R A N G E R O V E R. Dix lettres sur le capot, dix lettres qui posent tout de suite les choses. J’ai un Range Rover, nom de Dieu ! Et j’ai profité de l’apparition de la cinquième génération du mythe pour pousser jusqu’aux plages du débarquement à bord de la version hybride rechargeable la plus puissante, j’ai nommé la P510e.
On est fin décembre, dans une carrosserie de banlieue parisienne. La porte de l’atelier coulisse, un Range Rover flambant neuf en sort et arrive devant moi. Et quel Range Rover. 5.05 m de long, 2.05 m de large, 1.87 m de haut, le beau bébé exhale une classe absolue. Alors, certes, ce nouveau Range ressemble beaucoup beaucoup à la génération précédente (pour les puristes, le L460 remplace le L405), mais il se dégage de la voiture quelque chose d’intemporel. D’évident. Le truc est là, posé, massif, élégant, annihilant tout ce qui se passe autour de lui par sa simple présence. Le superbe Portofino Blue associé aux jantes 22″ y contribue, certes, mais les proportions, la fluidité du dessin et l’attention aux détails rendent vraiment l’objet unique. Le nouveau Range Rover est beau, tout simplement.
Concernant l’intérieur, je voudrais tout d’abord adresser une pensée à la personne en charge de la configuration des voitures presse/marketing du groupe JLR. Depuis mon premier essai (une Jaguar F-Type V6S en 2014, dont le bruit résonne toujours dans mes oreilles), j’ai toujours trouvé leurs voitures très joliment présentées, et ce Range ne fait pas exception à la règle : associer ce Portofino Blue à un habitacle tapissé de cuir crème Perlino & de placage en bois de noyer, c’est d’un goût difficilement égalable.
L’habitacle, donc. Par où commencer ? Débutons par le haut : ça faisait bien longtemps que je n’avais pas eu de ciel de toit en cuir (en ai-je déjà eu un ?), privilège de ma version Autobiography. Descendons un peu, nous arrivons sur les sièges avant. Des sièges chauffants, ventilés, réglables sur 24 positions, massants, et tout et tout. Qu’en dire ? Ils sont sublimes. A regarder, certes, mais surtout à vivre. Quel confort ! Et à l’arrière ? Là aussi, le confort est de mise : j’ai eu droit aux sièges Executive Class, eux aussi électriques, chauffants et ventilés, accompagnés par une tablette dans l’accoudoir arrière contrôlant toutes les commodités (stores, réglages du siège, climatisation etc). Deux écrans multimédia (+ 3 328 €) faisait partie du voyage, comprenant notamment deux ports HDMI (grâce à la prise secteur (+ 147 €, un peu pingre), on devrait être capable d’y brancher une console de jeu, mais je n’en ai pas eu sous la main durant l’essai). On a une certaine tendance à galvauder l’expression “être dans son salon” mais on s’en rapproche tout de même pas mal dans mon cas.
Terminons sur la planche de bord, qui sera au final la partie la moins exotique de cet intérieur. C’est joli hein, c’est même très joli, mais ça ne rebat pas forcément les cartes de l’agencement général. Mais ne boudons pas notre plaisir : partout, du (beau) cuir, du (beau) bois, du métal, on est bien. J’avais déjà pu goûter à l’écran central (le “Pivi Pro”) dans le Defender de l’été dernier, mais j’ai beaucoup apprécié cette implantation flottante, très épurée, très élégante. L’écran des compteurs, lui, semble dépendre de la casquette en se “posant” simplement sur la planche de bord, c’est là aussi très réussi. Les graphismes ? Bons ; on peut en outre afficher les compteurs “classiques” ou la carte satellite des environs.
Terminons par la sono, à chialer. Ma version Autobiography embarque d’office le système “Meridian 3D Surround” : 18 haut-parleurs, amplificateur de 800 W, réduction active du bruit, etc etc. C’est fabuleux. Si je me suis permis d’augmenter un chouille les aigus et le caisson de basses, c’est pour mieux profiter de l’impressionnante spatialisation du son. La seule chose que je regrettais en écoutant mes morceaux favoris, c’était de ne pas avoir d’abonnement de streaming lossless…
Des regrets dans cet habitacle ? Bien peu. Le coffre *pourrait* être un poil plus grand vu le gabarit du mammouth. Les massages sont…intenses, même avec la puissance réglée au minimum (paye ton problème de riche). Ah oui, et l’ergonomie des deux écrans pourrait être un peu plus intuitive, avec pas mal de menus et de sous-menus dont la logique m’échappe parfois : pourquoi faut-il passer par quatre étapes pour…régler l’appuie-tête ?
Mais bon, c’est tout. Je suis trop bien dans mon Range. Il est temps de prendre la route.
Qu’ai-je sous le capot ? On va décrypter : ma version d’essai se prénomme P510e. P pour le type de carburant (P -> Petrol -> essence), 510 pour le nombre de chevaux, “e” pour l’adjonction de la fée électricité. Une fée clairement plus-size : mon Range Rover embarque une batterie de 38.2 kWh, dont 31.8 sont réellement utilisables. Autonomie WLTP ? 115 km. Pour avoir un petit ordre d’idée, les 30 kWh d’une Nissan Leaf de 2016 étaient homologués pour 250 km. La raison ? Le poids, incontestablement. Mon Range Rover PHEV pèse 2 810 kg. C’est comme si on mettait trois Citroën ZX l’une sur l’autre.
Le reste des perfs est à l’avenant : la partie thermique de la motorisation est représentée par un six cylindres en ligne essence 3.0 maison de 400 ch auquel vient se rajouter un moteur électrique de 105 kW (~140 ch), le tout offrant 510 ch et 700 Nm. 0 à 100 km/h ? 5.6 s. Le tout, évidemment, consomme officiellement 0.8 l/100 km. Voilà qui promet d’être intéressant.
Bon, autant crever l’abcès : je n’ai évidemment pas consommé 0.8 l/100 km, mais plutôt 8.8 l/100 km sur les 820 km de l’essai (avec seulement deux recharges et pas mal d’autoroutes/voies rapides). Et l’autonomie en tout électrique ? Autour des 90 km en mixte. Intellectuellement, c’est chiant de tirer une si petite autonomie d’une si grosse batterie mais, en soi, ça permet quand même de faire pas mal de trajets du quotidien sans allumer le moteur essence. J’ai par exemple réalisé un Alençon – Omaha Beach par l’autoroute (soit 162 km) à une moyenne de 6.3 l/100 km, comme une petite 308. Comme d’hab, il faut absolument recharger la voiture au quotidien pour profiter de ses bienfaits, et vous pourrez avoir une batterie pleine 5h après l’avoir branchée sur une wallbox 7 kW. Et si vous êtes pressés, vous pouvez recharger la bête en 40 minutes de 0 à 80 % sur une borne rapide 50 kW (car oui, la batterie est tellement grosse que les ingés JLR ont cru bon ajouter une prise Combo CCS). Et vous feriez mieux de le faire, la consommation du Range en ville batterie vide approchant les…20 l/100 km ! Sur autoroute, le gros pépère cruisera tranx à 10 l/100 km.
Une fois l’ennuyante partie des chiffres expédiée, comment se sent-on à bord d’un Range Rover hybride ? Vraiment bien. Genre vraiment très très bien. Comme je vous le disais, les premiers kilomètres se firent en région parisienne et c’est vraiment la bascule dans un autre monde : on flotte au-dessus de la chaussée -assez littéralement, d’une part grâce à la suspension pneumatique, d’autre part parce qu’on est assis à peu près à 3 km de haut. Le silence est d’or, que le 6 en ligne soit allumé ou non. Le frein moteur est quasi-inexistant, mais la pédale de frein a le bon goût d’avoir un feeling tout à fait naturel. Et j’ai signé pour être reconnaissant à vie aux roues arrière directrices, qui permettent de naviguer avec une aisance qu’on ne présagerait pas vraiment (j’ai même réussi à faire deux créneaux parfaits, petite fierté personnelle). Vu de l’extérieur, je suis peut-être un connard prétentieux dans son SUV hors de prix, mais je m’en fiche. Qu’est-ce que je suis bien.
Bon c’est cool qu’il se débrouille bien en ville, mais un Range, c’est quand même plus taillé pour tracer la route. Et là aussi, sans aucune surprise, c’est nickel. Les aides à la conduite sont globalement bien fichues, si on excepte le maintien en voie parfois un peu paumé. Le système de phares matriciels est quant à lui de bonne qualité, mais il m’a tout de même semblé un cran en-dessous de celui de Mercedes-Benz. L’habitacle reste d’un silence difficilement battable, seulement interrompu par le joli feulement du L6 en sortie de péage. D’ailleurs, en parlant de lui, sachez qu’il se stabilise autour des 10 l/100 km -sachant que le réservoir est de précisément 71.5 litres (-18.5 l par rapport aux versions 100% thermiques), je vous laisse calculer l’autonomie totale -en prenant en compte, le cas échéant, des ~90 km sur batterie.
Ah, puisqu’on parle de roulage en électrique ! J’ai été témoin d’un événement étonnant. En repartant des plages du débarquement batterie vide, je rentre l’adresse d’un ami à Sèvres chez qui j’allais dîner dans le GPS. Sur la route, je vois la jauge de charge de la batterie augmenter petit à petit, me laissant croire que j’arriverai à Paris batterie pleine. Raté : la recharge se bloque à 7 km d’autonomie, me laissant pour le moins perplexe. Pourquoi pas plus ?? J’eus ma réponse en traversant l’A86, me faisant donc entrer dans la ZFE parisienne : le Range passa automatiquement en mode électrique avec…7 km restants avant d’arriver à destination. Vraiment intelligent.
Vous l’aurez compris, mon article est pour le moins élogieux. J’ai adoré ces trois jours passés dans mon Range hybride. Seulement voilà : ce dernier coûtait 183 748 €. Et 183 748 €, c’est quand même beaucoup. On peut s’acheter un appart correct dans des villes correctes pour cette somme. Est-ce qu’il la vaut, cette somme ? Est-ce qu’il mérite qu’on lui consacre le prix de deux XC90 hybrides (et c’est bien, un XC90 hybride) ? J’en sais rien. (entendons-nous bien : le Range Rover est objectivement supérieur à tous les niveaux au Volvo, mais est-il deux fois meilleur ?)
Surtout que la concurrence ne nous aide pas : elle est inexistante. Là où on peut un peu plus y voir clair, c’est en comparant l’autre version hybride de 440 ch. Déjà parce qu’elle commence à “seulement” 139 400 €, mais aussi parce qu’un Porsche Cayenne e-hybrid similairement motorisé coûtera sensiblement la même chose à équipements équivalents. Sans compter que les prestations de cette “petite” version ne sont vraiment pas déconnantes par rapport à la mienne (0.5 s seulement de différence au 0 à 100 km/h, capacités de remorquage identiques).
Là, tout n’est que beauté,
Luxe, calme et volupté.
Baudelaire, c’était quand même un chic type. Déjà parce qu’il écrit bien, mais aussi parce qu’il a rédigé un poème qui rentre pile poil dans ce que j’essaye de vous faire comprendre à propos du Range Rover. “Là, tout n’est que beauté / Luxe, calme et volupté”. Ces vers célèbres permettent déjà de s’en faire une bonne idée, mais apprendre que le poème dont ils proviennent s’appelle “L’Invitation au Voyage”, c’était banco. C’est exactement ça, le Range. Une invitation à tracer la route, loin, longtemps, dans un cadre pour le moins somptueux. Le daron des SUV a encore frappé.
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Crédits photos : Jean-Baptiste Passieux