Essai Porsche 718 Boxster : le snobisme en prend un coup

Une Porsche, c’est un flat-6 atmosphérique et rien d’autre. Moui, c’est un point de vue. Mais ce serait alors oublier la majeure partie de l’histoire de la firme de Zuffenhausen qui n’est pas née d’une flat-6 en porte-à-faux arrière, mais bien d’un flat-4 dans la même position. Tut tut, la comparaison s’arrête là. Je vois déjà les puristes se lécher les babines à l’idée du commentaire assassin qu’ils vont pouvoir me laisser à la fin de ces quelques lignes, hurlant au scandale en raison d’une comparaison maladroite entre la 356 et la 718 que nous connaissons aujourd’hui (car oui, il y en a bien eu une avant ça…). Bon, et si je la tournais cette fameuse clef à gauche du volant pour balayer bon nombre de préjugés ?

Un air de famille

On ne s’y trompe pas. L’amateur averti tout comme le premier passant venu reconnait au premier coup d’oeil le spécimen comme appartenant à la grande famille Porsche. Un long capot plongeant avec des ailes proéminentes dont les optiques avant épousent les formes à merveille, deux ailes arrières légèrement galbées abritant des entrées d’air pour alimenter le flat-4 et, une signature LED spécifique. Ah non, pas sur notre modèle d’essai qui ne dispose “que” d’optiques au xénon. Je suis allé faire un tour sur le configurateur en ligne avant d’écrire cet article. Pour un prix d’appel à environ 57 000 €, on peut tutoyer les 130 000 grâce une liste d’option longue comme le duplex de l’A86 parcouru à 20 km/h. Donc non, la 718 Boxster dont je dispose n’a pas les feux LED, mais elle a tout de même près de 20 000 € d’options… Nous y reviendrons plus tard.

Extérieurement, le 718 est en ce qui me concerne le plus réussi de la lignée Boxster. Porsche du pauvre dans les années 90 car sûrement trop proche stylistiquement parlant de la 911 Type 996, il propose aujourd’hui sa propre identité et crie haut et fort son appartenance à la grande famille des voitures à moteur central arrière. La ligne est simple, sans fioriture, très Porsche. La face avant est fine et moderne et emprunte juste ce qu’il faut à sa grande sœur à deux cylindres de plus. Le profil est réalisé d’un seul trait, pas besoin d’ajouter quelconque nervure, l’architecture technique oriente les choix de design dans le bon sens avec un équilibre rare. La poupe tranche avec un diffuseur imposant abritant la double sortie centrale spécifique à l’échappement sport (ici en finition argent) et des feux arrières foncés qui ne font qu’un avec le discret aileron sur lequel trônent fièrement les lettres “P-O-R-S-C-H-E”. 

À l’intérieur, même avec l’arrivée du 4 cylindres, la recette Porsche n’a pas bougé d’un millimètre. Vous aurez toujours en face de vous le légendaire compte-tours qui affiche d’ailleurs un début de zone rouge à 7 200 trs/min, prometteur. Les buses d’aération centrales entourent le chronomètre du “Pack Sport Chrono”, le volant trois branches affiche fièrement les couleurs de la marque avec un fin cerclage chromé et deux rangées verticales de boutons de part et d’autre du sélecteur de boîte PDK trahissent certaines options telles que l’échappement sport, le PASM (pour Porsche Active Suspension Management) ou encore l’aileron que vous pouvez déployer à la demande si l’envie vous en prend à 30 km/h dans les bouchons parisiens. Beaucoup de boutons, mais l’ensemble est ergonomique à ceci près que je n’ai pas trouvé de commande au volant (ou derrière) pour régler le son. C’est fou comme un si petit détail presque futile peut vous gâcher la vie (je sais, c’est un caprice). 

718 quoi ?

C’est vrai ça, ça vient d’où ? L’appellation 718 fait son apparition dans l’histoire Porsche dès 1957, lorsque la 718 RSK succède à la mythique 550. La recette est la même que la précédente, un 4 cylindres à plat en position centrale arrière. Tiens, ça ne vous rappellerait pas quelque chose ? Mais si bien-sûr. C’est bien en mettant en avant cette glorieuse référence que Porsche avait décidé de faire passer la pilule pour les puristes, nostalgiques du fameux flat-6 qui a accompagné le Boxster sur les générations 986, 987 et 981. Et du côté des performances, il y a de quoi être largement rassuré. Le 718 Boxster fait donc la part belle au 0 à 100 km/h (4,9 secondes avec la boîte PDK, et même 4,7 secondes avec le pack Sport Chrono) à l’aide d’un 2.0 L à plat turbocompressé développant 300 ch. C’est un minimum lorsque l’on prend en compte le poids de la bête qui atteint les 1440 kg à vide. 

Et toi tu roules en quoi dans Paris ?

Les bouchons sont avalés avec une facilité déconcertante. Le sélecteur de mode de conduite positionné sur Confort et la PDK qui gère le passage de vitesse, on en ferait bien son daily. Il ne manque rien, même Apple Car Play vous rappelle que vous êtes bien loin du côté spartiate d’une 4C entre autres (dont l’essai est à relire ici). La position de conduite est juste idéale, et c’est un vrai compliment venant de ma part, ma grande taille étant souvent un handicap dans ce genre de voiture. Je loge donc sans aucun soucis mon 1 m 84 dans le siège Sport, j’ai même encore bien 15 cm de marge en longueur et pratiquement 10 en hauteur pour arriver aux limites des réglages (manuels, ne vous y trompez pas). Le volant est quasi totalement vertical et la jante du volant plutôt plate. On se rapproche d’une position que l’on peut retrouver dans une voiture de compétition avec la possibilité d’allonger les jambes comme il faut et d’approcher le volant très près de soi. 1 ou 2 cm de plus en hauteur pour le volant et c’était carton plein. La vignette Crit’air 1 me rassure, la consommation moyenne de 15,7 l  / 100 kms laissée par l’ancien propriétaire un peu moins. Bon, c’est peu ou prou ce que j’avais pu faire avec la F-Type 2.0 L (essai à relire ici) avec un peu d’embonpoint en plus. L’autre point d’inquiétude, c’était la taille des jantes, empruntées tout droit de la grande sœur 911. 20 pouces sur un roadster, ça commence à faire. Que nenni, la tenue de cap tout comme le rebond sont imperturbables même à travers les nids de poules incessants du bois de Boulogne. Si avec tout ça vous ne lâchez pas votre grosse berline noire dont les places arrières n’ont vu que l’ombre d’un sac de courses, c’est que la monotonie aura eu raison de vous. 

Ode au central-arrière

Mon cher ami Régis s’est sûrement arraché quelques cheveux en lisant le paragraphe précédent. QUOI ? CE SALIGAUD PREND UNE PORSCHE POUR FAIRE DE LA VILLE ????!!!! Pas de panique Régis, il fallait bien que je m’extirpe de la périphérie parisienne pour atteindre mes lacets favoris. Et quels lacets… L’avantage d’un vendredi matin, c’est que sauf cas exceptionnel, la France (ou du moins une partie) est au travail. À vous les joies libérées du roadster, cheveux au vent, chevaux dans le vent. Le thermomètre affiche 0,5 degré. Pas grave, on décapote. Malgré ma taille et avec le filet anti-remous en place entre les deux appuies-tête, la fraîcheur se fait très discrète voire totalement absente, le soleil de ces derniers jours montant rapidement dans le ciel pour rapidement permettre de dépasser les 10 degrés. On va enfin pouvoir tourner la petite molette sur le volant vers le “S” qui me nargue depuis quelques heures maintenant. Le ralenti offre une sonorité beaucoup plus rauque, vraiment rocailleuse. En grossissant le trait, on reconnait le travail effectué sur la sonorité. Un dernier panneau de commune barré et à moi la liberté vers les 80 km/h. L’avantage, c’est que dans la région où je suis, il faut parfois avoir bien du mérite pour maintenir cette vitesse légale comme celle de croisière. Et sur une chaussée bien étroite, le Boxster s’avère vite être une arme redoutable. 

La répartition des masses 46/54 rend le train avant particulièrement précis et incisif, ne faisant pas uniquement honneur au “tout à l’arrière” que l’on reproche parfois aux voitures à moteur central arrière. La direction est consistante, juste dure comme il faut et on ne peut plus directe. Néanmoins un certain “filtre” empêche quelques remontées d’informations qui me permettraient de dire exactement où se situent mes roues avant. La prise de roulis quasi inexistante me surprend énormément, pour une configuration plutôt typée GT. Les sièges Sport sont d’un confort à toute épreuve et si mes lombaires sont parfaitement maintenues, mes épaules mériteraient un peu plus de maintien. L’ensemble châssis-boîte est tout simplement remarquable et on comprend vite qu’il peut encaisser plus, beaucoup plus, vraiment largement plus. De là à dire que le Boxster d’entrée de gamme manque un peu de puissance, il n’y a qu’un pas. L’ennui, c’est que les vitesses inavouables (81 km/h par exemple) sont rapidement atteintes et procurent beaucoup moins d’effet “wahouu” que dans une 4C par exemple. Peut-être parce que le Boxster est mieux fini et que l’on n’a pas l’impression de perdre une portière à chaque imperfection du revêtement. Le moteur, ce fameux moteur. En mode confort, il trahit un peu sa nature et me fait penser à la Toyota GT86 dont le moteur est d’origine….. Subaru ! LE spécialiste du Flat-4, ça par exemple. Et même si le bruit du turbo chatouillera en mal l’oreille du plus fin mélomane, le travail sur l’échappement a été suffisamment conséquent pour se dire que oui, la 718 Boxster a un joli bruit ! Ça grogne, ça pétarade au levé de pied et au rétrogradage mais surtout, ça pousse sans s’essouffler jusqu’à 7200 trs/min ! Et c’est sans aucun doute LE tour de force de Porsche sur ce flat-4, un vrai caractère qui lui est propre.

Amour de la tradition ou snobisme ?

Si le 718 Boxster d’entrée de gamme peut paraître pauvre en dotation de série, quelques options bien choisies comme sur notre exemplaire le rendent autrement désirable et surtout à même à la considérer à mes yeux, comme un véritable membre de la famille Porsche, et tant pis pour les puristes. Cochez sur le configurateur les cases “échappement Sport”, “Pack Sport Chrono” et “PASM”. Ajoutez CarPlay pour juste ce qu’il faut de modernité et la boucle est bouclée. La 718 est belle, admirablement suspendue, performante, bref : convaincante. Si l’occasion de prendre le volant d’une version encore plus affutée se présentait prochainement, croyez moi, elle irait en première place dans mon classement des voitures à essayer. Dire que la 718 est une mauvaise voiture uniquement en raison de l’abandon du flat-6 atmosphérique n’est pas un pur amour de la tradition, c’est du snobisme. Et c’est un amoureux des belles mécaniques qui le dit.

Crédits Photos : Maurice Cernay

Mes plus vifs remerciements à Olivia, Christophe et Porsche France pour ce prêt ensoleillé. 

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