Il n’est pas importé officiellement en France et pourtant, certains privilégiés en font leur véhicule de fonction : le Ford Everest est en effet au service de l’armée française. J’ai pourtant pu faire 2000 bornes à son volant tout en échappant aux corvées de patates, au réveil au clairon, au lit au carré et à la b*te au cirage. Trop fort, encore une exclu blogautomobile !
On ne va pas leur manquer de respect (n’oublions pas que l’humanité se divise en deux parties : ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent – que ceux à qui cette allusion en toucherait une sans faire bouger l’autre aillent se rafraichir la mémoire avec un bon petit visionnage de Le bon, la brute et le truand).
Et du coup, eux, ils ont des pistolets chargés : ce sont nos valeureux militaires qui, pourtant, se sont pathétiquement illustrés lors d’une minable séance de drift dans un glauque camp de réfugiés vers Calais. Si vous ne l’avez pas vue, une vidéo est en ligne : piloté par un Patimbert décidément peu inspiré, le Ford Everest a fini tanké après quelques manœuvres d’une sensualité douteuse et ce qui est sûr, c’est que le prochain Ken Block n’officie pas sous les drapeaux tricolores. Et ce qui est sûr, aussi, c’est que le Ford Everest mérite mieux : je le sais, j’ai fait 2000 bornes à son volant.
Un détail avant d’aller plus loin : nos militaires roulent dans un Arquus VT4, qui n’est en fait qu’un Ford Everest civil produit en Thaïlande, avant de se retrouver transformé par Arquus (une émanation de ce qui était anciennement Renault Truck Défense, qui a ensuite absorbé Panhard Défense et ACMAT) dans la banlieue de Saint-Nazaire. Attendez-vous à en croiser régulièrement : 4380 « Everest » VT4 devraient patrouiller sur notre territoire. Garde à vous ! Repos…
Hakuna matata
J’ai laissé les rangers et l’uniforme réglementaire au placard. Devant moi, les herbes jaunes de la savane contrastent avec le rouge de la terre africaine. Je tourne la molette du Terrain Management System sur Sand. Non, je ne suis pas embedded dans Barkhane, mais simplement en vacances dans un des autres pays où est produit l’Everest : l’Afrique du Sud. L’Everest est en effet aussi répandu que populaire dans de nombreuses contrées : Asie du Sud-Est, Australie, Nouvelle-Zélande, Moyen-Orient, Afrique australe et quelques pays d’Afrique occidentale comme le Sénégal.
Le soleil brûlant irradie l’horizon. Pas loin, des troupeaux d’antilopes se demandent si elles doivent oser traverser devant ma fière calandre (réponse : oui, l’Everest dispose d’un système de reconnaissance des piétons et de freinage d’urgence). Moderne ? Oui, d’ailleurs, d’un doigt plein d’assurance, j’appuie sur le bouton de la reconnaissance vocale et, singeant modestement le grand Hubert Auriol qui nous contait ses aventures africaines à base de « TDSPP » (tout droit sur piste principale), je lance un autoritaire « Qhubeka ! », ce qui, en zoulou, veut dire « tout droit » et qui me permet de continuer d’explorer la savane.
Car, oui, l’Everest a un système de reconnaissance vocale qui fonctionne en dix langues et même en zoulou, c’est du dernier chic. Évidemment, pour que l’harmonie fonctionne entre vous et lui, il va vous falloir maîtriser les trois consonnes zouloues qui se « cliquent » avec la langue (le q, le x, le c), mais après cela, vous aurez un côté singe savant, vous serez invités à plein de diners et vous pourrez manger gratuitement. L’investissement vaut le coup.
D’ailleurs, que ceux qui considèrent l’Everest comme un engin rustique dédié au tiers-monde ravalent leur chapeau. En fait, il est très moderne : l’ergonomie est bien étudiée, l’instrumentation claire et lisible identique à celle du Ranger et surtout, l’Everest dispose de l’info-divertissement Sync3 de chez Ford. On aime donc sa compatibilité Android Auto et Apple CarPlay, et aussi le fait qu’il puisse disposer de l’app 4×4 TracksforAfrica (avec des cartes dans 20 pays), parfaite pour trouver le petit lodge paumé au fond de la savane, d’où vous pourrez utiliser l’assistant au parking pour mieux regarder des hippos prendre leur bain au coucher du soleil. De même, pour vous y rendre et mieux supporter les heures de route à traverser les grands espaces, on apprécie le régulateur de vitesse adaptatif avec freinage d’urgence, les feux automatiques et un assistant au maintien de ligne, tout comme l’habitacle qui regorge de prises USB, ainsi que de logements dans les contreportes pour mettre une bouteille d’eau d’un demi-litre, s’agirait pas de se déshydrater en route !
Et sinon, c’est quoi ?
La raison d’être de l’Everest est d’offrir un peu de convivialité pour un usage familial, mais dans les pays un peu rudes où il se retrouve, il ne doit pas lésiner sur le côté costaud et dur au mal. De fait, il est conçu sur la base d’un Ranger, et cette démarche se retrouve chez certains concurrents (avec les Nissan Navara et Pathfinder, par exemple, mais aussi avec les Mitsubishi L200 et Pajero Sport, les Toyota Hilux et Fortuner, les Isuzu D-Max et Mu-X30 – celui-ci, on vous en déjà parlé).
D’un point de vue industriel : on raccourcit un peu l’empattement, on colle une cellule de break et roule ma poule. Chez Ford, l’empattement du Ranger (3220 mm) est réduit à 2850, du coup, sans la grande benne, la longueur est moins longue (sic) et est plus pratique pour un usage urbain (5,35 m pour le Ranger, 4,89 m pour l’Everest, ce qui ne l’empêche pas de proposer 7 places). A 1,83 m de haut et 1,86 m de large, les reste des dimensions sont logiquement identiques. Petite différence toutefois : le Ranger peut tracter 3500 kilos, mais l’Everest se limitera à 3100, ce qui est déjà pas mal…
Même chose sous le capot : en Afrique du Sud, la paire peut recevoir une multitude de Diesel :
- Le 2.0 l simple turbo (180 ch, 420 Nm, 7,1 l/100 de conso normalisée)
- Le 2.0 l double turbo (213 ch, 500 Nm, 7,6 l/100), notre version d’essai
- Le 2.2 l simple turbo (160 ch, 385 Nm, 7,3 l/100)
- Et le mélodieux 5 cylindres 3.2 turbo-diesel (200 ch, 470 Nm, 8,2 l/100).
On notera que les 2.0, plus modernes et plus propres (ils sont Euro6d), reçoivent d’office la nouvelle boîte auto à 10 rapports et que les versions 2.0 et 2.2 l simple turbo existent en 2WD. Sachez enfin que le 2.0 biturbo à BVA 10 se retrouve aussi en France, sur le Ranger. Voilà, vous êtes devenu incollable sur le Ford Everest, bravo !
Un dernier mot sur le moteur : avec leur Arquus VT4, l’Everest de nos pandores dispose du « vieux » moteur 2.2 Diesel de 160 ch : on notera ainsi que l’État se permet des niveaux d’émission qu’il interdit à ses propres citoyens, à grands coups de vignettes Crit’Air et de ZFE…
Bon, à rouler, c’est comment ?
On oublie rapidement les racines « utilitaires » de l’engin car le 2.0 Diesel bi-turbo a le mérite de ne pas être trop présent, une fois qu’il est à température et encore plus à vitesse stabilisée. Et puis à l’intérieur, entre les sièges en cuir, l’info-divertissement up-to-date, la techno de pointe et la boîte automatique, on est choyé ! Les 10 vitesses passent en douceur, au point qu’on oublie rapidement de les compter, laissant la gestion électronique optimiser les ressources et surtout les 500 Nm du moteur. Si la boîte est douce, elle peut toutefois se montrer un peu brusque en montant un rapport puis, alors que l’horizon se libère, et qu’un troupeau d’éléphants vient de passer, et que vous appuyez alors un peu plus sur l’accélérateur et, dans ce cas, la boîte peut anticiper cette demande de puissance et descendre à nouveau un ou deux rapports. Mais dans l’ensemble, tout est calibré pour fonctionner au mieux avec une conduite coulée. Sur les grands espaces sud-africains, on tient un petit 130 compteur (les nationales sont limitées à 120, à moins de 2000 tr/min, en silence). Et en sortie de péage, les 213 chevaux permettent d’emmener ses 2387 kilos à 100 km/h en moins de 10 secondes (9,7, en vrai), ce qui le met du côté « dynamique » de la force, la fameuse barre des 10 secondes séparant les véhicules qui se trainent de ceux qui avancent. Côté vitesse de pointe, c’est limité électroniquement à 180 km/h ; j’ai entendu que les Arquus AT4 étaient, eux, électroniquement limités à 135 km/h. Bouh…
Malgré les excellents sièges, on pourra trouver le confort un peu ferme sur les petites irrégularités urbaines malgré la suspension indépendante, avant, à nouveau, de faire son Daktari en partant explorer la savane et en découvrant une excellente capacité d’amortissement, aussi costaude que progressive, qui permet de survoler la caillasse et les saignées sur les grosses pistes en terre. Là, ça absorbe vraiment bien, sans broncher, au point que l’on remet du gaz, au risque de devoir couper en deux une girafe un peu trop aventureuse. Bref, facile au quotidien avec sa direction douce et sa BVA10 qui l’est tout autant, spacieux, silencieux sur la route, doté de belles ressources avec ses 500 Nm, l’Everest est aussi fort capable en tout-terrain. Au besoin, il y a un blocage de différentiel en série.
Et pourtant, on ne l’a pas en France. Malgré une conso réelle de 10 l/100 (contre les 7,6 promis officiellement), notre malus assassin se ferait une joie de l’assassiner avec ses 201 grammes de CO2. Pourtant, avec un prix de départ de 558 600 Rands (à la louche : 32 600 € en entrée de gamme) et 883 500 Rands dans notre version haut de gamme toute équipée (à la louche : 51570 €), il serait compétitif. Vous en pensez quoi : l’Everest, le SUV auquel on n’a pas droit, mais qui promettrait de décrocher la Lune ?
Remerciements : si l’ingratitude gagne le monde moderne, elle ne passe pas par chez nous ! Remercions donc comme il se doit les différents services de Ford qui ont permis la mise à disposition de cet Everest en Afrique du Sud.
Crédits photos : Gabriel Lecouvreur