Au BlogAutomobile, on commence à bien connaître Tesla et sa Model S. On l’avait découverte à Paris, on avait passé un week-end à la mer en sa compagnie… Mais on n’avait pas encore pu tester le fameux réseau de Superchargeurs qu’installe la marque un peu partout en France. Erreur réparée le temps d’une journée entre Paris et Mâcon.
Avant tout, il est nécessaire de refaire un petit topo sur les caractéristiques de ces stations de recharge un peu spéciales : si les 85 kWh de batteries de la Model S permettent de parcourir entre 300 et 500 km en une seule charge, la remplir prend un peu plus de temps qu’une Zoe et ses 22 kWh d’accus : si vous la branchez sur une prise 220V, recharger complètement la Tesla demandera jusqu’à…36h. Pour y remédier, Tesla installe un peu partout dans le monde des points de charge, les Superchargeurs, permettant de recharger sa Model S en 40 minutes. Petite astuce : l’opération ne vous coûtera pas un centime. Tesla n’étant pas une œuvre de charité (et malgré des prises de Type 2 compatibles avec nombre de VE : Zoe, e-up!, i3…), ces bornes ne sont accessibles que par des autos de la marque californienne. Enfin, pour le moment : Tesla clame haut et fort qu’elle est prête à entrer en discussions avec tout constructeur se montrant intéressé…
Côté technique, les Superchargeurs peuvent débiter jusqu’à 135 kW de puissance en courant continu qui sera acheminé directement à la batterie, sans passer par les chargeurs de l’auto. De quoi promettre une batterie chargée à 50% en 20 minutes. Sans compter que ces stations sont implantées au bord des autoroutes, de quoi permettre aux voyageurs de ne pas dévier de leur chemin : une perte de temps minimale et un système levant deux des grandes excuses craintes des gens concernant la voiture électrique : des bornes suffisamment nombreuses & un temps de recharge acceptable aux yeux de Mr Mme Toutlemonde. Malin.
Et c’est cette promesse de longs voyages que nous allons vérifier. Au programme, 800 km en une journée entre Paris et Mâcon, dans le cadre du « Rallye Superchargeur ». En gros, une réunion de clients Tesla venant de toute la France : une équipe partait de Senlis, une autre de Tours, une troisième d’Orange et la dernière de Nancy (sans compter les deux voitures « presse » dans lesquelles j’ai passé la journée), avec un point de rencontre à Mâcon. J’avais hâte de rencontrer des propriétaires de Model S : dès qu’un produit –auto ou autre- un peu décalé arrive sur le marché, une communauté très active se forme à chaque fois, qui deviennent généralement des pros du sujet et n’hésitent pas à améliorer eux-même le produit en question. Par exemple, quand j’ai essayé la Mia, je me suis retrouvé avec la quasi-intégralité des possesseurs français m’envoyant des mails, reprenant mon article etc etc. A son volant, je me suis même fait suivre pendant 40 minutes par un mec en Dacia se prétendant être l’inventeur du concept (et c’était flippant). Chose un peu moins vraie lorsqu’on essaye une 108.
Enfin bref, quittons cette parenthèse poitevine pour retourner à nos imposantes berlines californiennes. Nos destriers du jour étaient deux P85+, une rouge, une grise. Pour rappel, P85+ = batterie de 85 kWh, 421 ch, 600 Nm, 0 à 100 km/h en 4,4 s (mais bon, vous le savez déjà). Solide…et obsolète. Avec l’arrivée de l’effrayante P85D (2 moteurs / 4×4 / 700ch / 0-100 = 3,3 s…) fin Mars, la P85+ faisait doublon, et a donc cédé sa place au modèle le plus puissant. Cela ne nous empêche pas de constater quelques modifications depuis notre dernière prise en main en Avril dernier : à l’intérieur, les commodos ont repris une place normale (clignos au-dessus du régulateur et non plus l’inverse), tandis qu’à l’extérieur, un curieux petit rectangle en plastique a fait son apparition dans la calandre. Mékeskecé ? Un radar qui, pour l’instant, ne prend en charge « que » le régulateur adaptatif. Cependant, au fil des mises à jour, ses capacités seront progressivement étendues jusqu’au stade ultime : rendre la Model S complètement autonome. Pour en profiter, les possesseurs de Tesla n’auront même pas besoin de se rendre aux Service Centers : la Model S étant connectée h24 à internet, elle installe ses mises à jour toute seule comme une grande. Ainsi, un beau matin, les conducteurs découvriront qu’ils pourront dormir pour aller au travail. How cool is that.
Il est temps de prendre la route. Comme il est tôt, je laisse le volant pour la première partie du trajet à mon copilote pour profiter de la banquette arrière. On est toujours aussi bien à bord de la Model S : malgré l’absence criante (et franchement désagréable) de rangements, l’espace intérieur absolument gigantesque et rempli de lumière –merci le toit vitré- rend la route très reposante pour les passagers. Deux petits détails m’avaient cependant échappé auparavant : je trouve les bruits d’air assez perceptibles sur l’autoroute (en même temps, pas de bruit de moteur pour les recouvrir) et, à l’arrière, le plancher m’est apparu un cran trop élevé, ce qui me forçait à avoir les genoux plus haut que d’habitude. Merci les batteries…
Mais nous arrivons à notre première halte : Auxerre, où 8 bornes nous attendent. Brancher la Tesla est simplissime : on ouvre la trappe (dans le feu arrière côté conducteur), on attrape la prise, branchement, terminé. On peut alors jeter un coup d’œil au tableau de bord, où s’affichent des valeurs peu communes, à coup de centaines de volts, d’ampères et de kilomètres gagnables en une heure. Nous partons donc nous restaurer dans le restaurant jouxtant les stalles, où nous pouvons, tout en mangeant, observer l’évolution de la charge via grâce à une application dédiée (pour iPhone & Android, Windows Phone dans tes rêves). Ce qui nous permettra aussi d’aller débrancher nos autos au cours du repas, puisque les équipes de Senlis et de Tours arriveront entre-temps avec, eux aussi, bien besoin de recharger. Ce qui donne un parking entièrement constitué de Model S.
C’est ensuite à mon tour de prendre le volant jusqu’à Mâcon. Lors du trajet, j’ai pu avoir le temps de tester deux nouvelles fonctions : le régulateur adaptatif, donc, mais aussi une courbe bien utile sur laquelle on reviendra plus tard. Concernant le régulateur, disons…qu’il a besoin d’évoluer encore un peu. Pour rappel, ce système utilise un radar calculant la distance entre nous et la voiture de devant et, s’il s’aperçoit qu’on s’approche trop, freinera la voiture de lui-même pour garder une distance de sécurité convenable. Si le système de Tesla marche bien pour des écarts de vitesse faibles (=> derrière une autre voiture), doubler des camions se révèle beaucoup moins agréable : même si on a réglé le système sur la distance la plus courte, la voiture freinera fort dès que le camion entrera dans le rayon d’action du radar (i.e. très en amont), et continuera à freiner même si le clignotant est enclenché et qu’on a commencé à se déporter sur la voie de gauche. Ça rend la conduite très hachée et ça oblige presque le conducteur à rester sur la voie du milieu…et je hais viscéralement les gens bloqués sur la voie du milieu. Volvo, à titre d’exemple, propose un système bien plus transparent et agréable. Mais bon, nul doute que le système se perfectionnera au fil des MàJ… Ils ont bien réussi à gagner 0,1s sur le 0 à 100 de la P85D en modifiant l’algorithme de l’inverseur.
Mais parlons maintenant de la deuxième amélioration dont je vous parlais plus haut : une courbe calculant en temps réel l’autonomie restante à la fin de trajet. En gros, après avoir saisi une destination sur le GPS, l’ordinateur de bord analysera le type de route empruntée et le relief du trajet pour afficher un premier pourcentage de batterie restante à la fin du voyage. Une fois en route, la Tesla recalculera sans cesse cette estimation en prenant compte de la consommation. Par exemple, si, à notre départ d’Auxerre, ma Model S m’affichait 30% de batterie restante une fois arrivé à Mâcon, la température extérieure avoisinant les 5°C a fait plonger la courbe jusqu’à…3%. En roulant à 110 au lieu de 130 km/h, nous arriverons à destination avec une dizaine de pourcents restants. L’idée est bonne et permet au conducteur de calmer sa fameuse range anxiety, la peur de tomber en rade de batterie.
Et nous voici enfin arrivée à Mâcon, où…nous arrivons bien avant le reste des équipes. De plus, le Superchargeur ne possédant actuellement que deux bornes (8 sont prévues à terme), il va falloir laisser la place le plus rapidement possible pour que les autres équipages puissent à leur tour recharger leurs autos et rentrer chez eux. Ce sera donc une rencontre express avec quelques propriétaires où, comme je m’y attendais, je n’entendrai que concerts de louanges à propos de la Model S, de la qualité du service proposé par la marque, du déploiement des Superchargeurs (à l’heure actuelle, il y en a 20 en France)… Mais il nous faut déjà repartir et, après un trajet retour identique à celui du matin, j’arriverai vers 22h30 chez moi.
Conclusion : oui, il est possible de faire 800 km en une journée dans une voiture électrique, comme on le ferait avec n’importe quelle autre voiture thermique. Faire un Paris-Amiens en Zoe m’avait obligé à rouler à 95 km/h sur l’autoroute, mais, en Tesla, c’est à 130 km/h qu’on a fait le voyage sans le moindre souci et c’est ça -et uniquement ça- qui compte aux yeux des gens. Avec son réseau de chargeurs, Tesla a rendu la (ou plutôt sa) voiture électrique viable et vivable au quotidien. Un réseau qui va de pair avec une voiture indéniablement bien née, non exempte de défauts (en même temps, qui n’en n’a pas), mais qui se révèle attachante : la Model S est une auto extrêmement agréable à conduire. On ne pourrait la considérer que comme la voiture dédiée au wow effect (wow, elle est belle, wow, elle va vite, wow, elle a un grand écran), mais, en bonne VE qu’elle est, elle distille quelque chose de bien supérieur, de bien plus profond, quelque chose de très reposant. En outre, cette sensation de puissance contenue, cette réponse immédiate à l’accélérateur (on s’en aperçoit même en ville), ce silence monacal rend la conduite parfaitement jouissive et addictive. En gros, plus je conduis la Model S, plus elle me plaît. Vivement les prochains essais…
Crédits photos : Jean-Baptiste Passieux, Tesla Motors.
Un grand merci à Tesla France pour l’invitation, à Anh et Charles pour avoir été de parfaits compagnons de voyage et aux possesseurs de cette belle auto pour leur accueil chaleureux !
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