Suite et fin de nos entretiens chez DS, après Arnaud Ribault (Directeur Marketing et Ventes Mondiales) hier, nous vous proposons un rendez-vous avec Eric Apode, ancien président de CAPSA (la JV Changhan-PSA) et désormais Directeur Produit, Développement et Rentabilité de la Marque DS.
Eddy et moi avions de nombreuses questions à poser mais le temps était compté : je vous propose donc la retranscription de l’échange. Je vous laisse mettre en perspective les propos du jour par rapport à ceux de la veille pour que vous vous fassiez une idée du futur de DS, désormais marque premium de PSA.
Eric E. : On a l’impression que les produits DS 4 et DS 5 sont assez peu soutenus, faute d’animation de gamme. N’est-ce as préjudiciable face à une concurrence premium établie et qui se renouvelle ?
Eric Apode : C’est quelque chose qu’il faut qu’on corrige sur la forme plus que sur le fond. Sur ce salon, nous avons plein de nouveautés, et, vous avez raison, on ne communique pas assez dessus. Aujourd’hui, nous avons sur le stand une voiture qui est absolument incroyable, la DS 5 HYbrid4, 200 chevaux, traction intégrale, je roule avec tous les jours, c’est un produit formidable, on n’en parle pas assez. On a également DS 5 BlueHDi 180, avec un moteur de 400 Nm qui est incroyable, sans parler des modifications récentes sur le plan des liaisons au sol, on a aujourd’hui une voiture extrêmement confortable. On apporte beaucoup de modifications sur nos voitures mais nous n’avons peut-être pas assez communiqué dans notre réseau. Il est vrai que l’on n’en a pas assez parlé. De même sur DS 4 avec l’arrivée des nouveaux moteurs comme le PureTech, bientôt suivi du e-THP 165 chevaux, absolument remarquable. On a désormais les bi-tons sur DS 4. Il y a plusieurs nouveautés sur ces deux gammes mais dans la mesure où 60% de nos ventes se font sur DS 3, on a probablement eu tendance à se focaliser dessus. La DS 3 est mieux établie sur le marché. D’ailleurs on a fait très fort sur ce salon avec le nouveau regard DS 3 et ses 3 modules LED, en plus de l’effet tridimensionnel des feux arrière dont nous sommes très fiers, on tient quelque chose de très fort. On a également apporté l’Active City Brake dans la gamme DS 3. Alors c’est vrai, je vous l’accorde, nous devons faire mieux en termes de communication sur DS 4 et en particulier notre flagship, DS 5, une voiture formidable, le summum. Pour rien au monde je ne l’échangerai. [Je ne fais que rapporter].
E² : Renault et Ford lancent leur griffe haut de gamme sous la forme d’Initiale et de Vignale. Comment le percevez-vous et comment positionnez-vous DS par rapport à leur stratégie ?
E.A. : Moi, ça me fait plaisir de voir que l’on est précurseur, nous avons lancé la ligne DS en 2010 et notre succès est fantastique. C’est une source d’immense fierté au sein des équipes de PSA. Voir que ça titille d’autres constructeurs nous fait doublement plaisir. Carlos Tavares, quand il était chez Renault, était particulièrement impressionné. On m’a rapporté qu’il prenait DS en exemple à cette époque à de nombreuses réunions. Avec cette passion énorme pour l’automobile, c’est un moment de bonheur de travailler avec lui et ce n’est pas une surprise si sa première décision au sein de PSA a été de créer la marque DS.
E² : A ce propos, la marque DS s’émancipe de Citroën et se construit. Il n’y a pas eu beaucoup d’exemples similaires de création de marques par le passé. Je serais toutefois tenté de la comparer à Lexus qui a réussi à se différencier avec l’hybride : sur tous les marchés où Lexus était faible, cette technologie leur a permis de se renforcer et d’asseoir sa notoriété. Concernant DS, quelle(es) serait(ent) la ou les technologies ou facteurs différenciant pour être un vrai marqueur ?
E.A. : J’ai beaucoup de respect pour ce que Lexus a fait, j’observe avec beaucoup d’attention ce que font Infiniti ou Acura. On n’a pas cherché à faire un me too de Lexus ou Mercedes. Nous avons d’une part l’héritage de la DS de 55, on est très attaché à cette histoire, à Citroën, c’est vraiment une fierté pour nos salariés. On ne construit pas une marque sur une pure stratégie marketing, on ne crée pas une marque premium de toute pièce. Nous nous positionnons clairement dans la suite de la merveilleuse histoire des DS et des SM. On ne crée pas une marque, nous poursuivons un héritage, c’est un important point qui nous différencie, nous cherchons à continuer une belle histoire. Nos valeurs, ce n’est pas forcément de la technologie au sens de l’hybride de Lexus ou des gros moteurs de Mercedes. Nous avons 4 socles. D’une part, le style et l’avant garde, il suffit de voir une DS 3 ou un e DS 5 à l’intérieur ou à l’extérieur, c’est unique. C’est le génie français, c’est un peu la continuité du Concorde ou du TGV, c’est une voiture sans nulle autre pareille. La seconde chose, c’est Technology With Staging Effet, la théâtralité de la technologie, on ne mettra pas forcément d’argent dans des technos qui ne se voient pas. Je parlais tout à l’heure des feux et projecteurs de DS 3, le cuir bracelet de montre que personne avant nous n’avait fait, c’est juste incroyable, bien que difficile à réaliser, on essaie de faire des choses théâtrales, matérialiser ce génie français. On insiste aussi sur le raffinement des matériaux, c’est très important pour nous. Nous utilisons par exemple du cuir semi-aniline sur DS 5 ou DS 3, c’est le cuir le plus cher de la planète, en dehors d’Aston martin, peu de marques l’utilisent, mais nous nous sommes dit qu’il nous le fallait parce que DS symbolise le luxe à la française. Le concept Divine DS en est une illustration : comment est né ce concept ? Nous avons dit à des créatifs « lâchez-vous afin de célébrer la naissance de la Marque ». Nous présentons trois intérieurs différents, des axes de réflexion osés, avec des broderies, des cristaux, des choses incroyables. On ne fera pas forcément des choses comme ça en série, mais il fallait marquer les esprits. Je fais les salons depuis 25 ans, personne d’autre ne peut en dire autant. Et le dernier point sur lequel on insiste beaucoup, c’est le confort. Le confort, ce n’est pas simplement avoir une suspension confortable. C’est aussi le silence à bord, se sentir à l’aise, l’ergonomie, la facilité de conduite, que le client se sente fier. On n’est pas sur une technologie particulière bien que nous en ayons à l’image d’HYbrid4, mais on cherche à se positionner sur ces quatre points, dans la lignée de l’héritage de DS. A ce propos, il faudrait que nous vous fassions parvenir l’excellent livre de Renaud Roubaudi… [L’attachée de presse le coupe, le livre n’ayant pas été cautionné par Citroën : Renaud, puisque tu nous lis, merci de nous l’envoyer directement à notre adresse…].
E² : Y a-t-il un risque d’être perçu comme une Citroën avec un joli cuir, ce qui est plus ou moins le cas de DS 4 selon moi ?
E.A. : Non, clairement, je ne pense pas. Le positionnement de DS et celui de Citroën sont très complémentaires. Regardez notre stand, il résume bien notre histoire avec une 2CV rouge et une DS. On ne réinvente rien : nous avions d’un côté une gamme populaire avec les 2CV, les GS et une gamme luxueuse qui était totalement dingue ; je pense qu’il n’y a aucun risque. Au contraire, tous les gens de DS sont fiers de savoir que ça vient de Citroën, ce n’est pas incompatible. Nous mettons les choses en place et continuons à travailler ensemble. Ce n’est pas une scission, c’est un mouvement naturel qui va dans le bon sens et qui a pour objectif que l’on pousse encore DS sans faire de tort à Citroën. A titre personnel, j’adore la Cactus, je pense que je vais être client, c’est vous dire.
E² : Votre poste a également trait à la rentabilité. Celle-ci passe par la pérennisation des clients. Par rapport aux marques allemandes qui soignent énormément la relation client, qui pérennisent leurs gammes de produits, le client peut-il avoir l’assurance que sa DS 5 sera remplacée par une DS 5, idem pour les autres modèles, un peu comme un client de Série 3 a la certitude de retrouver une Série 3 dans le futur ?
E.A. : Je ne peux bien évidemment pas vous révéler les futurs modèles, ce que je peux vous dire, c’est que l’on va doubler la gamme, comme l’a annoncé Carlos Tavares. Nous passerons d’une gamme de 3 modèles à une gamme de 6 modèles, cette gamme sera mondiale. DS 3 aura naturellement une suite, par exemple. [Le temps file et le créneau qui nous est accordé touche à sa fin]. J’espère que nous aurons l’occasion n’en reparler à un futur salon.
Merci Beaucoup.
Photos : Eddy P.
Merci à Marie Lagisquet, Florentin Deleuze et Eric Apode pour cet entretien.