Essai Jaguar E-Pace P300 : l’outsider de Coventry

Jusqu’alors, Jaguar n’avait pas encore puisé dans la base de plate-formes disponibles chez son cousin Land Rover, malgré l’arrivée dans la gamme fin 2015 d’un grand SUV, le F-Pace, que pouvez retrouver à l’essai sur le blog ici en version 20d et également avec le V6. Avec le E-Pace, le constructeur de Coventry sauté tout de même sur l’occasion et choisit donc la solution de facilité pour greffer à sa gamme à moindres frais un SUV compact premium. Face à une concurrence bien rodée et qui en est déjà à sa deuxième génération sur le segment, le félin n’arrive-t-il pas avec un peu de retard pour marquer les esprits ?

Land Rover avait senti le coup venir dès 2008 en présentant au public son concept-car LRX, préfigurant l’arrivée d’un SUV compact aux lignes avant-gardistes dans la gamme (je parle bien entendu du Range Rover Evoque). Un coup d’avance que les allemands n’ont pas supporté et auquel ils ont répliqué plus vite que jamais avec l’arrivée sur le marché en 2009 du BMW X1 et de l’Audi Q3 en 2011. Mercedes-Benz s’y mettra également un peu plus tard en présentant le GLA en 2014. Rien ne laissait alors préfigurer l’arrivée dans la gamme Jaguar d’un SUV, et bien que l’annonce ne fut pas surprenante lorsque le F-Pace fut dévoilé, le public s’attendait à ce que Jaguar profite de la présence de Land Rover dans le groupe pour ainsi saisir l’opportunité de proposer un véritable SUV, plus proche d’ “Utility” que de “Sport”. Il n’en fut rien, étant donné que le F-Pace fut résolument tourné vers le dynamisme de conduite, côté communication produit en tout cas. Mais après mûre réflexion, on dirait bien que Jaguar ait repensé à deux fois à utiliser une plate-forme Land Rover. Après tout, les deux marques partagent déjà bon nombre de motorisations. Et c’est ainsi qu’est né l’E-Pace (à prononcer i paye-sse, pour ne pas confondre avec l’I-Pace, à prononcer aïe paye-sse). Techniquement, il repose donc sur la même plate-forme que celle déjà partagée avec le Range Rover Evoque et le Land Rover Discovery Sport, c’est à dire celle inaugurée en 2009 par le Freelander II. Roturière oui, mais gage d’efficacité et de savoir-faire en tout-terrain sans aucun doute ! Et ce serait déjà un premier argument non négligeable pour le E-Pace lui permettant de se différencier VRAIMENT de la concurrence.

On reconnait au premier coup d’oeil l’appartenance du E-Pace au clan des félins. Regard aguicheur largement emprunté à la F-Type, signature LED diurne agressive, imposante calandre ovale avec en son centre un jaguar rugissant et des optiques arrières reprenant également le dessin de celles du reste de la gamme, le décrochement rond en moins. Très trapu, il semble aussi très compact, notamment grâce à des roues disposées véritablement aux 4 coins du véhicule et des porte-à-faux (surtout l’arrière) très courts. Les flancs de la voiture sont très marqué notamment grâce aux excroissances d’ailes arrière qui se prolonge jusqu’en haut des portières des passagers arrière. La lunette arrière, très plongeante, termine sur une poupe totalement verticale et qui semble avoir été coupée. C’est cette partie qui me dérange le plus, on dirait qu’il manque un bout. Petit détail amusant sur le pare-brise qui met en scène un Jaguar et son petit, détail que l’on retrouvera d’ailleurs sur le sol la nuit lorsque les lumières en dessous des rétroviseurs sont allumés ! Notre modèle d’essai arbore le pack R-Dynamic qui, facture 2 500 € de plus, comprend des boucliers avant et arrière spécifiques, des jupes latérales peintes et des sièges sport à maintien latéral plus important. En d’autres termes, un incontournable pour le prix. Disponible à partir de 35 900 €, l’E-Pace dispose d’un 4 cylindres 2.0 L Diesel de 150 ch associé à une boîte manuelle et une transmission aux roues avant, qui ouvre la porte à la finition S. Afin de pouvoir opter pour les finitions SE ou HSE, il vous faudra absolument faire l’impasse sur cette boite manuelle au profit d’une boite automatique ZF à neuf rapports (issue de chez Land Rover). Le reste de la gamme n’est disponible qu’en transmission intégrale avec deux autres versions du 2.0 L Diesel portées à 180 et 240 ch. Du côté des motorisations essence, le 2.0 L maison se décline en 200, 250 et enfin 300 ch, notre version d’essai. À noter que dès l’entrée de gamme, l’E-Pace dispose en série d’optiques avant à LED automatiques, d’essuie-glaces automatiques, d’une caméra de recul ou encore de l’assistance au maintien de file, des équipements habituellement réservés aux finitions supérieures ou disponibles en option, un excellent point pour l’outsider de Coventry !

De notre côté, nous disposons donc d’un E-Pace P300 R-Dynamic HSE bardé d’options, le haut de gamme en somme et facturé 73 800 €, rien que ça. Et ce qui pique encore plus, c’est le malus, qui s’élève à pas loin de 10 000 €, soit une facture complète équivalente à 2,3 fois un E-Pace d’entrée de gamme. Pas de grande surprise non plus puisque Jaguar a choisi de suivre la même logique que les concurrents allemands en ce qui concerne les niveaux d’équipement.

À l’intérieur, les finitions sont exemplaires. Le cuir Windsor blanc est délicatement tendu et agréable au toucher tandis que les surpiqures ne souffrent d’aucun défaut. On apprécie également le haut de la planche de bord recouvert de plastique moussé peu sensible aux marques d’utilisation et on retrouve avec plaisir la fameuse poignée de maintien du passager avant à droite du levier de vitesses qui remplace d’ailleurs la molette de sélection que l’on retrouve habituellement chez Land Rover. Les boutons de commande climatisation à écran digital donnent une belle impression de matériaux de qualité et les quelques touches de chrome satiné très discrètes s’intègrent à merveille sur la planche de bord. Le tableau pourrait être quasi parfait si Jaguar n’avait pas eu la pingrerie de disposer tout autour du volant un plastique lisse, brillant et peu flatteur au toucher et au regard compte tenu du reste des efforts faits. Dommage.

Pour rappel, le 2.0 L 300 ch qui équipe cet E-Pace est en tous points identique à celui qui équipe la F-Type 2.0 L (que nous avons essayée en début d’année ici). Sauf que sur la F-Type, l’échappement avait été quelque peu travaillé. Résultat, au démarrage la sonorité est ici tout à fait quelconque, plus que banale même. Je découvre 4 modes de conduite différentes : Dynamique, Confort, Eco et enfin Pluie/Neige/Boue. Pour une bonne quarantaine de kilomètres de bouchons, c’est naturellement le mode Confort que je sélectionne. La direction est très démultipliée avec un tour et 1/4 de volant entre le point milieu et la butée. Ajoutez à cela des porte-à-faux quasi inexistants et une longueur de seulement 4,40 mètres, et vous obtenez un SUV compact parfaitement à l’aise en ville, d’ailleurs bien aidé des caméras 360. Après 30 min de bouchons, la consommation moyenne indiquée atteint les 18,4 L / 100 km. Je ne rêve pas et vous non plus. Vanté par le marketing comme un SUV dynamique, je passe par le chemin des écoliers et emprunte ma route fétiche, d’habitude bien utile pour mes essais sportifs. Après avoir enclenché le mode dynamique mais sans pour autant rouler “pied dedans”, la consommation ne faiblit pas et les Pirelli Scorpions chaussés ne correspondent définitivement pas à l’exercice du tracé rythmé sur routes secondaires. Pire, la sonorité s’avère une fois de plus tout à fait quelconque voire désagréable malgré un léger travail réalisé au niveau des haut-parleurs. C’est artificiel et pas franchement réussi. On sent bien un léger raffermissement de la direction mais beaucoup trop peu communicative pour espérer enchainer les épingles et les descentes de cols. La boite ZF9 d’une douceur exemplaire brille par sa discrétion lors du passage de rapports mais pêche par sa lenteur de passage et son manque de réactivité une fois les palettes entrées en action. En outre, le moteur est positionné devant les roues avant ce qui entraine tout naturellement une forte tendance au sous-virage. Enfin, notre version d’essai est annoncée pour pas moins de 1 894 kg à vide. Ça fait un sacré poids pour 4,40 mètres… Point remarquable toutefois, le freinage est tout simplement exceptionnel. La course de pédale, l’intervention de l’ABS, et les mouvements de caisse, tout est parfaitement dosé pour un équilibre remarquable. Malgré tout, le jugement est sans appel, autant d’éléments nous amènent à première une conclusion inévitable : le sport, on repassera.

Le tableau s’améliore sur autoroute où l’E-Pace dévoile ses capacités routières. Au volant, il donne un sentiment de puissance et en impose. Même si le blason annonce la couleur, les reprises peuvent en surprendre plus d’un malgré les presque 2 tonnes à déplacer. Le 2.0 L est agréable à l’allonge et coupleux même si en mode Eco – indispensable pour espérer faire descendre la consommation moyenne – le kick-down met un temps ahurissant à intervenir. Consommation moyenne que je n’aurai finalement pas réussi à faire descendre sous la barre des 9,4 L / 100 km.  L’amortissement se révèle assez ferme, pas de miracle avec des jantes de 20 pouces sur un si petit gabarit… Tiens ? Un peu de sable sur la gauche. Et hop, me rappelant en un éclair ses gènes de baroudeur et la monte pneumatique rassurante pour un SUV, je m’autorise quelques embardées sableuses. Point de folie, pas de croisement de pont ou autre exercice périlleux pouvant mettre à mal notre beau félin dans sa robe Caesium Blue. Mais un petit parcours soigneusement choisi pour se rendre rapidement compte que la gestion de la motricité s’avère bluffante, là où un GLA pour ne citer que lui serait sûrement resté bloqué dès les premiers mètres parcourus sur ce terrain meuble. Et les porte-à-faux réduits sont là encore un avantage indéniable conférant à l’E-Pace des angles d’attaque et de fuite remarquablement élevés pour la catégorie.

L’E-Pace P300 se retrouve ainsi quelque peu sans équivalent sur son marché. Les BMW X1 et X2 plafonnent à 192 ch et l’Audi Q3 en passe d’être renouvelé culmine à 180 ch. De son côté, le Mercedes GLA propose une déclinaison AMG forte de 381 ch et proposée à partir de 63  850 €. Si l’on jette un oeil au configurateur, en se faisant bien plaisir sur les options on arrive à un prix équivalent à notre configuration sur le SUV Jaguar. Mais le GLA joue la piste du dynamisme et de la sportivité affirmée alors que l’E-Pace saura ravir son propriétaire des ses qualités tous-chemins. Deux mondes différents donc.

Reste que la meilleure affaire pour acheter un E-Pace est bien la version d’entrée de gamme, avec quelques options histoire de le rendre un peu plus désirable côté design. On gagne également plus de 100 kg sur la balance par rapport à notre P300 HSE, ce qui n’est pas négligeable. Mais avec 0 à 100 km/h avalé en bien plus de 10 secondes, votre ego risque d’en prendre un sacré coup… À quoi bon donc acheter une Jaguar si c’est pour se faire déposer par n’importe quel monospace de grande diffusion ? Rien de bien choquant pourtant si l’on jette un oeil à la concurrence. Audi propose son Q3 en version 120 ch et abat le même exercice en quasiment 11 secondes. Le 2.0 TDI 150 s’en tire malgré tout bien mieux avec 9,3 secondes au chrono en boite S-Tronic versus un bon 10,7 secondes pour l’E-Pace D150 et sa ZF9.  La logique de volume nous échappe parfois, mais n’oublions pas que c’est grâce à ce genre de véhicules que Jaguar peut se permettre de nous proposer encore dans sa gamme une F-Type SVR entre autres. Alors fermons les yeux sur les quelques ratés de cet E-Pace et disons nous qu’il permettra sûrement de chatouiller quelque peu la concurrence germanique qui règne en maitre sur ce segment.

 

Mes plus vifs remerciements à Jaguar Land Rover France pour l’aimable prêt.

Crédits Photos : Maurice Cernay

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