Alors que l’édition du salon Rétromobile a fermé ses portes dimanche dernier, retour en images sur une exposition qui a bien failli ne pas avoir lieu, Covid oblige.
Nous avions quitté la Porte de Versailles en février 2020, discutant de ce virus pas encore bien compris qui semblait avoir déferlé sur la Chine sans toutefois être officiellement massivement présent en France. Il était pourtant bien déjà là : l’édition 2021 n’y a pas résisté, elle fut annulée. En 2022, les organisateurs de Rétromobile ont longtemps joué avec les journalistes pour finir par annoncer un report de 6 semaines, pariant sur un reflux de la vague et une levée des sanctions. C’était plutôt bien vu, le salon a ouvert ses portes sans obligation de porter le masque. En revanche, décaler une participation n’est pas chose facile et de nombreux habitués ont tout simplement annulé leur venue. Parmi les principaux absents, citons Lukas Hüni, Fiskens, Girardo, DK Engineering, Axel Schuette, Movendi et quelques autres. La plupart des français étaient là, seul Kidston ayant répondu présent pour les grands internationaux.
Rétromobile 2022 aura donc été une édition que l’on qualifiera de modeste si on la compare aux feux d’artifice que furent 2019 et 2020. Nous avons été habitués à une telle profusion de merveilles. Il serait toutefois malhonnête de ne pas reconnaître la qualité intrinsèque de cette édition à taille humaine.
La vente Artcurial, contrairement à RM Sotheby’s et Bonhams a pu gérer le décalage et a rempli une bonne partie du premier étage. Ce fut un petit plaisir de pouvoir faire le tour de l’exposition dans un espace nettement plus vaste, laissant chaque voiture respirer, un vrai bonus par rapport aux années précédentes. Côté lots, la collection monégasque de 4 supercars Ferrari (plus 599 GTO et Murcielago) a monopolisé les regards. Le prototype de la Bugatti 57 Atlantic, “Aérolithe” n’a pas été vendu mais la qualité de la réplique, sur une base d’authentique Type 57, a été soulignée par l’ensemble des spécialistes. Je ne cache pas la satisfaction de revoir une Ford RS 200, voiture un peu oubliée par la plupart de nos contemporains. Je termine sur ce sujet par la Venturi 300 Atlantique, rarissime GT française, partie à 110.000€ (avant frais). La cote reste raisonnable pour ce petit morceau d’histoire de l’automobile sportive hexagonale à l’élégance imbattable. C’est moins vrai pour la McLaren Elva, neuve, qui n’a pas trouvé preneur au prix de réserve. Mauvais signe pour la concurrente de la Ferrari Monza.
Quant au salon lui-même qu’en retenir ? Chacun, comme d’habitude, aura sa vision et ses coups de coeur. Les miens ne seront probablement pas les plus originaux alors je commencerai par un petit coup de gueule.
Sur le stand de l’Atelier des Coteaux, on pouvait admirer une originale Ferrari 212 Inter Vignale, un exemplaire à la carrosserie atypique, 80 exemplaires construits mais seulement 7 avec cette configuration Spider. C’est toutefois sur le même stand que trônait une fantastique Porsche 911 GT2 Evo. Elle aura été admirée par beaucoup et on ne peut que reconnaître l’excellent travail sur cette auto. Mais… l’Atelier présentait à tous, clients potentiels y compris, cette voiture comme une mise à niveau “Evo” sur la base d’une 911 GT2, la version course de la 911 GT. Sauf que… le numéro de châssis ne peut pas mentir : la base est une simple 993 Turbo de 1996. C’est assez malhonnête non ? C’est ça aussi Rétromobile, des marchands pas toujours parfaitement transparents sur la nature réelle des voitures qu’ils présentent (assez peu grave) ou vendent (nettement plus grave si l’acheteur n’est pas accompagné d’un spécialiste dans sa quête)
Trèves de ronchonneries, intéressons-nous désormais aux coups de coeur. Le stand commun GTC et Eleven Cars sera le premier. La collection Guickas mettait en avant quelques pépites de Maranello : une 312PB, une Daytona très spéciale et une 512 BB LM côtoyaient les plus classiques GT du marchand du Ve arrondissement.
Carjager présentait deux Porsche intrigantes : une 997 GT2 dans une livrée verte très originale et une 968 Turbo S, version exclusive produite à 13+1 exemplaires. Celui-ci est le numéro 0, le prototype. L’Aston Martin DB6 n’était pas moins remarquable dans une teinte rose poudré du plus bel effet.
Parmi les grands stands, alors que Citroën présentait trop de gamme récente, Renault a parfaitement joué le jeu avec la célébration du 50e anniversaire de la R5. Coloré, pastel et varié, le stand de la marque était un réel plaisir régressif. Même le concept car de la future version électrique était parfaitement assorti.
Quant à Lamborghini, outre la traditionnelle carrosserie de Miura en rénovation (est-ce toujours la même ?), le Polo Storico nous a fait le plaisir d’emporter la Countach LP500 dans ses bagages. Pour la petite histoire, le prototype original de la Countach a été détruit lors d’une séance de crash test. Il était pourtant très différent du modèle de série : intérieur futuriste, periscope fonctionnel, plein de petits détails esthétiques et moteur V12 de 5 litres. Autant de caractéristiques que la première LP400 a abandonnées. Un riche collectionneur a donc demandé à la marque de recréer ce jalon majeur de l’histoire des supercars. Le résultat est sublime, il a dépensé sans compter. Bien que la voiture soit roulante et son V12 fonctionnel, elle ne sera jamais immatriculée et courra les concours et salons du monde entier.
Impossible de ne pas finir ce court tour d’horizon par le stand de Kidston Motorcars. Le marchand est un récent habitué de Rétromobile (première présence en 2019). Immense spécialiste de la Miura, notre ami Simon l’est aussi de la McLaren F1. Nombreuses semblent-être les transactions sur l’un des 100 exemplaires survivants qui passent par les soins de son entreprise. Je ne vais pas une nouvelle fois vous faire la réclame de la F1, j’emprunte les mots de Kidston prononcés lors de la soirée d’inauguration ” la GTO de l’ère moderne”. Bon, ce n’est probablement pas de lui mais finalement, c’est un parfait résumé.
Tout ceci pour rappeler qu’il y avait pas moins de sept F1 sur le stand. Pour les vénaux, comptez grosso modo 150 millions de dollars. Pour les passionnés de numéros de chassis, comptez 007, 025, 053, XP56 GT, 16R et 25R. Pour les mordus de versions, seule la LM manquait à l’appel. Les visiteurs ont pu admirer des F1 “normales”, une GTR, une GTR Longtail et une F1 GT.
Le stand abritait un petit musée, laissant les badauds admirer quelques manuscrits du sorcier sud-africain à l’origine de la voiture mais aussi un moteur complet, un set de bagages et la guitare signée F1 de Georges Harrisson (oui, le Beatle), commanditaire du châssis 025. Côté people, XP3 a longtemps appartenu a Gordon Murray et 007 à Simon Kidston lui-même. XP 56 GT a été cédée l’an passé par McLaren, en quête désespérée de cash depuis trop longtemps.
Voilà. Je pourrais probablement vous parler des heures de ces McLaren, autant que le temps que j’ai passé sur le stand à simplement les admirer. Mais bon, Rétromobile, c’est un peu plus que cela, nous avons donc rendez-vous tout début février 2023. Selon toute vraisemblance, cette future édition devrait retrouver toute la grandeur des années 2010.
Crédit photos : Regis Krol, Pierre Clémence