial (on peut charger jusqu’à 1,2 tonne la benne de 1,5m sur 1,5m). On accède assez facilement au contenu de la benne. La hauteur de chargement importante (835mm) mettra vos épaules à contribution si vous ne disposez pas d’une grue ou d’un palan à titre personnel, du coup, il faudra certainement monter dans la benne pour aller y récupérer les affaires qui seraient allées se loger au fond. Cette dernière dispose de 4 points d’accroche pour y fixer des sangles et ainsi sécuriser le contenu. Je regrette juste que la ridelle de la benne (qui mesure 51 cm et qui est quand même assez lourde) et le rideau coulissant (une option à 2000 €) ne soient pas connectés au système de fermeture centralisé.
Sur la console centrale, les fonctionnalités du 4×4 sont faciles à comprendre : boîte courte et blocage de différentiel arrière (une option à 600 € HT). Pour les fanatiques du TT et des franchissements de gués, un schnorkel est également disponible en option. Je me suis contenté d’une petite virée dans les chemins, en prenant garde de ne pas rayer sa belle peinture métal sur les épineux… C’est là tout le paradoxe de ce luxueux aventurier du quotidien.
Crédits photos : Benoît Meulin