200 ch dans une compacte, ça promet déjà un bel agrément sur la route. Mais que vaut vraiment cette Kia Cee’d GT dans un segment quelque peu encombré ?
Faut-il y voir un signe des temps ? Après avoir essayé pour vous une auto sud-coréenne qui affichait sans honte un niveau de luxe, de confort et d’équipement carrément impressionnants (ici), me voici au volant d’un engin de la même provenance mais à la vocation sensiblement plus épicée : la Kia Cee’d GT.
Les spécialistes de voitures sud-coréennes (il y en a, si, si, en témoigne le nombre impressionnant de posts ayant fait suite à l’essai de la Genesis) savent que Kia a d’abord sorti en 2013 cette GT en version Pro Cee’d, à trois portes donc, avant de la commercialiser dans cette version 5 portes cette année. Il s’agit donc d’autos techniquement identiques, la 5 portes apportant justement plus de polyvalence au quotidien.
Tous blasés ?
« Bof, ça manque quand même d’image, ton truc », me déclara un pote que je préfère garder anonyme. Pour moi, la pure définition de l’amitié, c’est lorsque l’on est capable de prêter son slip à un ami qui a froid, mais aussi, dans le cas présent, de gérer des désaccords, même si je fus un instant tenté de lui répondre cette réplique mythique des Tontons Flingueurs : « Les images, ça me faisait rire quand j’étais petite » (© Mme Mado / Georges Lautner & Michel Audiard).
Mais bon, là n’est pas le sujet, et ce pour deux raisons, outre le fait que je n’ai jamais été petite. La première est mécanique. Je trouve que sortir 204 ch et 265 Nm de couple d’un 4 cylindres 1.6 n’a rien de déshonorant (ni de transcendant non plus, en fait) : dans l’absolu, c’est quand même pas mal lorsque l’on regarde la moyenne du parc roulant autour de nous, quand même majoritairement composé de chaudières grisâtres qui puent. La Cee’d GT permet déjà de se situer au-dessus de la moyenne.
La seconde est esthétique : avant toute chose, une Kia Cee’d GT, c’est d’abord un look. Cette lèvre de spoiler rouge, le duo de quadruple leds, les belles jantes de 18 pouces avec étriers de frein peints en rouge, la double sortie d’échappement, le diffuseur arrière, tout cela lui donne une allure ramassée qui ne flirte pas trop avec l’ostentation ou la vulgarité et lui confère une personnalité distincte sans verser dans l’outrance. Finalement, en image, elle a de la gueule cette Cee’d GT.
D’ailleurs, si c’est le look qui vous plait, sachez que Kia va prochainement commercialiser la Cee’d avec la finition GT Line qui reprend tous les attributs esthétiques, et qui sera même disponible avec le break SW. Vous pourrez donc vous la pêter dans une auto bien lookée animée par un 1.6 CRDi de 136 ch et vous faire plaisir avec la nouvelle boîte à double embrayage DCT7. Elle est pas belle, la vie ?
Et comme le blogautomobile.fr, c’est la générosité incarnée, voici même une troisième raison, en bonus, ça fait plaisir : Kia fait partie du cinquième groupe mondial de producteurs d’automobiles. Alors, certes, la marque n’a pas gagné les 24 Heures du Mans en 1922 grâce à un tank à soupapes latérales, elle n’a pas battu de records au Nürburgring ni à Pikes Peak, elle ne vend pas du rêve, mais elle est dans un groupe qui écoule 5,5 millions de voitures par an, ce qui procure de la mobilité à des millions de gens qui ont une approche assez pragmatique de la chose et qui sont, on peut l’imaginer, globalement content de rouler dans ces autos. Il existe aussi des pays où le besoin d’accéder à la mobilité est plus important que le prestige d’une marque. Rappelons que la Cee’d, lancée il y a 9 ans, a été depuis construite à plus d’un million d’exemplaires dont 75 000 ont encore trouvé preneur en Europe l’an dernier. Pas si mal pour une auto qui “manquerait d’image” !
Dans la vitrine du magasin discount en bas de chez moi, il y a une pancarte : « venez pour les prix, revenez pour la qualité ». C’est peut-être ça la démarche de Kia avec la Cee’d GT : l’auto est un peu courte sur jambes pour aller affronter les ténors du segment, et l’on imagine mal un prospect hésiter entre, disons une Mégane RS Trophy et une Kia Cee’d GT. Mais on peut tout autant imaginer un client Kia venu chercher il y a quelques années une auto relativement modeste dont il a été très satisfait, et attendre aujourd’hui un peu plus de performances et de plaisir de conduite.
Plus cossu que soigné
En m’installant au volant, je trouve que l’ambiance intérieure n’est pas irréprochable mais comporte des éléments qui séduisent carrément, à commencer par les sièges sport Recaro en cuir et Alcantara®, épais, bien conçus et confortables. L’atmosphère se veut un peu sportive, avec par exemple un pédalier en aluminium, mais il faut admettre que les plastiques sont trop présents à bord et que la finition d’ensemble est assez moyenne. En même temps, Kia a la décence de nous éviter une avalanche de CarboPlast®.
On peut se consoler avec l’équipement de série. La Cee’d GT adopte en effet une politique « tout compris » qui aide à faire passer la pilule. Sièges et volants chauffants, navigation avec écran tactile couleur de 7 pouces, toit ouvrant, démarrage sans clé, radar de parking arrière et caméra de recul, feux au xénon directionnels, régulateur / limiteur de vitesse, téléphonie Bluetooth®, climatisation automatique bizone, contrôle de pression des pneumatiques, connectique Aux, USB et iPod. Bref, on n’est pas lésé sur la marchandise, même si on aurait pu s’attendre à un système d’aide au maintien de ligne ou un stop & start. Il y a quand même deux logiques d’affichage au tableau de bord.
La classique :
Et le GT Mode :
(cette photo a été réalisée par des professionnels dans un environnement fermé, contrôlé et répondant aux normes ISO 9001 & 14001. Ne tentez pas de la reproduire : ceux qui ne suivent pas cette consignent attestent de leur déficience mentale. L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. Aucun animal n’a été blessé lors de ce tournage. Si vous connaissez personnellement Chantal Perrichon, ne lui montrez cette photo qu’en présence d’un défibrillateur ou d’une petite liqueur de prune. Dans le cas contraire, blogautomobile.fr décline toute responsabilité).
Perso, je préfère ce mode-là, que je trouve plus lisible. Vous aurez remarqué les deux rangées de diodes sur les côtés, affichant la pression du turbo et le couple utilisé. Dans la pratique, quand on enquille, on n’a pas vraiment le temps de les regarder… Et la jauge à essence qui dispose d’un tiers du tableau de bord, ça fait quand même un peu old school et pas très sportif.
Homogène. Saine. Marrante ?
Quand on sollicite le 1.6 turbo, les performances, si elles ne lui permettent pas de se distinguer dans la catégorie des compactes sportives, n’ont rien de déshonorant pour autant. À 3 ou à 5 portes, c’est pareil : comptez le 0 à 100 bouclé en 7,7 sec et 230 km/h en pointe. Et hop, elle dégage loin dans le rétro la bétaillère mazoutée !
Au volant, cependant, n’attendez pas de sensations vraiment épicées. Ni dans le feeling des commandes, de la direction, de la sonorité, rien ne donne véritablement dans le sensationnel. Ce qui pourrait sembler décevant lors d’un petit run où l’on regarde ce qu’elle a dans le ventre se transforme en une autre catégorie de sentiments au fil du temps. La Cee’d GT ne se livre pas comme ça !
Au fil du temps, je me suis trouvé agréablement surpris d’être bien à son volant. Je note : un confort ferme mais sans excès. Un silence de fonctionnement tout à fait correct avec des bruits de roulement et d’aéro contenus. Des commandes qui, si elles n’offrent pas de précision chirurgicale, n’ont rien de flou non plus. La Cee’d GT privilégie une certaine forme d’efficacité discrète à l’esbroufe, d’autant que la dotation généreuse procure un confort qui s’apprécie dans la durée.
Les reprises font état d’un 60 à 100 km/h en 4ème en 5,4 sec, ou encore de 80 à 120 km/h en 6ème en 8,8 sec. Subjectivement, ça reprend un peu mieux que le Nissan Juke Nismo RS (218 ch) que j’ai essayé récemment. Le 4 cylindres est évidemment hyper souple et sa rondeur et sa disponibilité lui permettent d’éviter bien des changements de rapports. Dans les faits, si le couple maxi est annoncé dès 1750 tr/mn, le coup de boost se fait sentir à partir de 3500 tr/mn, avec une montée en régime qui ne faiblit pas jusqu’au régime de puissance maxi, à 6000 tr/mn.
La Cee’d GT est une auto bien élevée. N’attendez pas d’elle qu’elle se jette sur des points de corde comme s’ils avaient insulté votre sœur. Elle donne le meilleur d’elle-même en enroulant de manière souple voire rapide, sans être trop brusquée. Il n’empêche qu’à force de jouer avec, j’ai découvert qu’elle savait gentiment enrouler les courbes de l’arrière au lever de pied, sans se montrer piégeuse, restant facile à contrôler au coup de gaz et au contre-braquage. Mais tout cela reste un peu filtré : on ne sent pas l’auto vivre pas toutes les pores de son corps.
Le détail qui tue ?
Même si Kia s’en défend, la Cee’d GT est en concurrence avec une offre pléthorique, celle de la famille des « compactes à vocation sportive faisant au moins 200 ch et aux environs de 30 000 €, à quelques biftons près ». Pour n’en citer que quelques-unes : Alfa Romeo Giulietta QV, Golf GTI, Ford Focus ST, Honda Civic Type R, Peugeot 308 GTI, Seat Leon Cupra, Skoda Octavia RS…
La Cee’d GT vaut 29 490 € (plus la peinture spéciale « blanc sensation » de notre modèle d’essai, à 690 €, une option qui à mon avis vaut le coup) : financièrement parlant, elle est donc dans la partie basse de l’offre qui peut vous demander 5 à 6000 euros de plus, ce qui correspond aussi à son niveau de puissance. Hélas, trois fois hélas, c’est aussi le tarif de la Ford Focus ST, bien plus performante et expressive (essayée pour vous ici et là).
Coup dur pour la Cee’d GT, qui peut toutefois mettre dans la balance son équipement plus que complet et sa garantie de 7 ans, argument imparable pour les anxieux.
La Cee’d GT est donnée pour 7,4 l/100 de conso moyenne mixte (correspondant à 171 g de C02 / km et donc 2200 € de malus), alors que j’ai fait tout juste 10 l/100 dans la vraie vie, avec un mix équitable ville / route / autoroute sur plusieurs centaines de kilomètres, sans me priver de jouer de temps en temps.
Aujourd’hui ou demain ?
Kia a déjà annoncé des évolutions pour la Cee’d GT modèle 2016. De nouvelles jantes font leur apparition, l’intérieur est un peu plus soigné avec un volant à méplat, le bouton « start » passe en couleur métal (et non pas noir comme sur la GT 2015 et le reste de la gamme), les boutons de lève-vitre reçoivent une finition alu, un générateur de son activable au bouton « GT Mode » sur le volant confère une ambiance plus sportive, ce qui sera le bienvenu pour affirmer le caractère de l’auto. Coté mécanique, l’arrivée d’un nouveau turbocompresseur n’empêche pas la puissance de stagner à 204 ch, ce qui paraîtra toujours juste aux yeux de certains : il y a quand même un double (quoique quand même assez léger) bénéfice, avec un temps d’accélération qui gagne 0,1 sec sur le 0 à 100, désormais donné à 7,6 s., et des émissions qui baissent de 171 à 170 g de CO2 par km. Je serais assez curieux de savoir comment ils calculent ça. Dernière chose : en option, la Cee’d GT pourra opter pour des disques de 320 mm (au lieu de 300) et ainsi réduire sa distance d’arrêt de 36,4 à 35 mètres à 100 km/h.
Certes, d’aucuns pourront la trouver trop chère ou pas assez performante, ou encore lui reprocher d’avoir un positionnement entre deux chaises. À l’issue de cet essai, j’ai découvert un nouveau concept : celui de la sportive raisonnable hyperéquipée qui démontre à l’usage de vraies qualités routières. Et je voudrais apporter ma contribution à la question de l’image qui en taraude toujours certains, avec ce document qui est une exclusivité interplanétaire :
(la Kia Cee’d GT est capable de suivre des Lamborghini sur l’autoroute !)
(l’envers du décor !)
Pour conclure, il y a certaines autos qui vous déçoivent et d’autres qui ne vous parlent pas, ou si peu, ainsi qu’une dernière catégorie, celles dont vous n’attendez pas grand-chose avant de vous dire que, tous comptes faits, vous pourriez vivre avec parce que qu’elles sont nettement mieux que ce à quoi vous vous attendiez. La Kia Cee’d GT est de celles-là. Et franchement, c’est plutôt une bonne surprise.
Photos : Benoît Meulin & GL.