Une nouvelle compacte, c’est une auto que l’on est amené à voir à chaque coin de rue. Surtout quand elle est élue « Voiture de l’Année ». Essai de la nouvelle Opel Astra.
Golf, Focus, Megane, 308 et consorts : voici les principales figurantes du créneau des compactes, qui représente carrément une vente sur 5 en Europe. Un bon gros gâteau à propos duquel Opel n’est pas disposé à laisser sa part. Et vient même d’augmenter la portance de la pelle à tarte grâce au titre envié de « Voiture de l’Année » 2016, qui fait normalement office d’accélérateur de dividendes.
Cette récompense n’est pas chose inhabituelle pour Opel. Ouvrons ici une de ces rubriques « augmente ta culture générale et épate tes amis lors d’un prochain barbecue grâce au Blogautomobile.fr » avec la liste des créations de Rüsselsheim ainsi honorées : Kadett (1985), Omega (1987), Insignia (2009) après une longue période de vaches maigres, Ampera (& son binôme la Chevrolet Volt, en 2012). Ce qui leur fait 5 titres depuis 1964, création du concours. Pas mal.
En même temps, la nouvelle Astra jouait sur du velours. Je m’explique : l’Europe étant devenu un continent régressif à bien des égards, je ne voyais pas vraiment le jury élire une voiture de bourgeois (BMW Série 7, Volvo XC90 ou Jaguar XE) en ces temps troublés d’austérité. Ni mettre en avant une auto toute entière dédié au plaisir de conduite (la Mazda MX-5, dont un article généalogiquement actif vous sera bientôt présenté sur le blog), alors que toutes les formes de pouvoir et autres bouffons perrichonophiles s’échinent à nous faire culpabiliser d’aimer conduire. Même de manière responsable. Et voter pour la Skoda Superb, clone certes réussi de la Passat titrée l’an dernier, aurait démontré un sérieux manque d’imagination du jury (mais voter pour une Superb TDI en plein Dieselgate, ça aurait été couillu).
L’Opel Astra Voiture de l’Année, c’est donc un choix politiquement correct, qui ne remet cependant pas en cause les qualités intrinsèques de l’auto. Et au moment de faire le choix d’une version d’essai, j’ai moi aussi fait un choix politiquement correct, l’air du temps diabolisant le Diesel et valorisant le downsizing. Bienvenue donc à l’Astra 1.0 Ecoflex, avec son petit 3 cylindres essence de 105 chevaux.
Cure de minceur
Un petit 1.0 dans une compacte, ça pose question. En même temps, j’étais pas super inquiet, ayant carrément apprécié ce moteur lors d’un essai de l’Adam Rocks (ici, même si sous le capot de la citadine ce bloc s’appelle Ecotec), et ayant déjà poussé l’expérimentation vers d’autres limites, avec la Mondeo 1.0 Ecoboost (essai : là), et j’avais même trouvé plutôt touchante cette grande berline placide mais pas dénuée de personnalité.
Seule énigme : pourquoi les gens d’Opel mettent une version 115 ch de leur 1.0 dans l’Adam, et le dégonflent ensuite à 105 ch dans l’Astra ? C’est pas super logique… En même temps, on a aussi évité la version 95 ch qui existe dans l’Adam et dans la Corsa.
Lancée en 1991 pour succéder à la Kadett, l’Opel Astra en est maintenant à sa cinquième génération. Elle a connu une carrière quasiment mondiale, sous les dénominations Vauxhall Astra au Royaume Uni, Holden Astra en Australie et en Nouvelle-Zélande, et même Buick Excelle en Chine et Buick Verano aux USA. Ils ont trop de bol, ces chinois et ces américains : une Buick, c’est quand même la classe (recommandons d’ailleurs à nos jeunes lecteurs le visionnage de L’homme à la Buick, un film de Gilles Grangier, 1968, avec Fernandel et Danielle Darrieux) !
Mais revenons à nos moutons : l’Astra a été vendue de la Russie au Mexique, de la Pologne à l’Argentine. Les Astrophiles vénèrent l’Astra 200tS, une version spécifique au marché sud-africain, qui sortait 217 ch et 280 Nm : c’était la hot hatch absolue, l’engin ultime pour gratter les Golf GTI (grosses dindes embourgeoisées qui sortaient à l’époque 147 ch, au milieu des années 90) sur la N1 entre Johannesburg et Pretoria. L’Astra 200tS avait aussi deux boîtes (l’une à 6 rapports, et l’autre, pour les gants, réfrigérée), ainsi que des suspensions réglables manuellement.
Mais revenons encore à nos moutons. Si l’Opel Astra s’autorise à mettre un petit 3 cylindres sous le capot, c’est qu’elle passé une agrégation en Weight Watchers. On parle de quasiment de 130 à 200 kilos de moins, selon les versions, par rapport à la Mk IV, et notre version se situe aux alentours des 1200 kilos, ce qui reste correct. Et les dimensions en légère baisse n’expliquent pas tout : elle est plus courte de 5 cm que la version précédente (à 4,37 m) et moins large de 2,5 cm (à 1,87). En même temps, elle offre une bonne habitabilité pour la catégorie avec 3 cm d’espace supplémentaire aux jambes pour les passagers arrière, ainsi qu’un coffre dont la contenance reste inchangée à 370 litres. Quant aux lignes d’ensemble de cette nouvelle génération, chacun se fera une opinion, mais pour ma part, je les trouve raisonnablement agréables, avec sa calandre un peu plongeante, ses feux à LEDs et son montant de custode noir, qui lui donne l’impression d’un « toit flottant ».
Même feeling à l’intérieur, avec une ergonomie en net progrès : Opel a enfin arrêté de mettre des boutons partout (les Opel des générations précédentes avaient la varicelle !) et le nouveau système d’écran tactile est plutôt logique et simple d’utilisation, même si le relais d’un smartphone pour avoir un GPS présuppose que tous les acheteurs soient modernes et ne résout pas la question du prix de la data à l’étranger.
En tout cas, l’intérieur est plutôt ergonomique et bien présenté, avec une belle tranche de plastique moussé sur le haut de la planche de bord et une attention sympathique comme un petit logement pour caler son téléphone en dessous du pavé de commandes de la climatisation. Avec ce moteur 1.0 Ecoflex, l’Astra a droit aux niveaux 2 et 3 des 4 disponibles sur l’intégralité de la gamme (ces niveaux étant, dans l’ordre : Essentia, Edition, Innovation et Dynamic). L’Astra Essentia commence à 18 000 € avec le moteur 4 cylindres 1.4 100 ch, une vieille mécanique qui permet de baisser les coûts pour faire de l’entrée de gamme. Le 1.4 essence est également disponible en 125 et 150 ch (et on attend de pied ferme des versions 200 ch puis OPC), tandis qu’en Diesel, un seul bloc (1.6 CDTI) est disponible en trois puissances : 95, 110 et 136 ch.
Avec le 1.0 Ecoflex, l’Astra débute à 20 400 € et mon modèle d’essai, Innovation, est à partir de 22 600 €. Ainsi, elle est déjà bien équipée, avec les phares anti-brouillard avant, aide au stationnement avant et arrière, démarrage mains libres, système Opel On Star d’assistance et d’alerte (un bouton bleu dans le pavillon active une conciergerie européenne en 8 langues, 24/7, tandis qu’en cas de déclenchement des airbags ou de retournement, OnStar alerte lui-même une plateforme d’urgence), caméra de recul, volant multifonctions, sièges confort, IntelliLink avec écran de 7 pouces, assistance au freinage d’urgence , allumage automatique des feux. C’est déjà pas mal.
Pourtant, elle comportait quelques options intéressantes, parmi lesquelles les sièges ergonomiques, les jantes en alliage de 17 pouces (100 €, c’est très raisonnable), les feux arrière à LEDs, le pack hiver 2 (sièges avant et arrière, ainsi que volant chauffants, 450 €), l’aide au stationnement avancé (650 €), la peinture métallisée « Bleu Astral » (620 €), ainsi que les feux IntelliLux LED, une option à 1 350 €, mais dont j’ai pu apprécier l’efficacité, la réactivité et la finesse d’adaptation aux différentes conditions lors d’une centaine de kilomètres effectués sur départementale de nuit. Ainsi, mon Astra 1.0 valait quand même 26 670 €.
105 ch, 170 Nm. C’est tout ?
J’ai déjà eu l’occasion d’apprécier ce moteur qui se distingue par sa compacité et sa technologie : il dispose d’un arbre d’équilibrage contra-rotatif (il tourne dans le sens inverse du vilebrequin) et dispose d’un turbo intégré dans le collecteur d’échappement, lui-même intégré dans la culasse. Double résultat : il n’émet pas les hululements de chouettes de certains de ses camarades et possède peu d’inertie, avec un turbo sensible tout de suite.
Certains n’aiment pas les petits trois cylindres pour leurs vibrations, leur côté rugueux et leur sonorité atypique, voire le sale turbo-lag d’une Twingo Tce : ils seront réconciliés avec le 1.0 Ecoflex, extrêmement souple et silencieux. Bien sûr, lorsque l’on tend l’oreille (et que celle-ci est exercée), on décèle les particularismes de son architecture, tandis que celle-ci devient évidente passé les 4000 tr/mn, pour se mettre à ronfler de manière sympathique mais jamais envahissante. Bref, même en 105 ch, le 1.0 Ecoflex est un bon moteur : souple, élastique et finalement assez puissant, car il ne donne jamais à cette compacte l’impression d’être gravement sous-motorisée.
D’aucuns pourraient regretter l’absence d’une boîte 6 sur cette motorisation (alors qu’elle l’Adam Rocks 115 ch en dispose, décidemment, ils sont bizarres chez Opel) mais en fait, la boîte 5 est correctement étagée et verrouille bien, à défaut d’avoir un levier particulièrement rapide. Sur le dernier rapport, le petit 999 cm3 tourne à 2200 tr/mn à 90 km/h et à 3050 tr/mn à 130. Du coup, comme le couple maxi est déjà dispo à 1800 tr/mn, ça donne une auto douce, mais pas mollassonne.
Car la force des 3 cylindres, c’est qu’ils ont les mi-régimes joyeux et alertes et qu’ils sont à peu près aussi disponibles que Mère Térésa dans un bidonville de New Delhi : sa courbe de couple est totalement plate de 1800 à 4300 tr/mn et la courbe de puissance prend le relais, régulière, de 4500 à 6000 tr/mn. Dans les faits, cela donne un moteur linéaire mais réactif, avec un petit coup de rein agréable passé les 4000 tr/mn. Sur départementales et nationales, les reprises ne déméritent pas, surtout pour une auto de cette cylindrée, tandis qu’elle ne s’essouffle pas dans les solides rampes de l’autoroute A4. Et avec un 0 à 100 couvert en 11,2 secondes et 200 km/h chrono, l’Opel Astra ne peut pas être qualifiée d’auto lente malgré son petit 3 pattes.
Côté conso, Opel annonce 4,3 l/100 et 99 grammes de CO2 avec les roues de 16 pouces, 4,4 et 102 grammes avec les 17 pouces de mon modèle d’essai. Évidemment, c’est du pipeau, mais comme tout le monde le sait, on va continuer à faire comme si ce n’était pas grave. Dans les faits, et après une intense semaine d’essais de près de 1000 kilomètres (une Voiture de l’Année, ça s’examine sous toutes les coutures !), je m’en sors avec un 7,1 l/100 de moyenne, avec un mini à 5,5 sur départementale en éco-conduite (presque) strict legal, du 6,1 sur de la nationale roulante avec beaucoup de portions à 4 voies limitées à 110, un 6,9 sur autoroute et un maxi à 9 l/100 sur départementale en mode énervé (mais prudent, comme toujours).
Parce que l’Astra 1.0 Ecoflex peut se conduire en mode « énervé » ? Ben oui ! Le faible poids du moteur lui confère un train avant léger qui rentre vivement au point de corde, avec le châssis bien posé sur les 225/45 x 17 et aidé par une direction directe ( !) et précise (et pas débordée par les 170 Nm), le tout occasionnant peu de roulis. Ajoutez à cela un freinage puissant avec une attaque franche doublée d’une bonne dosabilité et un moteur qui ne s’essouffle pas à l’approche des 6000 tr/mn, et l’Astra se révèle assez plaisante à (mal-)mener. D’autant que le 3 pattes élastique, encore lui, est utilisable, sur le 3ème rapport, de 30 à 150 km/h… Elle n’a évidemment rien d’une GTI (ni surtout d’une OPC !), mais elle peut délivrer un certain plaisir de conduite.
On notera, comme souvent dans l’équation « petit 3 cylindres / caisse d’un gabarit convenable », une absence totale de frein moteur, certes pas aussi caricaturale que dans le cas de la Ford Mondeo 1.0, mais tout de même bien prononcée. Certains apprécieront, d’autres moins, mais il est vrai que cela participe à la douceur d’ensemble et aide à adopter une conduite douce et fluide…
Le confort avant tout
Malgré tout, l’Astra 1.0 Ecoflex est avant tout une auto familiale qui mise logiquement sur le confort et le bien-être à bord. Cela passe par une finition tout à fait correcte, ainsi que par des équipements de sécurité qui sécurisent tout le monde, comme le freinage d’urgence actif jusque 60 km/h. Et pas qu’un peu : l’alerte de collision avant est assez sensible, tout comme l’anti-dévoiement qui se caractérise par la franchise de ses prises en main. En gros, frôlez simplement une bande blanche et d’un coup de volant viril, l’Homme Invisible vous remet en ligne. Ça peut surprendre, mais c’est efficace.
Et côté confort ? Opel se targue d’une reconnaissance de l’organisme allemand AGR (Aktion Gesunder Rücken) qui en certifie les qualités ergonomiques de ses sièges. J’avais justement ces sièges montés sur ma version d’essai et, au début, j’étais assez dubitatif parce que dans leur revêtement en tissu, ils ressemblent… à des sièges de voiture.
Et au fil des kilomètres, j’ai apprécié leur maintien latéral (encore plus dans un petit virage sur une petite route de l’Aisne, avec les 4 pneus qui crissent et les amortisseurs extérieurs en appui sur leurs butées) et le feeling général sur le haut du corps. J’ai quand même trouvé l’assise encore un peu ferme au niveau du fessier, après plusieurs heures de route. Et si les suspensions sont objectivement typées confort, les roues de 17 pouces et leurs pneus en taille 45 restent un peu cassants sur les nids-de-poule. Morale : si le confort est une valeur première pour vous, prenez votre Astra en 16’’, au détriment du look. Impossible de clôturer le chapitre « confort » sans mentionner le grand silence de roulement : silence du moteur, peu de bruits de roulement, pas de bruits aéro, Cx de 0,285, l’Astra avale les kilomètres sans bruits.
À l’issue d’une longue semaine d’essai, on ne peut pas dire que l’Astra révolutionne l’univers des compactes. Cependant, elle séduit par son efficience, son efficacité, son équipement, mâtiné d’un zeste de plaisir de conduite. Et l’Astra remet Opel dans la course, avec une auto compétitive et bien tarifée.
Photos : Gabriel Lecouvreur