Essai Caterham Seven 340R : tant qu’on rêve encore

Avec l’arrêt de la commercialisation de la Seven 275 il y a quelques mois de cela, Caterham avait laissé un vide abyssal entre la teigneuse Seven 170 munie du 3 cylindres Suzuki de 84 ch et la Seven 485, équipée quant à elle du 2.0 L Ford Duratec fort de 240 ch. Le 7 novembre dernier, la firme de Crawley en Angleterre lève donc le voile sur la nouvelle Seven 340, destinée à combler ce manque et récupérant au passage le fameux 2.0 L dégonflé à 170 ch. Et si c’était elle la Seven idéale ? Essai de la 340R.

Voilà sans doute l’un des articles les plus difficiles à rédiger de ma “carrière” tant je sais qu’il sera scruté à la lettre par l’exigeante mais attachante communauté d’amateurs Lotus & Caterham. Ce petit monde gravitant autour de quelques groupes d’amateurs connus à l’instar du Club Lotus France, de l’association Sevener ou encore l’association Superlights au sein desquels vous, propriétaire de Seven, serez sans aucun doute le bienvenu, n’aura aucune pitié à mon égard au moindre raccourci, à la moindre approximation, bref à la moindre erreur concernant l’objet de leur passion. Mais de quel objet parle-t-on au fait ?

La course pour tous

Telle était la volonté première de Colin Chapman, ingénieur de génie, créateur de la marque Lotus et ardent défenseur du “Light is right”. C’est en 1957 que la Lotus Seven première du nom fait son apparition, héritière d’une lignée de voitures simplistes dont la Mk6 utilisant un châssis tubulaire en acier et une carrosserie entièrement en aluminium est la plus proche inspiratrice. La Seven S1 est à l’origine équipée d’un moteur Ford de 40 ch et est un véritable fourre-tout de la production automobile de l’époque : moteur et boîte Ford, carburateur Solex, pont arrière rigide Austin Healey, ailes de motos, bref, une voiture de bricoleurs. La Seven subira tout au long de sa carrière sous la marque Lotus de nombreuses améliorations techniques mais la recette de base reste identique. En 1973, Caterham Cars qui était devenu distributeur exclusif du modèle depuis 1957 rachète les brevets à Lotus et devient officiellement propriétaire du nom Seven, qui subsiste aujourd’hui. 

Et la 340R alors ?

J’y viens. À ne d’ailleurs pas confondre avec la Lotus 340 R, qui tire d’ailleurs son nom de la promesse initiale faite par Lotus : un rapport poids/puissance de 340 ch à la tonne. C’est également de ce raisonnement que provient l’ensemble des appellations des Caterham Seven modernes, signe encore des liens étroits entre les deux marques britanniques, Caterham ajoutant d’ailleurs un “5” à la fin des nombres pour différencier les versions homologuées EU. Règle qui semble d’ailleurs passée aux oubliettes depuis la présentation de la 170. Ne cherchez pas de logique dans tout ça, il n’y en a pas. Comme n’importe quelle Seven désormais, la Caterham 340 se décline en deux versions distinctes S et R. La première étant destinée à un usage routier, la deuxième affichant volontairement son caractère plus extrême pour aller tâter de la piste. Pour ce faire, en plus de la dotation de série, Caterham greffe à la Seven 340R (pour 1500 € H.T. supplémentaires) : un différentiel à glissement limité sur le train arrière, des jantes Orcus 15 pouces montées en pneus Avon ZZS semi-slicks, des suspensions “Sport”, un tableau de bord en carbone, des sièges baquet en composite secondés de harnais 4 points et enfin le “black pack” à vocation purement visuelle.

En plus de ces éléments distinctifs, Caterham propose à l’instar d’une marque allemande bien connue une liste d’options longue comme le bras faisant rapidement évoluer la note finale. On retrouve ainsi sur notre modèle d’essai particulièrement bien équipé : une peinture Orange métallisée (Orange Ballistic ?), le 7 sur la grille de calandre peint, le nez en carbone avec le museau contrasté, les ailes avant & arrière en carbone, les rappels de clignotants avant en carbone, le saute-vent en carbone, les sièges baquets en carbone, les planchers bas, des jantes Apollo 13 pouces, le chauffage, les phares avant à LED, le volant Momo en suédine extractible ou encore le coupe-batterie. Tous ces éléments ajoutent environ 11 000 € H.T. d’options à notre Seven 340R, soit un total d’environ 57 000 € H.T., soit plus de 68 000 € TTC sortie d’usine, avant frais de transport / mise à la route et malus/carte grise. Autant dire que le précepte de “la course pour tous” a été abandonné depuis très longtemps chez Caterham.

Passion et compassion

La passion, c’est définitivement le sentiment qui s’exprime le plus à travers les échanges que vous aurez l’occasion d’avoir à bord d’une Seven. Que ce soit de la part d’amateurs éclairés ou de simples badauds stupéfaits de vous voir vous balader dans cet engin de mort par une fin de mois de novembre fraiche et humide, chaque arrêt/pause permet d’entamer un bout de discussion avec tout le monde et personne à la fois. D’un simple pouce levé à 30 min passées à discuter avec un passionné à la sortie du troquet trouvé à la hâte pour déjeuner, les réactions sont innombrables mais pour 99% positives. 

Et la compassion dans tout ça ? C’est sans doute la période qui veut ça mais il faut admettre que me voir m’extirper difficilement du cockpit, les cheveux en bataille après avoir retiré mon casque intégral et laissant apercevoir les 4 couches de vêtements chauds m’aidant à affronter les éléments, ça ne vend pas du rêve. C’est pourtant bien du rêve dont on a besoin pour rouler à bord d’une Seven dont j’ai pour ma part rêvé de nombreuses années avant d’enfin sauter le pas à la fin de l’été dernier. C’est donc en connaissance de cause que j’appréhendais cette essai, modulo le surplus de puissance et les pneus fort peu adaptés à la saison en comparaison avec ma frêle 165. 

La Seven a donc très peu de secrets pour moi. Y monter et en sortir ? Facile, d’autant plus avec le volant amovible et les planchers bas. Les harnais 4 points ? De la rigolade une fois ajustés à mon gabarit. Le talon-pointe ? Il semble inné vu le position du pédalier (chaussures adaptées obligatoires). L’absence d’aides ? Là je faisais tout de même moins le malin par 9 degrés et un air de gras-mouillé permanent sur les routes parcourues durant cet essai. Le tout est de rester humble et conscient de son niveau, ce qui m’a parfois fait défaut durant cet essai je dois l’admettre, tant les sensations grisantes vous prennent aux tripes. Comme disent certains : t’y fous l’cul, t’es foutu.

À consommer avec modération

Une Seven est faite pour rouler, limer du bitume à n’en plus finir, attaquer en permanence, bref, à réserver à un usage et une clientèle bien spécifiques. Ceci étant dit, ce n’est pas parce que vous semblez réussir à manier une Seven que vous en êtes le maitre absolu. Le moindre excès d’optimisme vous le rappellera et pourrait même vous le faire payer très (trop) cher le cas échéant. C’est donc avec humilité que que je démarre cet essai, en faisant connaissance avec la bête qui n’est pas sans m’intimider quelque peu. Au démarrage, le Duratec se réveille à la manière d’un moteur de compétition : on entend le démarreur toussoter quelque peu puis un petit sursaut mécanique qui permet au moteur Ford de se réveiller en jouant des vocalises; instables avec un ralenti tressaillant légèrement, mais des vocalises tout de même. Les premiers kilomètres sont assez brutaux, je récupère la 340R un vendredi soir en région parisienne, avec des routes détrempées. Le différentiel mécanique fait un sacré boucan à bas régime/faible vitesse, la direction est sacrément lourde pour les manoeuvres à moins de 10 km/h, les rétroviseurs microscopiques deviennent carrément anecdotiques avec l’humidité et les reflets des phares des autres, le harnais me contraint lorsque je veux me retourner pour vérifier mes angles morts, bref, être arrivé vivant à la maison tiens du miracle. Rien à dire en revanche sur l’éclairage frontal à LED, c’est puissant et efficace. 

Le lendemain, c’est une toute autre histoire qui nous attend puisque j’ai la journée devant moi pour enfin laisser la 340R s’exprimer. Et elle ne demande que ça à en juger par les premières montées en régime effectuées avec parcimonie au regard de l’humidité de la chaussée. Les conditions météo ont un avantage : les routes sont désertes. Je prends doucement mes marques et me surprends rapidement à aller taquiner le rupteur autour de 7500 tr/min en fond de 2. Les départs arrêtés n’ont d’effet que le patinage des roues arrières mais une fois la 2 enclenchée, les pneus semi-slicks Avon ZZS semblent accrocher suffisamment au bitume pour continuer de mettre godasse. 3ème, je suis déjà hors la loi. Les montées en régime se font dès lors beaucoup plus linéaires, moins violentes. Arrive enfin la 4, longue comme un jour sans pain. L’étagement de la boite à 5 rapports associé au pont d’origine semblent sacrifier les 4ème et 5ème vitesses, sans doute une histoire de consommation/rejet de CO2/(insérer ce que bon vous semble). Toujours est-il que dans le sinueux, on aurait volontiers accueilli une boîte plus courte, avec un rapport de plus, bien que le maniement de cette boite 5 soit un modèle à bien des égards : débattement & verrouillage des rapports au poil, de quoi vous donner envie de jouer du levier à longueur de journée.

Sur sol mouillé, la Caterham Seven 340R engage volontiers le train arrière, de manière plutôt prévisible et surtout assez intuitive. Assis sur les roues arrières, la moindre dérive se ressent immédiatement dans le fessier, parfaitement calé au fond des baquets en carbone, sanglé à la voiture grâce au harnais 4 points. Gare toutefois à la reprise de grip, parfois violente. L’absence d’assistance au freinage peut dérouter mais si vous en êtes conscient, l’application du dégressif doublé d’un talon-pointe permanent est un véritable bonheur à effectuer. Il vous faut taper fort sur la pédale du milieu, mais je peux vous garantir que ça freine fort lorsqu’on le demande.  L’exercice de la conduite rythmée de cette Seven 340R par ces conditions est l’un des plus pédagogiques qu’il soit. Chaque mouvement doit être décomposé, effectué dans un ordre très particulier pour que cette Caterham vous le rende comme il faut. Un coup de volant en lâchant le frein trop tôt et c’est le sous-virage assuré. Relâchez la pression sur la pédale de droite trop brusquement une fois la dérive entamée et la reprise de grip se fait immédiate. Un regard fuyant dans un virage et la Seven vous emmène droit là où vos yeux se sont posés. Il convient donc d’être académique et surtout pragmatique : je ne suis pas un pilote. C’est cette prise de conscience nécessaire et vitale qui doit se rappeler à vous à chaque instant au volant de cet engin. Je me suis surpris en fin de journée à hausser le rythme, encore et encore alors que l’humidité retombait. Des petites glissades provoquées de plus en plus fréquentes, un rythme de plus en plus soutenu et si possible en haut du compte-tours, bref, un excès d’optimisme grisant certes, mais qu’il convient de vite réfréner. 

Oser ou ne pas oser ?

Je pourrai continuer à vous parler des heures de cette Caterham Seven 340R tant mes doigts tapant sur le clavier semblent ne plus vouloir s’arrêter. Néanmoins, si l’on devait résumer cet essai en quelques lignes, les voici. Malgré une envolée tarifaire presque déraisonnée, la Seven 340 (S ou R) reste pourtant LA sportive raisonnable par excellence dans notre monde présent : 148 gCO2/km et un malus 2023 de 1276€ pour des performances dignes de bien d’autres sportives sévèrement imposées. Ligne intemporelle, faiseuse de gens heureux, école de pilotage à elle seule, objet de passion et de rêve pour beaucoup d’entre nous, pour ma part en tout cas. La Seven semble immortelle à l’heure où les autres sportives disparaissent du paysage les unes après les autres mais seulement tant que l’on rêve encore. Car il faut être un sacré rêveur pour oser passer le pas. Moi c’est fait, et vous ?

Quelques chiffres

Dimensions : 3100x1580x1090
Poids à vide : 493  kg
Volume coffre :  90 L
Volume réservoir :  36 L
Consommation mixte annoncée (WLTP) :   6.1 L/100 kms 
Rejet CO2 moyen annoncé (WLTP) : 148 gCO2 / km 
Moteur : 4 cylindres atmosphérique 1999 cc
Puissance max combinée : 170 ch à 7250 tr/min
Couple max : 174 Nm à 6000 tr/min
Vitesse max : 209 km/h
0 à 100 km/h : non communiqué

Merci infiniment à Caterham Cars ainsi qu’à SV Automobiles pour l’organisation du prêt.

Crédits Photos / Vidéo : Maurice Cernay

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