Je sais, les grands garçons ne pleurent pas (en théorie) et les blogessayeurs non plus. Mais on a bien vu de solides gaillards en cuir noir s’effondrer aux funérailles d’Elvis, de Johnny et d’Eddy Mitchell (quoi, il est encore vivant ?). Pourquoi n’aurais-je pas le droit de me sentir tout chose en voyant partir la Coccinelle, le symbole de toute une époque ? Hein, pourquoi ?
Un seul être vous manque et tout est dépeuplé. Cette phrase n’est pas de moi mais de Lamartine (1790 – 1869) et il avait déjà anticipé la fin de la Coccinelle, que l’on va appeler « Cox » dans la suite de cet article pour plus de facilité.
Franchement, ça vous plait, à vous, un monde peuplé de SUV gris foncé et dont la seule touche de fantaisie est apportée par des SUV gris clair ? Eh bien pas moi. Quand j’étais petit (confidence : je suis très vieux), à l’école, on kiffait en voyant des 2 CV vertes ; maintenant, la vue d’une Cox jaune ou rouge suffit à apporter un peu de gaité et de diversité dans nos rues !
Et puis la Cox, c’est un monument. On ne va pas vous refaire ici toute l’histoire, les quelques paragraphes de rigueur n’y suffiraient pas, et l’on trouve moult ouvrages plus érudits sur la question. Il n’empêche : la Cox, c’est 80 ans d’histoire, une naissance en 1938 sous le nazisme suivie d’une jolie pirouette qui lui a permis, contre toute attente, de se faire adopter hors d’Allemagne et de devenir une icône du cool dans les années 60 et 70, tandis que ses qualités (simplicité, robustesse) lui ont permis de perdurer et de survivre parallèlement à celle qui était censé l’enterrer, la Golf. Pensez donc : au moment où VW ressort la « New Beetle MkI » (1998), la « vraie » Cox était encore fabriquée telle qu’elle au Brésil.
Un phénomène
La Cox de première génération, c’est, accrochez-vous, 21 529 464 exemplaires construits (avec un pic de production en 1971 : 1,3 million d’exemplaires sortis cette année-là !), un cabriolet apparu dès 1948, une excellente réputation aux quatre coins du monde, une production au Brésil, Mexique, Afrique du Sud, Indonésie, Yougoslavie, Nigéria, Thaïlande, Irlande ; une carrière en compétition (on en a vu gagner leurs classes à la Baja 1000, en Rallyecross, à l’Armstrong 500 (Australie) et en Trans-Am aux USA, elle a donné ses organes à un genre nouveau (le Buggy sur les plages et la Formule-Vee sur les circuits) et son moteur à une moto (l’Amazonas 1600, au Brésil), sans oublier un dérivé sportif (le SP2 brésilien).
En pleine mode néo-rétro, Volkswagen a donc fait renaître le concept avec la New Beetle MkI, qui a connu un certain succès, notamment aux USA. Personnellement, j’ai un faible pour la seconde édition, celle qui nous concerne aujourd’hui (au point de vous avoir déjà livré un essai de la Cox Cab’ en version 1.4 TSI 150et dans sa finition haut de gamme Couture).
Et donc, sachez que depuis juillet 2018, les chaînes de l’usine de Puebla (Mexique) ont été réaffectées : il n’en sortira plus aucune Cox. C’est fini. Snif.
Pour marquer le coup, Volkswagen a lancé une série Ultimate Edition, limitée à 300 exemplaires, répartis de manière égale entre version « coupé » et cabriolet. Côté tarif, c’est assez salé, mais dites-vous qu’avec un peu de chance, ce collector tient de l’investissement : 33 990 € pour la 3 portes en 1.4 TSI 150 DSG7 et 36890 € pour le cabriolet avec le même moteur. Vous voulez plus de patate ? C’est possible : signez donc un chèque de 37 390 € pour la Cox 3 portes avec le moteur « façon GTI », le 2.0 TSI 220 DSG6, voire, dans le cas de mon modèle d’essai, 40 590 € en Cabriolet. Oui, ça fait une somme…
Evidemment, à ce prix-là, c’est bien équipé : on a la finition R-Line, avec des jantes de 18 (1.4 TSI) ou 19 pouces (2.0 TSI) et le kit carrosserie qui va bien, les phares bi-xenon, la sellerie cuir avec sièges avant chauffants, caméra de recul (pas un luxe vu la piètre rétrovision), le démarrage sans clé, les palettes au volant, les inserts en aluminium, et le toit panoramique sur la 3 portes. Pas si mal.
Des défauts ? Et alors !
J’en entends déjà râler (une spécialité bien française) : « oui, la Cox est construite sur des dessous de vieille Golf, l’intérieur est pas au niveau, tout ça ». Mouais. Et alors. Certes, la planche de bord est plutôt constituée de plastique dur, les cadrans du tableau de bord sont assez basiques (avoir une si grande jauge à essence, c’est un peu désuet), l’info-divertissement est un peu daté et l’on ne croule pas sous les aides à la conduite. Dedans, les sièges arrière ont un dossier très vertical, le coffre n’est pas gigantesque (et peu accessible), bref, c’est une grande auto assez peu logeable. Certes.
Et alors ! Il y a encore beaucoup de charme dans cette auto : j’ai apprécié la petite console de manomètres au-dessus de l’écran du GPS, pour la touche sport (le genre d’attention qui ne ferait pas de mal à une Ford Fiesta ST, par exemple), la capote électrique, rapide (et qui fonctionne jusque 50 km/h), les excellents sièges en cuir, la sono correcte. Et puis j’aime bien son look, gentiment bodybuildé.
La position de conduite reste très correcte, les roues de 19 pouces parviennent à ne pas trop dégrader le confort et, au quotidien, le seul souci sera d’avoir le compas dans l’œil, car avec ses formes arrondies, la Cox déborde un peu de partout et c’est parfois un peu stressant lors des manœuvres, même si on finit par s’y habituer. La DSG6 reste assez typé « éco » dans son fonctionnement, et a tendance à faire passer le rapport supérieur à un régime (trop) bas. Néanmoins, les 350 Nm de couple à 1500 tr/mn compensent assez rapidement et l’on peut toujours reprendre la main d’un coup de palette le cas échéant. Mais au quotidien, l’expérience de conduite reste assez soft d’autant que la boîte possède une fonction « roue libre ».
Je n’ai jamais considéré que l’on achetait une Cox pour la malmener façon Herbie. L’attaque saignante, non ; l’enroulage rapide, elle l’accepte volontiers, en dépit de quelques soubresauts latéraux ressentis sur les cassures, en appui. Le châssis reste sain, les 220 chevaux arrivent globalement à passer sur le bitume et les palettes sont plutôt efficaces. Vu la philosophie de l’engin, je trouve que ce 2.0 TSI 220 lui va bien, car il est doux à bas régime et permet de dépasser facilement, sans forcer, ou d’aller chercher un peu d’allonge entre deux virages, en partant du principe que l’on ne roule pas en Cox pour aller faire la chasse aux Subaru sur les routes de montagne… Avec ce moteur, la Cox a une belle et double personnalité : une certaine indolence, tout en étant capable, soudainement et en trompant son monde, d’allonger la foulée, subitement ; n’oublions pas que le 0 à 100 est quand même couvert en 7,1 secondes et que la vitesse de pointe, éventuellement anecdotique sur ce genre d’engin, est de 224 km/h. Mine de rien, ça dépote quand même…
Avec cette double personnalité, côté conso, c’est le grand écart : comptez 7,5 l/100 sur route en mode tranquille, et vite plus de 12 l/100 en s’amusant un peu. Mais ce n’est pas le genre d’argument qui fera que je ne la regretterai pas.
Bon, vous devez vous dire, Gab’, au lieu de pleurnicher, t’avais qu’à en acheter une, comme ça au board de chez VW, ils seraient dit qu’elle cartonne grave, la Cox, et ils ne l’auraient pas arrêtée… Désolé, mais j’ai fait ma part du job.
J’ai fait mieux que ça : je vous raconte pas ma life, mais des Cox, je n’en ai pas eu une. J’en ai eu cinq. Oui, cinq. Tiens, je vous montre même une photo de la dernière, entièrement restaurée en 2008 avec la même référence de peinture que la bombinette à la mode du moment, la Ford Focus ST. Cet orange pailleté contrastait à merveille avec les jantes noires, l’intérieur en skai noir, les rétros et pare-chocs noirs. Elle était terrible, non ? Je suis sincèrement triste… Et je continuerai à sourire, même intérieurement, quand j’en croiserai une dans la rue, quelle que soit sa génération. La Cox fait partie de mon histoire, de notre histoire à tous, fans d’autos…
Photos : Gabriel Lecouvreur