L’actualité des enchères : RM Sotheby’s Arizona 2018

Dans un marché devenu fou ces dernières années, il est toujours intéressant de se pencher sur les résultats des ventes des grandes maisons. Et cela, d’autant plus que lesdites maisons se retrouveront toutes dans 2 semaines à Paris pour ce qui s’annonce être un millésime de grande qualité. C’est donc en guise d’apéritif que je vous propose de revenir sur la dix-neuvième édition des enchères “Arizona” de RM Sotheby’s qui se sont déroulées la semaine dernière aux Etats-Unis. Welcome to the desert. 

Les valeurs sûres

Le fonds de commerce des grandes maisons passent par un catalogue incluant des lots qui attireront les enchérisseurs, permettront de rentabiliser l’événement, mettront des étoiles dans les yeux des passionnés. Cette sélection de six lots en fait partie.

La Porsche 959 est un classique appelé à le rester, vendue 1 160 000 $. Il est intéressant de noter que cet exemplaire est bien immatriculé aux USA ce qui est notable. La voiture n’ayant pas été importée à l’origine, rares sont les 959 à se trouver outre-atlantique, une poignée sur les 450 produites, bien moins que la proportion habituelle livrée là-bas des autos de cette catégorie.

Au même niveau de prix, un peu moins d’un million de dollar, cette Bugatti EB110 a pour particularité de n’avoir connu qu’un seul propriétaire depuis sa livraison en 1995 et d’être également immatriculée aux USA. C’est largement mis en avant par RM Sotheby’s : immatriculer une voiture aux USA ne semble pas être chose facile lorsqu’elle n’est pas homologuée selon les normes bien particulières qui règnent là bas.

Toujours autour du million, cette Tucker 48, une totale découverte pour moi. Américaine jusqu’au bout des jantes, elle a appartenu au fondateur de la marque et à un membre de la famille Rockefeller par la suite. Les ailes, les chromes, le troisième phare au milieu de la calandre, les détails stylistiques sont légions sur cette auto. Le prix, délirant dans l’absolu, se comprend un peu mieux surement pour un américain ou un authentique passionné de l’automobile américaine.

Mêmes remarques pour la Auburn Eight Supercharged Speedster que l’on croit sortie tout droit des romans de Francis Fitzgerald. Gatsby pourrait apparaître à vos côtés à tout moment s’il n’était pas tragiquement décédé. Pas moins de 800 000 $ pour espérer rêver.

On achève cette catégorie par deux Ferrari que tout semble opposer mais qui ont plus en commun que l’on ne le croit au premier regard. La F12tdf ne nécessite pas de présentation particulière. Notons simplement que cet exemplaire bénéficie de multiples options et d’une peinture Tailor Made bleu ciel avec des touches de drapeau français américain. Livrée neuve à San Diego, elle l’est encore puisqu’elle n’a roulé que 200 miles. Autant dire que son acquéreur original aura du mal à commander la prochaine série limitée du cheval cabré après cette belle opération financière. La vente à 1 325 000 $ devrait lui permettre de couvrir les frais d’achat, options comprises et lui offrir de quoi acquérir une 911 Turbo toute neuve avec options en cadeau prime.

La 212 Inter par Ghia n’est clairement pas la plus élégante des Ferrari première période, avant les 250. En revanche, cette carrosserie est un modèle unique, livrée neuve au président argentin Peròn, vainqueur de prix à Pebble Beach en 2002. Pouvant à nouveau y concourir, tout à comme à la Villa d’Este, c’est une magnifique bête à concours (dommage de ne pas citer Chantilly… comme quoi, il y a encore du travail pour gagner sa place, si quelqu’un me lit chez Peter Auto, on est avec vous !). Vendue moins chère que la TdF, on peut y voir une excellente affaire sur le long terme.

Les surprises positives

357 000 $ pour cette très belle Ferrari 575M Maranello, plus de 2 fois le prix de la 550 vendue le même jour. La grille en H de la boîte manuelle fait une nouvelle fois des miracles. Tant mieux pour ceux qui ont sur rester un peu traditionnels à l’achat !

428 000 $ pour la Porsche 993 Carrera RS en pack Club Sport : c’est sans conteste la Porsche qui monte de façon sensée. Rare, faisant partie de la famille des 993, refroidie par air pour un son unique, version hard core pour puristes, la RS s’installe doucement mais sûrement en haut de la liste des 911 les plus intéressantes en collection.

28 800 $ pour un bout de métal formé, cela paraît cher. Quand on sait qu’il s’agit d’un vrai morceau de 250 GTO, finalement, c’est presque raisonnable pour posséder un bout de légende. La tôlerie finira-t-elle dans un salon ou servira-t-elle de pièce de rechange pour un des 33 propriétaires de GTO 62 ? Car oui, elle  pourrait le faire, RM l’affirme dans son catalogue. C’est pratique l’art utile.

Deux Toyota pour finir. Un Land Cruiser de 1979 vendu 72 800 $ ! Refait à neuf (voire plus que neuf), cet exemplaire suit le chemin de ses congénères Range Rover et Cie dont les prix des beaux exemplaires initiaux montent franchement ces derniers temps. Pas fan des SUV, je demeure perplexe mais il en faut pour tous les goûts. Quand à la 2000GT, cela fait maintenant plusieurs années qu’elle est de plus en plus recherchée. Très rare (351 exemplaires), quasi introuvable aux USA (la plupart sont au Japon et en Europe), ceci explique probablement les 665 000 $ à débourser. Certaines ventes ont dépassé le million de dollars pour celle que nombreux considèrent comme la japonaise la plus intéressante de l’histoire.

Les surprises négatives

Négative prendra ici deux significations : des montants décevants ou déraisonnables selon moi.

La Ferrari 458 Spéciale A est la dernière V8 atmosphérique de la marque. Limitée à 499 exemplaires, il n’est pas illogique de voir sa cote progresser bien qu’elle soit encore assez récente puisque présentée au Mondial de Paris en 2014. Mais 626 000 $, c’est tout de même une très grosse somme pour une voiture de cette catégorie même si celle-ci est quasi neuve. J’en profite pour m’insurger sur le nombre de voitures acquises il y a quelques années et qui présentent à peine 1000 km au compteur à la vente. Des acheteurs sans passion : accumuler ne peut raisonnablement justifier de ne pas s’en servir un minimum, je doute que les occasions manquent. La spéculation sur les autos, je n’aime pas ça !

Côté bonnes affaires ou revers de tendance, on trouve la Porsche 997 Speedster et l’Aston Martin DBAR1 Zagato. Elles sont toutes deux extrêmement rares (respectivement 250 et 99 exemplaires). Pourtant, à 280 et 335 000 $, je trouve que les derniers enchérisseurs ont eu le nez creux sur ces deux là. Sans conteste collectionnables, éligibles aux concours des prochaines années, bénéficiant de caractéristiques propres incontestables et d’un dessin fort en personnalité, ces deux voitures pourraient perdre peu de valeur, voire pas du tout, même en cas de retournement brutal du marché.

Les invendues

Avez-vous remarqué ? Cette sélection ne contient que des modernes ou pas encore tout à fait classiques. Un point commun entre toutes ces voitures : elles possèdent une petite particularité qui peut rebuter l’acheteur. Elles sont aussi probablement sur-côtées.

La Ferrari 430 Scuderia, standard et magnifique à l’extérieur est habillée de cuir blanc à l’intérieur. Cela peut en rebuter plus d’un (moi y compris). Le modèle n’étant pas exceptionnellement rare, elle est donc restée sur le carreau.

La Lamborghini Murcielago Roadster est une boîte manuelle, c’est recherché, mais estimée à minimum 375 000 $, c’était peut-être un peu trop gourmand.

La Lamborghini Aventador LP-720 50th anniversary est une édition limitée offrant 20 chevaux de plus, quelques éléments aérodynamiques et des couleurs exclusives. Cela en fera très probablement un modèle mieux valorisé dans 10 ou 20 ans mais en demander 450 000 $ en estimation basse, c’était à coup sûr trop gourmand. Certes, cet exemplaire était quasi neuf (700 miles) mais, pour moitié prix, nombreux sont ceux qui se satisferont des 740ch d’une Aventador S neuve configurée à ses goûts.

Impossible d’en obtenir une neuve pour cette dernière invendue. La Ferrari 512TR est probablement la version préférée de la Testarossa : plus harmonieuse que la version originale, mieux motorisée et ne souffrant pas du désamour stylistique de la rare 512M. RM Sotheby’s et le vendeur ont tout misé sur la configuration rare et élégante, peinture noire et cuir marron pour en demander un prix hors de toute réalité. Une estimation basse à 200 000$, soit 50% de plus qu’une 512TR rouge intérieur noir peut être moins originale mais aussi nettement plus facile à revendre. Il aurait suffit d’un acheteur me direz-vous mais encore fallait-il qu’il soit là.

La star

Pour qu’une vente attire le riche chaland, il lui faut une tête d’affiche. Cette fois-ci, RM Sotheby’s a visé haut, très haut mais peut être un peu trop finalement. En proposant une des cinq authentiques Jaguar Type D construites en 1954, celle pilotée par Sir Stirling Moss aux 24 Heures du Mans cette même année, les commissaires priseurs pouvaient s’attendre à une enchère record. Disons le de suite, c’est raté. Estimée entre 12 et 15 millions de dollars, la Type D n’aura pas vu le marteau frapper, faute d’un prix de réserve atteint. Pourtant, son historique est limpide, l’aura de la voiture certaine. Rappelons ici que Jaguar remporta 4 années de suite les 24 Heures du Mans dans les années 50. De quoi donner quelques sueurs froides pour les très gros lots de notre car week ? Il n’est pas impossible que les commerciaux s’activent en coulisse pour assurer le succès des ventes…

Crédit photos : RM Sotheby’s et ses photographes attitrés (rmsothebys.com)

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