Odeurs, grincements, craquements, fumées : voici en quelques mots-clés l’essai du Nissan Patrol de 1976. Je vous en dis un peu plus ?
Après un premier début de carrière de 9 ans, c’est en 1960 qu’est née la deuxième génération de Patrol : « Patrol 60 ». Ce modèle sera construit jusqu’en 1981, avant d’être remplacé par le Patrol 160, nettement plus moderne et connu chez nous. Le modèle avec lequel nous allons passer quelques jours date de 1976, il a alors pu bénéficier des quelques améliorations apportées au fil de temps. Cependant, il n’en reste pas moins un véhicule à la conception très old school et la conduite n’est pas une sinécure.
Les constructeurs n’ayant généralement pas d’anciens modèles dans leur parc presse, nous n’avons par conséquent, malheureusement, que très rarement l’occasion de prendre en main des voitures de collection. Je n’avais d’ailleurs jamais pris le volant d’une auto si ancienne. Et même si au fond de moi, je le savais, quel choc ! Il faut revoir tous ses acquis, et ne surtout pas oublier dans quoi on roule, le rappel à l’ordre risque sinon d’être désagréable. Si je dis ça, c’est surtout au sujet du freinage. Alors qu’on évoque souvent le mordant et la précision des freins dans nos essais, ici c’est plutôt tout l’inverse. Il y a un certain laps de temps avant de commencer à ralentir et on comprend bien que les freinages d’urgence ne sont pas sa tasse de thé. Heureusement d’ailleurs que j’ai testé un premier arrêt avant d’être entouré d’autres automobilistes.
Pour le reste, et bien qu’habitué à bénéficier de plus en plus de technologies, de confort, de connectivité dans les véhicules actuels, j’ai particulièrement apprécié ce retour à l’essentiel. On ne s’enquiquinait pas avec des fioritures à l’époque, c’est ce qui fait tout son charme. Point de vitres électriques, d’écrans dans tous les sens ou encore de dizaines de boutons ; et il ne faut pas non plus utiliser l’allume-cigare. On remarque en plus l’absence de serrure ou que les fils sont apparents dans l’habitacle, tout comme le moteur des essuie-glaces. Des essuie-glaces à manipuler avec un petit bouton poussoir, qu’il faut éteindre au bon moment sous peine de les laisser dans le champ de vision.
Avec un tel engin, on apprend à prendre son temps et adapter notre agenda au Patrol, pas l’inverse. Il faut plusieurs minutes avant de s’élancer, entre les possibles ratés à l’allumage au starter, ou le temps de chauffe. Ensuite, on prend également son temps lorsqu’il s’agit de décomposer les passages de rapports, pour éviter de craquer les engrenages (aïe !). Mais on prend aussi son temps à manœuvrer. L’absence de direction assistée donne du fil à retordre quand il s’agit de se garer, prendre un rond-point, faire demi-tour ou tourner dans une petite rue. Une journée derrière l’énorme volant, et l’épuisement nous guette. Heureusement – même si je suis resté en région parisienne – les gens restent tolérants avec nous. Ils sont même souriants et avenants. J’ai eu plus de réactions positives qu’avec d’autres essais d’exceptions.
C’est qu’il est beau ce Patrol ! Ça a beau être un cube, comme bien d’autres véhicules de cette période, je le trouve particulièrement joli. Son état exceptionnel et cette jolie combinaison de couleur le rendent en plus très attrayant. On apprécie tout particulièrement la capote en toile, mais aussi la roue de secours à l’arrière ou bien sûr les rétroviseurs posés sur les ailes avant. Et puis, il est pas mignon avec ses petits yeux ronds qui entourent l’imposant logo Nissan ? Vraiment, je vous encourage à regarder les photos avec attention pour y découvrir tout un tas d’autres petits détails sympathiques. Il en est rempli. En plus de ça, c’est une véritable expérience sonore. On apprécie la fermeture des portes bien rustiques ou même le moteur qui chantonne grâce à l’échappement juste sous nos pieds. Un peu moins lorsqu’il faut hurler pour se faire entendre sur départementale.
Côté performances sinon, ce n’est de toute façon pas un foudre de guerre. Malgré une puissance pas si mal pour l’époque, 145 chevaux sortis d’un bon gros 6 cylindres 4 L, et un poids raisonnable de 1,6 tonne. Il se montrera surtout mollasson au démarrage. Mais une fois la seconde vitesse enclenchée, il se montre assez réactif ; et on ne se sent plus gênant dans le trafic. En revanche, en dépit d’une vitesse de pointe annoncée à 125 km/h sur catalogue, on ne cherche plus ici à dépasser les 90 km/h. De toute façon, avec officiellement jusqu’à 7 personnes à son bord, 11 officieusement, on préférera rester à une allure raisonnable. Prendre son temps je vous disais !
En matière de feeling pur de conduite, j’ai été plutôt surpris par la direction qui, une fois passé les nombreux degrés de flou, se montre ensuite assez précise pour placer l’engin comme on l’entend. Quoi qu’il en soit, il n’est pas conçu pour arsouiller sur les petites routes de campagne. Si on ne devait pas se gêner au siècle dernier, la prise de roulis conséquente et le grip pas forcément des plus rigoureux, calment vite les ardeurs. Dommage, car avec cette fameuse deuxième vitesse (il y en a que 3…), le couple disponible très bas permet quand même de s’extirper d’une courbe avec un certain panache.
On ne dirait pas comme ça, tant les panneaux de carrosserie sont fins et les lignes simplistes, mais ce gros bébé ne fait pas loin de 2 mètres de haut. C’est plus que le tout dernier Land Rover Defender par exemple. On surplombe alors presque tout ce qui roule, avec un cockpit à la hauteur d’un chauffeur de bus. On apprécie cette vue périphérique qu’il nous offre, bien utile tant les rétros extérieurs semblent plutôt être là pour décorer. Le paysage est d’autant plus agréable à observer. Et puis tout simplement, on en impose !
Papy oblige, j’avoue ne pas avoir voulu tester ses capacités hors des sentiers battus. J’ai été seulement barouder le temps de quelques photos, rien qui pourra véritablement vanter ses qualités de franchissement. Toutefois en son heure, il a su rivaliser avec les plus grands, comme les célèbres Jeep ou Land Rover. Son châssis haut sur patte, son empattement réduit, ses portes à faux raccourcis au maximum, ses gros pneus : tout autant d’arguments pour en faire un vrai baroudeur. En passant dans des chemins, on le sent tout de suite à l’aise dans son environnement. Il n’est pas du genre à trop secouer les passagers et ce n’est pas quelques trous ou obstacles qui lui font peur. En prime, à l’image de certains 4×4 de maintenant, plusieurs leviers dans l’habitacle permettent alors de s’adapter aux conditions. De quoi le sortir de nombreuses situations délicates.
Vous rêvez d’en avoir un ? Le Nissan Patrol 60, est un modèle peu courant par chez nous. Il faudra sûrement s’armer de patience pour en dénicher un. Difficile en plus d’en établir une côte. Les quelques annonces que l’on peut trouver ici ou là, tout en doutant de leur authenticité, s’échelonnent entre 10 000 et 40 000 €. Le kilométrage, la configuration, et bien sûr l’état joueront un rôle très important dans le prix de vente. Et attention, il faudra l’assumer en plus ! Avec une consommation dépassant les 18 litres aux 100 km, du 98 de surcroît (tout en y ajoutant un additif régulièrement), il ne permet pas des vadrouilles très économiques.
Après un week-end en sa compagnie, on remarque bien les qualités des voitures modernes. En repassant dans ma petite Miata, le volant me paraît énorme, la pédale d’embrayage très molle, la pédale de frein très puissante et que dire du tout petit pommeau de vitesse très court… C’était vraiment du sport cet essai du Nissan Patrol 60, et pourtant on en demanderait plus souvent !
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Crédit photos Nissan Patrol 60 : Thomas D. (Fast Auto)