Essai Toyota GT86 Racing Blue Edition : la France m’a tuer

Malgré l’arrivée en 2018 des déclinaisons “Club Series” pour essayer de dynamiser quelque peu les ventes de son petit coupé adulé de la communauté “JDM”, Toyota peine à la tâche. Pourtant, le marché des propulsions à moteur avant de moins de 40 000 € reste désespérément vide d’alternatives et Mazda surfe sur la catégorie en disposant d’un avantage maître, un toit amovible. Comme si ce n’était pas assez compliqué, la fiscalité française assassine définitivement la GT86 avec un malus écologique de 10 500€ (+ une petite taxe à la puissance additionnelle de 500 €). Mais que reste-t-il donc à la japonaise mise à part une place d’honneur dans le cœur des passionnés ? La conclusion n’a jamais été aussi proche.

Chaud Wasabi

Les “Club Series” font la part belle aux équipements et surtout, aux configurations osées. Tandis qu’au Japon, la “British Racing Green Edition” est disponible à la vente, la France et plus largement l’Europe ont droit à l’édition “Racing Blue”, habillée d’une teinte Bleu Racing très voyante, de jantes 17 pouces noires et surtout du pack performance qui comprend des amortisseurs Sachs affûtés et un kit de freins Brembo aux petits oignons. L’aileron en finition noir mat vient finir l’ensemble et laisse suggérer une voiture aux performances de premier ordre. Le groupe moto-propulseur n’a pourtant pas évolué d’un seul cheval. Esthétiquement, le facelift intervenu en 2017 a fait énormément de bien à la ligne vieillissante de la GT86. Vous en aviez d’ailleurs déjà eu un premier aperçu ici. Une élégante signature LED acérée prend place au niveau des optiques à l’avant. Les anti-brouillard sont habillés de nervures en plastique tandis que le pare-choc avant ajoute deux “dents” au niveau de la calandre. À l’arrière, exit les feux blancs “Lexus” remplacés par des blocs rouges modernisés, à LED eux aussi.

La conduite avant tout

C’est notamment à l’intérieur que le poids des années se fait sentir, avec une instrumentation très typée “old school”. De nombreux boutons sur la console centrale, un affichage de l’heure et ses boutons de réglage dignes d’un four à micro-ondes du siècle dernier, un compte-tours et un tachymètre à l’affichage daté. Heureusement, Toyota a doté la GT86 dernier millésime du Toyota Touch&Go 2 qui apporte un soupçon de modernité à l’intérieur de cette fière japonaise. Mais ce ne sont que des détails, largement futiles pour la plupart d’entre eux. L’important, c’est la conduite, et n’importe qui le ressentira dès qu’il aura pu poser se fesses dans le siège semi-baquet, très moelleux soit dit en passant. La position de conduite tout d’abord. Le hasard veut que mon dernier essai en date avant cette GT86 fut celui de la Porsche Boxster 718 (à relire ici). Flûte mauvais exemple. Je reprends, si l’on exclut la 718, la GT86 truste sans aucun doute la première marche du podium dans mon classement des positions de conduite les mieux pensées. Siège, profondeur, largeur, hauteur et inclinaison du volant par rapport à la verticale, éloignement et longueur du levier de vitesses, position des compteurs. Le mélange est subtil et peu de constructeurs mêmes rompus à l’exercice parviennent à trouver l’alchimie parfaite pour vous sentir en confiance à 100% lorsque le moment de hausser le rythme sera venu. Le résultat est là, j’ai déjà l’impression de ressentir chaque extrémité du petit coupé japonais à peine installé. 

Atmo jusqu’au bout des jantes

Ce qui rend la GT86 si atypique dans le paysage automobile actuel, c’est essentiellement son moteur. Un 4 cylindres atmosphérique à plat, on n’en croise pas tous les jours. Pourtant, c’est uniquement par son architecture que ce dernier trouve réellement de l’intérêt. Un succès d’estime en somme. La sonorité si particulière se dévoile dès le démarrage. Je me rappelle très bien de mes premiers tours de roues avec cette voiture en décembre 2016 (à relire ici) et c’était la première chose qui m’avait frappé. Malgré un échappement peu présent (beaucoup trop peu), le moteur est largement audible depuis l’habitacle. Un générateur de bruit prend même le relais dès que l’on atteint les 3000 tr/min mais d’une manière si naturelle que bien peu sont à mon avis les conducteurs à l’avoir remarqué d’eux-même. Et pour être honnête également, je ne l’aurais pas remarqué non plus si l’on ne me l’avait pas dit. Ce manque de bruit, c’est vite réglé. Un silencieux inox et c’est parti. Néanmoins, on arrive maintenant au problème majeur de cette auto : le moteur. Comment ça ? Ne venais-je pas juste de vous dire que l’intérêt de la voiture résidait justement dans le moteur ?! Tut tut, relisez avec le doigt, j’ai uniquement parlé d’architecture. Un look ravageur, une couleur criarde, des étriers rouges, un béquet contrasté qui surmonte la malle arrière, bref, tout pour laisser à penser aux automobilistes qui vous entourent que la moindre pression sur la pédale de droite vous satellise tout droit jusqu’à Tokyo. Pas tout à fait, pas le moins du monde même. 7,6 secondes au 0 à 100 km/h, on a vu mieux. Oui mais voilà, un 2.0L atmo de “seulement” 200 ch pour 1230 kg à vide forcément… A titre de comparaison, Mazda argue avec son roadster favori abattre le même exercice en 6.6 secondes, pour une solution technique comparable, un 4 cylindres en ligne atmosphérique 2.0L de 184 ch. Je ne vous parle pas non plus du trou faramineux entre 2500 et 4000 tr/min qui vous oblige (bien que ça ne me dérange pas tellement, soyons transparent) à pousser les vitesses loin dans les tours pour ne pas retomber trop bas dans le compte-tours à chaque passage. 

Tu driftes ?

Ne nous arrêtons pas sur des considérations basées uniquement sur un ensemble de chiffres mis les uns après les autres, la GT86 est au dessus de ça et les dizaines de milliers de fans à travers le monde l’ont bien compris. Pourquoi ? Pour une raison bien simple et qui n’engage que moi : vous êtes là en présence de l’un des meilleurs châssis de série sur l’ensemble de la production automobile actuelle, qui mériterait (et vous l’avez sans aucun doute lu un peu partout depuis 2012) facilement 100 ch de plus pour être apprécié à sa juste valeur. Ce qui est encourageant, c’est que Toyota a affirmé que la nouvelle Supra offrirait un châssis au moins autant, sinon plus, efficace que celui de la GT86. J’en salive déjà d’impatience. Avec une telle débauche de style sur la “Club Series” je m’attendais à ce que le constructeur dote enfin son jouet de pneumatiques dignes de ce nom. Les Michelin Premacy, ça va un moment… Que nenni, l’argument avancé quant à ce choix technique pour faciliter le survirage dès la sortie du modèle en 2012 n’a apparemment pas évolué. Malgré tout, l’engagement à la conduite et le résultat obtenu reste à un niveau duquel bien des prétendues sportives aimeraient se rapprocher. La ligne droite, vous l’avez compris, ce n’est pas pour elle, et le moteur ne procure même pas la satisfaction de monter à 7000 tr/min pour gagner quelques précieux chevaux. Son credo, ce sont les enchaînements de virages rythmés, juste au dessus de 4000 tr/min de préférence. Le volant bien en main à 9h15, la joie qui se dégage de la conduite de la GT86 semble infinie. La direction est consistante, presque trop lourde pour le quotidien. Le roulis remarquablement inexistant permet de sauter de virage en virage, sans se poser de question, en enroulant de la plus belle des manières chaque amorce de courbe, comme si l’empattement de la voiture se réduisait à votre seul siège, sans une once de sous-virage ni de survirage. On comprend beaucoup mieux pourquoi plus de puissance rendrait l’expérience moins enivrante, un véritable scalpel, une recette aux ingrédients pesés au gramme près. 

Dernière danse

La GT86 est l’une des rares machines que l’on se plait à mener au bout tout en souplesse pour obtenir cette savoureuse sensation de précision. Faites en trop dans un sens ou l’autre et l’amorce de sous-virage se transformera en très légère dérive sur le sec. Après réflexion, c’est tout autant plaisant. A 38 200 €, ce serait presque l’affaire du siècle avec une petite ristourne. Oui mais voilà, la GT86 est en France une voiture presque morte née. Ses choix techniques ravissent au plus haut point de nombreux passionnés, mais pas notre cher gouvernement (quelque soit son bord d’ailleurs), bien que le ministère de la Transition écologique et solidaire accorde à notre cher petit coupé japonais une vignette Crit’air 1. Allez comprendre. 38 200 + 10 500 (malus) + 500 (taxe à la puissance) + 160 (taxe CO2 annuelle) = 49 360 €. Ça fait cher la voiture passion… Définitivement, “La France m’a tuer“.

Merci à Toyota France pour l’aimable prêt.

Crédits Photos : Maurice Cernay

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