L’une des stars du salon de Francfort 2017 fait enfin son apparition sur nos pages. Très attendue, longuement critiquée avant son arrivée mais une fois de plus plébiscitée par le grand public, la nouvelle génération de Mégane R.S. fait couler l’encre en raison de ses choix techniques plutôt audacieux pour le segment et en rupture totale avec sa devancière élevée au rang de légende. Une succession pas si simple que j’aurai plaisir à vous exposer à travers cet essai.
Suite à la disparition de la Mégane 3 R.S. 275 en 2016, les rumeurs sont allées bons trains quant aux prochaines caractéristiques de sa remplaçante. La Mégane GT (essayée ici) laissait entrevoir quelques indices notamment concernant l’utilisation de la technologie 4control. C’est finalement sous la forme d’une compacte imposante et aux lignes ramassées que la nouvelle mouture se laisse découvrir. C’en est fini du F4R remplacé ici par un 1.8 L Turbo partagé avec l’Alpine A110 et d’autres véhicules de la gamme Renault traditionnelle (Espace et Talisman), poussé pour l’occasion à 280 ch, soit seulement 5 de plus que la plus puissante des Mégane de série avant elle. Associée dans un premier temps au châssis Sport et à la boîte EDC, nul doute que cette version saura constituer une excellente mise en bouche avant de découvrir l’apport du châssis Cup et de la boite manuelle courant septembre et la version Trophy présentée d’ici la fin d’année.
Orange pressée
À l’occasion de sa présentation, la Mégane 4 R.S. inaugure par la même occasion une nouvelle teinte au catalogue : l’Orange Tonic. Couleur pastel sous le ciel gris et étincelante sous le soleil grâce à une nacre appliquée par dessus la base colorée (de même que le fameux Jaune Sirius), la teinte participe à la réussite stylistique du modèle. Et elle fait tourner les têtes cette Mégane… Le bouclier avant a été élargi pour accueillir les fameuses optiques à damier, nouvelle signature essentielle de la gamme R.S. ainsi que la traditionnelle “lame F1”. L’arrière fait également sensation notamment grâce à un diffuseur proéminent encerclant la sortie d’échappement centrale rappelant celle de sa devancière. Enfin, les ailes larges abritent de somptueuse jantes diamantées de 19 pouces (en option) au design particulièrement travaillé chaussées en Bridgestone Potenza de série. L’allure est musclée sans débordement, bien plus élégante et raffinée que la précédente mais surtout “passe-partout” si vous n’optez pas pour une couleur voyante. La Mégane côté style rentre dans le moule de la catégorie tout en affichant résolument son identité Renault Sport.
Compacte avant tout
Renault Sport l’a bien compris, proposer sa nouvelle génération de Ménage R.S. en 5 portes permettra de ratisser plus large et de venir titiller sur le segment les reines actuelles de la catégorie restées trop longtemps peu inquiétées par le losange depuis 2016. Je pense bien évidemment aux 308 GTi, Civic Type R, ou encore Leon Cupra que vous avez déjà eu l’occasion de découvrir à l’essai ces derniers mois. La particularité des “hot hatch” si chères à nos amis britanniques est de proposer des performances de premier ordre sans pour autant sacrifier le côté pratique. Ainsi, Renault Sport reste fidèle à la tradition et opère très peu de changements à l’intérieur par rapport à une Mégane de grande série. Les sièges typés baquet sont identiques à ceux proposés dans la GT, le volant également mais gagne un sigle RS ainsi qu’un gainage en Alcantara (je viens de découvrir que c’était une option à 1500€, outch….). Des incrustations imitation carbone viennent finir l’ensemble et les surpiqûres rouges remplacent celles de la GT. Point de folie sur cette première déclinaison et je me souviens encore des vives critiques apparues sur les forums lorsque l’habitacle fut dévoilé pour la première fois. Ne pas oublier que nous avons ici affaire à la version Châssis Sport, d’autres sièges baquet (Recaro ?) viendront sûrement accompagner le lancement de la Trophy. Les sièges de série confèrent toutefois un maintien exemplaire et particulièrement important au niveau des cuisses. La position de conduite peut également être réglée très basse contrairement à d’autres compactes à l’assise typée SUV. Enfin, la force de cette Mégane réside également dans la place à bord. Sans avoir à bouger le siège conducteur, je loge sans mal mon 1m85 à l’arrière sans avoir à courber l’échine ni à batailler pour trouver de l’espace aux genoux. Pour en finir avec les aspects pratiques, le volume du coffre reste inchangé pour atteindre les 434 litres, l’un des meilleures scores de la catégorie. La Mégane R.S. des familles, et si c’était possible ?
Le quotidien en Mégane R.S.
Ceux qui ont eu l’occasion de conduire régulièrement une Mégane 3 R.S. vous le diront, elle n’était pas la compagne idéale du quotidien. En raison de son type de carrosserie d’une part mais également à travers sa fermeté de suspension difficilement conciliable avec l’état de nos routes ces dernières années (j’en profite pour dire que c’est un véritable scandale). L’objectif de Renault Sport avec la 4ème génération est bien de casser cette idée pré-conçue sans pour autant sacrifier l’aspect plaisir de conduite que j’espère bien retrouver une fois arrivé sur mon terrain de jeu favori. Moteur. Le 4 cylindres 1.8 L biturbo s’ébroue gentiment dans un son rauque agréable à l’oreille. La Mégane impressionne par son gabarit imposant et sa faible rétrovision par la lunette arrière ne facilite pas les choses pour m’extirper des petites rues de Boulogne-Billancourt. Je rejoins toutefois rapidement la N118 en direction de l’Ouest parisien et ses petites routes dégagées. Je remarque immédiatement l’excellente insonorisation. Enfoncé dans mon siège, profitant du système Audio Bose configurable à l’envie, cette nouvelle Renault Sport se dévoile être une parfaite compagne de trajet au long-court avalant avec brio les quelques imperfections de revêtement trop nombreuses. Pour les longs trajets, on regrettera presque l’absence d’un 7ème rapport sur cette boîte EDC qui tire plutôt court comme nous auront l’occasion de le constater ci-après. L’écran central accueille le nouveau R-Link 2 intégrant CarPlay. Dommage qu’Apple ait bloqué son application au format rectangulaire, l’espace noir au dessus et en dessous de l’affichage du menu principal laisse un sentiment d’inachevé et la verticalité de l’écran de la Mégane n’est ici pas optimisée. Ce sera malheureusement le cas également pour toutes les voitures dont l’écran multimédia est vertical. Le système de réglage de type de conduite Multi-Sense propose en tout 5 modes de conduite différents à l’instar de la Mégane GT, à cela près que le mode “eco” est remplacé par le mode “race”. On retrouve donc respectivement : Comfort, Neutral, Sport, Race et Perso avec 4 modes d’affichage pour le compteur central. En “Comfort”, l’écran affiche un compteur de vitesse à aiguille à la lumière bleue douce et reposante. Toutefois, le manque de réponse à la pression de l’accélérateur parfois essentiel en région parisienne me conduira à l’abandonner au profit du Mode Neutral qui affiche un compteur identique mais aux couleurs neutres. Sur un trajet mixte, aux allures réglementaires et aux changements de vitesses peu fréquents, j’ai pu constater une consommation moyenne de 8.3 L / 100 km. C’est moins que le vieillissant F4R 2.0 L sur un trajet équivalent mais pas tout à fait au niveau de mes espérances en termes de sobriété au regard de ma conduite souple (j’en vois qui rigolent au fond, bien sûr que je sais avoir une conduite souple).
Digne héritière
Alors oui, avec 1430 kg à vide sur la balance, la Mégane R.S. est plus lourde que la concurrence (mais pas beaucoup plus que la précédente), la faute en partie au système 4control. Pourtant, ces quelques kilos de trop que vous rechignez de votre côté à perdre avant l’été vont avoir leur utilité, et pas des moindres… Car en effet, les différents modes ne conduite n’ont pas uniquement effet sur la fermeté de la direction ou la réactivité des pédales, mais également sur le système des 4 roues directrices. Ainsi, en mode “Sport”, les roues arrière tournent dans le sens opposé à celles de devant jusqu’à 80 km/h contre 30 en temps normal. Le résultat ? Une aisance sans pareille sur parcours sinueux. Même si mes paroles peuvent paraitre très théoriques, c’est bien là la marque Renault Sport : un châssis aux petits oignons. Et pour garder le caractère si trempé qui a fait la légende la Mégane 3 R.S. (que vous pouvez redécouvrir ici), les ingénieurs un peu fou de Renault Sport ont effectué un travail dantesque sans rien laisser au hasard. Le bruit tout d’abord. Quelque soit le régime moteur ou le mode enclenché, c’est un son rauque permanent qui envahit l’habitacle sans pour autant donner un effet de saturation (comme c’est le cas dans la 308 GTi). Même si des haut-parleurs sont disposés en haut entre les portières avant et arrière, c’est bien l’échappement qui a été travaillé. Et si le mode “Sport” permet des déflagrations dignes des allemandes les plus énervées, le mode “Race” place la barre encore plus haut et chaque rapport passé vous rapproche un peu plus du Nirvana. Mais sur route ouverte, nous nous contenterons principalement du mode Sport.
Parlons-en des rapports. Bien que la boîte EDC soit une première sur la Ménage R.S., le caractère a été préservé avec des rapports de boîte très courts dans la plus pure tradition du petit atelier des Ullis. La 3ème plafonne ainsi à 120 km/h en titillant le début de la zone rouge à 6250 trs/min. Zone rouge que l’on atteint bien vite et avec entrain tant le 1.8 L propose une montée en régime parfaitement linéaire sans le moindre essoufflement, et c’est bien ce côté là que j’avais peur de voir disparaitre par rapport à l’ancien 2.0 L. Quand au 4control, c’est une première sur une compacte sportive et bien que j’en garde un excellent souvenir sur la Mégane GT, je me demandais bien quel allait être le résultat sur une voiture au tempérament plus affirmé et à une utilisation forcément bien plus intensive. La sensation est bluffante, et la Mégane 4 R.S. a bien plus de points communs avec sa devancière que Renault Sport ne le laissait entendre jusqu’alors. Si les chevaux peuvent venir à manquer en ligne droite, l’ensemble moteur/boite/4control est d’une logique sans pareil. La Mégane se mène de virage en virage avec une facilité déconcertante. Le freinage est puissant et rigoureux, avec des suspensions à butée hydraulique qui absorbent les imperfections de la route sans faire rebondir l’avant. Le moindre coup de volant se traduit instantanément par 10 secondes dans la vue à votre poursuivant et sûrement bien plus sur sol détrempé que j’ai eu l’occasion d’expérimenter.
En tout franchise ? Je n’étais jamais passé aussi vite avec une compacte sur un tracé que je connais pourtant par coeur, et Dieu seul sait que j’ai une sainte horreur de la pluie en voiture. Le 4control travaille sans arrêt (et ça se sent dans le bas du dos, assez déconcertant la première fois), apportant une stabilité déconcertante en courbe rapide et allant jusqu’à supprimer toute trace de sous-virage en sortie d’épingle. Même sur route difficile, les Bridgestone Potenza une fois chauds (attendez qu’ils prennent bien 0,2 à 0,3 bar via l’écran de contrôle) ne souffrent d’aucune perte d’adhérence et le train avant motrice d’une force impressionnante. Je me suis même surpris lors de freinages appuyés avant un virage serré (sur sol sec cette fois-ci) à placer l’avant à la corde en créant une légère dérive du train arrière que l’ESP permet avant d’intervenir de manière quasi-imperceptible.
Le 4control devient une telle évidence que l’on se demande comment personne n’a pu y penser avant… Et c’est là que me viennent en tête les détracteurs de la Mégane R.S. lors de sa présentation. Pourquoi vouloir plus de chevaux lorsque le résultat est déjà si convaincant ? Mais pourtant, Renault Sport va le faire… Imaginez, 20 ch de plus, des sièges baquet, un châssis encore plus affuté et sûrement un kit gros freins. Ça va être une véritable boucherie, à n’en point douter. Je ne sais même pas si je suis prêt pour ça…
Succession difficile, défi réussi
On peut lui reprocher beaucoup de choses, un manque d’exclusivité, un habitacle quelque peu austère ou prix rédhibitoire. Mais jamais ô grand jamais je ne vous laisserai douter une fois de plus de son manque de caractère. La Mégane 4 R.S. est un pur produit Renault Sport, engageante à a conduite et maintenant dotée de tous les attributs nécessaires pour la rendre vivable au quotidien. Et si c’était elle la compacte parfaite ? Pour moi il y a bataille. J’attends maintenant avec grande impatience la prochaine étape pour voir si la Renault réussira à balayer la place de la Civic Type R dans mon coeur…
Pour patienter, il en reste toujours une que nous attendons d’essayer prochainement… Et bien d’autres encore puisque nous vous préparons un été particulièrement riche en essais sportifs inédits. À dans quelques semaines !
Un grand merci à Renault Sport pour ces quelques jours endiablés.
Crédits Photos : Maurice Cernay