Le Bugatti Bolide : pour quoi faire ?

Il y a quelques jours, Bugatti a levé le voile sur sa dernière création, baptisée Bolide. Votre blog préféré n’a pas sorti d’article de suite, on s’est laissé le temps de la réflexion pour vous la présenter. Nous irons aussi un peu plus loin pour vous donner notre sentiment sur cette automobile assez particulière.

Avant cela, passons tout de même en revue les éléments techniques de la nouvelle alsacienne. Bugatti a voulu aller aussi loin que possible autour d’une version largement optimisée de son W16, unique moteur équipant l’ensemble de la production moderne (Veyron, Chiron, Divo, Centodieci et La Voiture Noire). De 1001 à 1600ch, le W16 accompagne la marque depuis sa renaissance commerciale. Il développe ici toujours 1600 chevaux, sauf à ce que vous l’alimentiez avec de l’octane 110, pas à la station Total en bas de chez vous donc. Dans ce cas, il vous offrira 1 850 chevaux. Cette puissance dantesque n’a que 1 240kg à déplacer, soit un rapport poids/puissance de 0,67kg/cheval. On est dans le registre la Formule 1. Premier bémol toutefois, c’est un poids à sec. Pour plus de justesse, il faudra ajouter une bonne centaine de kilos de fluides et essence.

C’est autour de cette pièce maîtresse que les ingénieurs ont conçu une monocoque en carbone avec pour seule contrainte les règles de sécurité de la FIA. Exit le lourd châssis de la Chiron, le W16 étant déjà assez pesant comme cela avec environ 500kg à lui-seul. En bref, Bugatti a juste habillé son moteur et les 2 sièges. On parle donc avant tout d’aérodynamique et d’appui, de déformation de la carrosserie et de rigidité. La voiture mesure 99cm de haut, soit 3cm de moins que la bien nommée GT40. La position de conduite est à l’avenant, vous êtes quasiment couché, comme dans une LMP1, on y reviendra.

Pour faire simple, Bugatti a conçu un prototype le plus extrême possible présentant des performances hors normes : plus de 500km/h en vitesse maximale (le sujet du moment auquel Bugatti a officiellement renoncé) et des accélérations non divulguées mais on parle ici ou là de 2.2 secondes pour atteindre 100km/h et 25 secondes pour les 400km/h.

C’est maintenant que l’on entre dans le vif du sujet et dans ma vision de cette voiture/concept. En effet, Bugatti débute son communiqué de presse par des temps au tour. Logique me direz-vous, le Bolide est pensé pour la performance pure. Sur le grand circuit du Mans, le Bolide tourne en 3 min 07 sec et 01 dixième et sur la Nordschleife en 5 min 23 sec et 01 dixième. Mouais… peut-être bien que oui, peut-être bien que non. Ces temps sont des calculs théoriques. Il vaut mieux dire “tournerait”. Si l’exercice de communication est bon, pourquoi ne pas être allé en Allemagne, avoir bouclé quelques sessions de tests et claqué un temps ? Surtout lorsqu’il s’agit de s’approcher aussi près du record absolu de la piste détenu par Porsche. 1er grief.

Le Bolide est un concept. C’est d’ailleurs plutôt un prototype puisqu’il semble parfaitement fonctionnel (mais pas assez pour aller me dédire pour l’instant sur le 1er grief). Bugatti s’est donc affranchi de toute règle pour le concevoir. Hormis le moteur, tout est entièrement nouveau. Certes, la performance technique semble extraordinaire, repoussant les limites de ce qu’une voiture thermique peut offrir. Mais finalement, ne serait-ce pas un peu facile (toute proportion gardée, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit) quand Ferrari sors une FXX-K sur base de LaFerrari ou Porsche une 919 Evo sur la base de sa voiture victorieuse au Mans ? Que nous proposeraient ces entreprises au savoir-faire immense si elles décidaient de se lancer dans un projet similaire ? 2e grief.

Enfin, où se trouve la passion et l’émotion dans le Bolide ? Un exercice de style technique reste une prouesse d’ingénieur. Tout amateur que je suis, je n’ai aucun moyen de juger les défis immenses auxquels ont répondu les ingénieurs alsaciens (oui oui, on sait, ils sont plutôt en Allemagne). Cette voiture ne foulera jamais les rues d’une ville encombrée, elle n’a pas pas daigné s’y adapter. Cette voiture n’ira jamais se mesurer à de robustes adversaires sur un circuit. Il lui manque ce qui fait vivre la passion : l’âme d’un auto, tout ce qui la différencie d’un simple assemblage de morceaux de métal qui s’anime.

Cette voiture ne ressemble d’ailleurs pas vraiment à une voiture mais à une LMP1. Mais alors pourquoi j’aime autant la Valkyrie ? Je l’ai dit : parce qu’elle a été conçue pour obtenir facilement une plaque d’immatriculation. Elle pousse le concept aussi loin que possible mais permettra d’aller chez Carrefour acheter une brosse à dent en toute légalité. Personne ne le fera (on prie pour que si) mais le simple fait de savoir que c’est possible est la clé de l’émotion. C’est cet apparent décalage qui fait tout le sel de l’auto. C’est le même décalage qui permet aux GT1 de la fin des années 90 d’être aussi populaires de nos jours.

En résumé, si le Bolide ne va pas plus loin que cette présentation, si il ne se frotte pas à la vie réelle ou à la concurrence d’une façon où d’une autre, je crains qu’il ne soit rapidement oublié. A Bugatti de me faire mentir, même ceux qui ont déjà un coup de coeur pour cette voiture n’attendent que ça.

Crédit photos : Bugatti SAS

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