Essai : Citroën C5 X. La sagesse ≠ la vieillesse

Un nouveau porte-drapeau chez Citroën ? Voilà de quoi attiser la curiosité. Est-elle bizarre, est-elle innovante, est-elle charismatique ? Plus que tout ça : la C5 X est sage. Et c’est un compliment.

Je ne sais pas si vous vous rappelez de Avez-vous déjà vu, une pastille télévisuelle diffusée sur M6 courant 2006 -et accessoirement une de mes madeleines de Proust. Un des épisodes s’intitule Avez-vous déjà vu…un mec qui se plaint tout le temps ? et je trouve que, si vous connaissez un citroëniste (pire encore, un porschiste, mais ce n’est pas le sujet), vous avez de fortes chances d’en avoir effectivement déjà vu un. Alors forcément, quand la C5 X est arrivée, ça a été “oh noon, elle n’a pas de diesel”, “oh nooon, elle est fabriquée en Chine”, “oh noooon, elle n’a pas de suspensions hydropneumatiques”, bref, invariablement, ça se terminait par “c’est pas une vraie Citroën”. Je pense qu’on peut tirer un peu plus de cette voiture.

Déjà, à quoi elle ressemble, cette C5 X ? Le communiqué de presse annonce, je cite, “un design audacieux combinant l’élégance d’une berline, le dynamisme et la praticité d’un break avec les attributs de protection et de robustesse d’un SUV“. Bien, mais ça risque de faire beaucoup pour une seule voiture, non ? En vrai… Ça va. J’aime vraiment beaucoup l’avant, moderne, plein de charisme et d’assurance, dont la filiation avec la C4 est évidente (allez, pour chipoter, je trouve dommage que le clignotant éteigne les deux barrettes des phares alors qu’il n’utilise que la barrette supérieure). Le profil, élancé, profite du long capot et des énormes roues -19″ pour tout le monde !- pour tirer son épingle du jeu. Je suis peut-être un peu moins emballé par l’arrière, moins expressif, où on sent que les designers ont dû faire avec pas mal de contraintes : devoir placer un hayon bas et large dans une poupe voulue la plus fuyante possible impose fatalement quelques concessions (vous ne lui trouvez pas un air de famille avec la BMW Série 6 Gran Turismo ?). Ah, et je trouve que le blanc nacré lui sied mieux que le “Bleu Magnétique”.

L’intérieur est plus intéressant. Enfin, sauf la planche de bord assez insipide ; il faudra simplement parler de l’écran central “nouvelle génération”, fluide et réactif. Je l’ai découvert avec la Peugeot 308, je l’ai un peu plus bidouillé pendant les essais de la DS 4 et j’arrive à pas trop mal me débrouiller sur cette C5 X, preuve de sa facilité de prise en main. Non, c’est le reste qui est bien plus important, à commencer par les sièges avant. Ces p’tits gars inaugurent la nouvelle version des sièges Advanced Comfort au moelleux sublime, dorénavant massants et ventilés ; de quoi se sentir encore un peu plus à l’aise.

On recule d’une rangée, nous voilà sur une banquette arrière disposant d’un espace aux jambes absolument phénoménal, malgré un empattement pas si dingue que ça (2.78 m, autant qu’une 508 et 11 cm de moins que la DS 9), tandis que les têtes ne devraient pas trop cogner au plafond. On parlait tout à l’heure du style de l’arrière qui devait faire avec un grand hayon, on en mesure les avantages à l’ouverture du coffre : un seuil plat et bas, des parois rectilignes et une capacité de 545 litres sous tablette grimpant, les sièges basculés (formant un plancher plat comme il se doit), à 1640 litres. Si vous dites que la C5 X n’est pas habitable, vous serez un gros menteur.

Allez zou, les présentations sont faites, il est temps de prendre la route. Pour la première boucle d’essai, j’ai jeté mon dévolu sur la version hybride rechargeable de 225 ch. Une version qu’on commence à connaître par cœur, que ce soit chez Citroën, Peugeot ou DS, mais qui ne nous a jamais déçu. Pour rappel, on a droit à un 1.6 L essence de 180 ch couplé à un moteur électrique de 110 ch, lui-même alimenté par une batterie de 12.4 kWh -une évolution de cette motorisation, dotée d’une plus grande batterie (15.6 kWh) et portée à 250 ch, a été présentée il y a peu chez DS, mais elle n’est manifestement pas à l’ordre du jour ici.

Là où cette version hybride devient intéressante, c’est qu’elle est d’office couplée à la suspension Advanced Comfort “maison” à butées hydrauliques progressives…pilotée ! Ainsi, trois modes (Confort, Normal et Sport) sont disponibles pour, au choix, relâcher ou tendre les amortisseurs en temps réel. Et ça rend bien. La C5 X est confortable. Mais genre

C O N F O R T A B L E

quoi. Et quand je dis “confortable”, je ne dis pas “archi mou” : il y a toujours un maintien de caisse bien appréciable. En mode Confort, c’est sublime : la voiture ondule au-dessus des tracas de la chaussée. Le mode Normal offre une synthèse parfaite ; le mode “Sport”, par contre, donne de quoi s’amuser : tout se rigidifie et la grosse Citroën devient cet objet étonnamment à l’aise dans les virages. On ne parle pas d’une Mégane RS, hein, mais le roulis est extrêmement bien maîtrisé, et les vitesses de passage en courbe pourraient en étonner plus d’un.

Et la motorisation hybride suit. En mode électrique bien sûr, on profite de la grosse quarantaine de kilomètres d’autonomie pour se laisser porter par le silence et l’absence de vibrations – notons, d’ailleurs, que la C5 X est étonnamment maniable en ville, avec une direction toute légère à basse vitesse et un rayon de braquage très appréciable. Le reste du temps, les relances sont efficaces avec un 0 à 100 km/h expédié en 7.8 s et l’isolation acoustique de très (très très) haut niveau, que ce soit au niveau des bruits d’air ou du moteur, fera de cette grande Citroën une merveilleuse machine à enquiller les bornes. Comme celles avant elle, au final !

Petites observations en vrac concernant les voyages, d’ailleurs : j’ai pu faire une quinzaine de bornes à l’arrière et, si l’expérience n’est pas aussi magistrale qu’à l’avant (probablement dûe à l’absence des mousses “Advanced Comfort” dans la banquette), on y est quand même vachement bien. Concernant les aides à la conduite, j’ai été un peu déçu du régulateur adaptatif un peu trop violent dans ses freinages en embouteillage et par le fait qu’il continue de freiner pendant le dépassement d’une voiture plus lente devant nous. Ah, et si vous avez des lunettes de soleil polarisantes, investissez dans des verres normaux, sans quoi vous passerez à côté de nombres d’informations projetées dans la vision tête-haute, pour le coup vraiment complémentaire de la (petite) dalle derrière le volant.

Second jour, seconde boucle, cette fois-ci avec le PureTech 130. J’ai spécifiquement demandé à avoir le plus petit moteur possible (entre les deux, un PureTech 180 est dispo) pour deux raisons : savoir si 130 ch c’est suffisant pour animer une grosse auto, et également pour voir comment se débrouille la suspension “normale”. Pour la première partie, oui, 130 ch c’est suffisant. Déjà parce que la C5 X est globalement légère (1 418 kg, c’est tout à fait raisonnable), ensuite parce que le bloc est suffisamment vaillant pour assurer des insertions et des dépassements tout à fait corrects. La boîte a certes une tendance à étouffer un peu le moteur à régime stabilisé mais n’hésitera pas à tomber un ou deux rapports lorsque le besoin s’en fait sentir. Il faut juste pondérer ces résultats en prenant en compte que, à part mon auguste personne et mon sac à dos, la voiture n’avait rien à déplacer. Il faudrait évidemment voir ce que ça donne avec la famille et les bagages à bord mais, encore une fois, les augures sont optimistes. Côté conso, j’aurai consommé 6.4 l/100 km pour cette version essence, tandis que l’hybride s’était contentée de 4.8 l/100 km, les deux après avoir parcouru deux boucles très variées de 120 km.

Et ses suspensions, alors ? Disons que j’ai été bluffé. Cette suspension passive n’a, de par sa nature même, qu’un seul réglage disponible ; l’avantage, c’est qu’on n’a finalement pas vraiment besoin d’autres. La synthèse retenue entre l’absolu confort et le rigoureux maintien de caisse est assez dingue. Concrètement, la C5 X ne se vautre pas dans les virages serrés mais garde un moelleux assez inégalable sur les imperfections de la route. On arrive au point où on se demande si les suspensions pilotées sont vraiment utiles, mais Citroën nous répond…qu’on n’a pas la choix : elles sont fournies d’office sur l’hybride, tandis que les essence font uniquement avec les passives. Mais bon, elles ne perdent finalement pas grand chose.

On arrive à la fin, c’est l’heure de la tarification. Citroën propose sa C5 X à partir de 32 900 € (+ un petit malus de 230 €) pour une finition Feel en PureTech 130 et pousse jusqu’à 49 550 € (- 1000 € de bonus) pour une hybride 225 ch en Shine Pack -entre nous, oubliez la version Feel qui ne propose pas les sièges Advanced Comfort, ce serait dommage de passer à côté. Concernant la concurrence, c’est un peu compliqué avec l’arrêt de l’énorme majorité des breaks chez les constructeurs ; on peut l’opposer à une VW Passat SW qui commence à 44 550 € avec un essence de 150 ch et qui ne propose de l’hybride rechargeable qu’à partir de 54 770 € (avec une dotation similaire à celle de la Citroën), ou piocher chez Skoda avec la vieillissante Superb Combi démarrant à 38 740 € avec le même essence 150 ch que la Passat et l’hybride à 45 580 €. Pour conclure avec tous ces chiffres ennuyeux, retenons une chose : la C5 X est bien placée sur son micro-marché.

C’est quoi, la sagesse ? D’après le Robert, elle désigne “la modération et la prudence dans la conduite“. On aurait tôt fait de raccrocher cette notion à des choses timorées, tièdes, modérées, aseptisées, en un mot : chiantes. Des trucs de vieux, quoi. Et la C5 X (comme à peu près toutes les grandes Citroën), elle pourrait facilement cocher toutes les cases de la “voiture de vieux” : elle prône le confort avant tout, le style ne casse pas des briques, les moteurs sont raisonnables, bref, elle ne dégouline pas la passion.

Seulement voilà, j’ai une définition bien plus méliorative de la sagesse : quelqu’un de sage, c’est quelqu’un qui sait ce qu’il vaut, quelqu’un qui sait ce qu’il veut, quelqu’un qui a fait la paix avec lui-même, quelqu’un à l’aise dans ses bottes. Être vieux n’implique pas d’être sage, et tous les sages ne sont pas forcément vieux. C’est ça, le truc : la C5 X n’est pas une voiture de vieux, c’est une voiture de sages. Et je trouve ça hyper cool.

Crédits photos : Jean-Baptiste Passieux

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