Réduire Yelle à Je Veux Te Voir revient à réduire la Mégane aux versions professionnelles blanches sales diesel avec enjoliveurs : ça fait qu’on passe à côté de vraies pépites, comme cette diabolique RS Trophy.
La RS Trophy, on en a déjà parlé ici. Nous avons eu la chance d’être conviés par Renault sur le Nürburgring en Juin dernier pour l’officialisation des deux nouvelles séries spéciales de la compacte sportive de Renault : la Trophy, donc, mais aussi la Trophy R, détentrice du record du tour de la Boucle Nord catégorie traction avant avec un très impressionnant 7’54’’340. Notre brave Emeric s’était gentiment dévoué et vous pouvez retrouver ses impressions de la Trophy sur circuit en cliquant ici [spoiler : il a apprécié]. Nous avons cependant voulu savoir ce que valait cette petite bombe en conditions normales, c’est-à-dire sur route. Verdict.
First things first, dirait Iggy. Commençons donc par le style extérieur. C’est d’ailleurs assez dingue à dire, mais, malgré ses 6 ans cette année, je trouve la ligne de la Mégane coupé toujours dans le coup : j’aime toujours autant son petit côté trapu et ramassé. Alors, forcément, quelques restylages sont passés par là. Le dernier en date lui a permis de la rattacher à la nouvelle génération de Renault en adoptant la calandre LVDA, avec un large bandeau joignant les deux phares et un démesuré logo en son centre (sérieusement, il fait la taille de ma main). Les phares ont reçu un nouveau dessin, et les détails blancs sur fond noir permettent de donner du caractère au regard sans recourir à une guirlande de LEDs. Malin.
A part ça, on retrouve les éléments traditionnels de la Mégane RS, à savoir des voies élargies, un petit becquet et des boucliers spécifiques avec, à l’avant, une lame imitation F1 et, à l’arrière, une sortie centrale d’échappement entourée d’un extracteur. Sans compter, bien évidemment, le presque mythique Jaune Sirius qui équipait notre exemplaire d’essai. C’est certes une option à 1 600 €, mais la beauté de cette teinte, passant du jaune opaque à un bouton d’or ultra profond selon la luminosité, fait sans nul doute partie du folklore des Renault Sport, et il serait dommage de passer à côté. Tant pis pour le côté un poil m’as-tu-vu. Dans ce cas-là, me direz-vous, comment reconnaître une Trophy d’une RS tout court ? Il suffit de mirer la lame avant qui passe au gris alu, les jantes Speedline spécifiques à 11 branches, les stickers sur le flanc et la sortie d’échappement qui passe au titane avec un petit logo Akrapovic. Si vous voulez la jouer discret, faites-la peindre en gris, virez les stickers (c’est possible) et vous aurez un beau joujou qui saura rester –relativement- discret.
Même combat pour l’intérieur, avec un dessin que j’apprécie toujours autant, tout en courbes délicates et reposantes. Si, à bord de la Trophy R, la banquette arrière, la clim et même la radio ont fait leurs valises, sacrifiées sur l’autel d’un allégement extrême, la Trophy « normale » garde ses 5 places assises, sa clim auto bizone et son R-Link. Concernant ce dernier équipement, je dois avouer être confus. Lors de la première prise en main, avec le Scénic Xmod, je l’avais trouvé parfait à tous points de vue. Lorsque que j’ai eu la ZOE, de multiples bugs ont commencé à altérer mon jugement initial. Et je dois dire que ce week-end passé en compagnie de ce système multimédia ne m’a pas laissé un souvenir impérissable : ce n’est pas tant la position de l’écran, beaucoup trop en recul pour pouvoir profiter du tactile, qui me dérange (une petite platine de contrôle entre les sièges y remédie), mais la navigation entre certains menus m’a semblé un peu confuse et quelques raccourcis pas franchement bien foutus. Jean-Baptiste et le R-Link, un feuilleton passionnant à suivre.
Du coup, on se retrouve (presque) dans l’habitacle d’une Mégane dCi 110. Je dis presque, car deux éléments méritent tout de même le détour. Le premier, les sièges : Renault a troqué ses fauteuils maison par des Recaro Sportster mêlant cuir et alcantara. Le deuxième, le volant, avec une jante intégralement recouverte de suédine et un petit rappel de position en son sommet. Le mix des deux offre un rendu absolument parfait, comme on s’en rendra compte plus bas dans l’article. De fait, le seul défaut à cet habitacle viendrait du tissu (? je ne sais même pas trop ce que c’est en fait) des contre-portes, imitant assez mal la fibre de carbone et offrant un rendu plutôt cheap. A part ça, les places arrière sont logeables (malgré l’impossibilité de glisser ses petons sous les baquets) et le coffre est plus que généreux, malgré un seuil de chargement absurdement haut.
Il est temps de démarrer. En m’installant à son bord, j’ai la bonne surprise de découvrir que, malgré les baquets à gros maintiens latéraux, on arrive à se glisser au volant –ou à en sortir- en gardant sa dignité. J’ai alors tout loisir de réfléchir à la grande question qui me taraude : que vaut-elle par rapport à la féroce RCZ R et ses 270ch, que j’avais essayé l’hiver dernier ? J’aurai ma réponse tout au long du week-end. Comme d’habitude avec Renault, la carte mains-libres reste sagement dans la poche de votre jean que ce soit pour ouvrir la porte ou démarrer le 4 cylindres 2.0l turbocompressé de 275 ch. Car oui, la Trophy offre 10 ch de plus que la RS « de base », tandis que le couple reste lui inchangé à 360 Nm de 3 000 à 5 000 tr/min. Une pression sur le bouton Start et le moteur s’ébroue dans un bruit assez grave, mais plutôt basique.
Mais avant de commencer les choses sérieuses, il faut d’abord que je passe chercher Gonzague en plein cœur de Paris avant de filer vers le Nord via l’A16. Un bon moyen de découvrir ce que vaut la Renault dans un environnement quotidien. Réponse : assez surprenante. La Trophy est équipée de base du châssis Cup, qui apporte un différentiel à glissement limité et des suspensions raffermies. Et ça se sent plutôt bien : votre bassin sera informé du moindre raccord, du plus petit pavé, de la plus infime déformation de la chaussée passant sous les roues de l’auto. Mais, et c’est ce qui m’a le plus surpris dans l’affaire, la voiture n’est pas inconfortable pour autant : je suis sorti de la Mégane après plus de 3h de route en parfaite condition, sans le moindre début de mal de dos. La position de conduite absolument parfaite et les sièges au maintien sans défaut y sont sûrement pour quelque chose. N’empêche qu’elle n’est pas la plus facile à vivre dans les bouchons, notamment à cause de son embrayage à la course assez dure. La Peugeot, dans cette situation, était plus prévenante.
Lendemain matin, il fait beau, la chaussée est sèche : il est grand temps de voir ce que vaut la Trophy quand on appuie un peu. Pour en profiter un max, il faut d’abord sélectionner le mode Sport (dont le bouton est presque aussi impossible à trouver que celui du régulateur) pour déverrouiller les derniers 25 ch –et oui, en mode Normal, « seulement » 250 ch sont dispos sous la pédale de droite- et passer l’ESP en mode intermédiaire. Un troisième mode, Race, est également disponible, et permet quant à lui de se passer entièrement du contrôle de stabilité. Et que la fête commence. Et il y a beaucoup de choses à dire. Le moteur (nom de code qui pète : F4RT –pire nom du siècle), d’une étonnante souplesse à bas régime, ne donne cependant son meilleur qu’après les 3 000 tr/min pour cavaler de toutes ses forces jusqu’au rupteur, sans jamais s’essouffler. En théorie, les 100 km/h sont atteints depuis l’arrêt en 5,8 petites secondes. Bloc merveilleusement bien secondé par la boîte de vitesse à 6 rapports, bien étagée et aux débattements courts et précis (le pommeau aurait juste gagné à indiquer, sinon l’ensemble des rapports, au moins comment enclencher la marche arrière, ça m’aurait évité quelques minutes de solitude). Le seul micro-défaut viendrait de la ligne Akrapovic : si basculer en mode Sport/Race ouvrira les clapets et permettra au 4cyl de faire entendre sa voix, il faut vraiment mettre le pied dedans pour entendre un son grave et appréciable (et, bonus, un petit crapotage au lever de pied toujours agréable). Le reste du temps, c’est un bruit beaucoup plus basique qui arrive à nos oreilles. J’ai bien l’impression que cette ligne en titane a d’abord été choisie pour sa légèreté (-4 kgs par rapport à la ligne classique) plutôt que pour sa sonorité de folie…
Concernant les liaisons au sol, il n’y a ici non plus pas grand-chose à jeter : la direction est d’une précision sans faille, les remontées de couple sont quasi-inexistantes et on peut savoir exactement ce qui se passe au niveau du train avant. Il n’y a d’ailleurs pas grand-chose à dire, tant celui-ci est collé à la trajectoire dessinée : il faut vraiment le faire exprès pour le mettre en défaut. On ne peut pas dire la même chose du train arrière : autant il ne se passe pas grand-chose en mode Normal, autant quand l’ESP se fait plus permissif, on sent tout de suite qu’il aime se balader. Oh, pas grand-chose, juste ce qu’il faut pour nous coller une banane d’enfer : il faut sentir la voiture se déhancher légèrement dans les virages et aider la voiture à se placer idéalement pour comprendre. C’est jouissif à souhait. Et pour les kékés des ronds-points, y lever le pied permettra de réaliser de jolis travers, parfaitement contrôlables [quoiiiii, nous, s’abaisser à ça ? que nenni, que nenni]. La prise de roulis est quasiment inexistante, tandis que la pédale de frein offre une consistance très appréciable et permet de mordre dans les Brembo exactement comme on souhaiterait.
Mais pour moi, le point crucial de cette Mégane est qu’elle s’apprécie, en plus de ses capacités techniques assez incroyables, par les sensations qu’elle procure. C’est une auto exigeante, dans le sens où il faut un minimum de connaissances de conduite pour en extraire tout le jus. Elle attend du conducteur des ordres clairs et une maîtrise parfaite de ses mouvements, sous peine d’une correction immédiate. En échange, elle suivra à la perfection les trajectoires qu’il dessine et le gratifiera d’une joie et d’une excitation difficilement atteignable dans beaucoup d’autres voitures. C’est cette implication dans la conduite qui m’a vraiment rendu dingue de cette bagnole. Une fois qu’on y a goûté, tout nous semble tellement fade… Un état qui me poursuit encore aujourd’hui à la rédaction de cet article.
Il faut cependant faire un petit aparté sur ce qui se passe lorsque la chaussée est mouillée. Pour comprendre, il faut bien connaître les spécifications de notre modèle d’essai. Des trois options disponibles pour la Trophy, notre exemplaire faisait l’impasse sur la très utile caméra de recul pour se focaliser sur les 2 autres, beaucoup plus focalisées perfs : j’ai nommé les amortisseurs réglables Öhlins (2 500 €)…et les semi-slicks Michelin Pilot Sport Cup 2 (2 000 €), en lieu et place des Bridgestone d’origine. Si, sur le sec, ces gommes sont sans nul doute grandement responsables du tableau idyllique dépeint ci-dessus, en bonnes semi-slicks qu’elles sont, elles n’aiment pas du tout du tout du tout les chaussées humides. Rien que manœuvrer l’auto en jouant sur l’embrayage vous fera comprendre, avec un train avant qui ne pense qu’à décrocher. Et vous devrez travailler votre humilité sur la route, sous peine de vous faire quelques frayeurs. A vous de voir.
Un dernier petit passage pour parler finance : si la Mégane RS 265 commence à 32 350 € (pour loler, une GT et son diesel de 165 ch coûte 50 € moins cher), la Trophy, elle, s’offre à partir de 38 300 €, soit 6 000 € d’écart. Pour comparer, la RCZ R débute à 43 350 €, avec il est vrai un malus moindre (500 € chez Peugeot vs 2 200 pour la Mégane). En ce qui concerne la conso, nous avons relevé une moyenne de 12 l/100 km à la fin de l’essai.
Vous l’aurez donc compris : cette Mégane RS Trophy est un jouet fantastique. Comparée à la RCZ R, elle perd peut-être un peu en polyvalence (et encore, tout est relatif), mais, en terme de plaisir de conduite, je la place en première place sans hésiter : elle a du caractère, elle se mérite, elle est intense. Sur les mêmes routes où la Peugeot filtrait incroyablement bien le relief de la route, laissant au conducteur le soin de passer les virages à des vitesses absurdes, le pilote dans la Renault devra se cramponner au volant pour garder sa trajectoire. Il en sortira sûrement plus fatigué d’avoir été autant impliqué dans la conduite, mais sans aucun doute plus heureux d’avoir dompté la bête. Dans ce sens-là, elle me rappelle une autre vieille amie : la 370Z Nismo et son V6 de 344ch, dans laquelle j’avais ressenti à peu près la même chose. C’est d’ailleurs dingue que de telles autos soient commercialisées en 2015, dans des temps où les voitures s’affadissent de jour en jour pour répondre à des normes toujours plus contraignantes. Personnellement, ça me ne gêne pas du tout…
Et qu’en pense Gonzague ?
Bah oui, il l’a conduit, il a bien le droit de s’exprimer le petit.
Je pense avoir fait quelques 250 kilomètres au volant de la Megane RS Trophy. Mon avis version concis : le véhicule est vraiment surprenant par ses caractéristiques et performances VS son prix de vente. Pas si cher que ça pour l’équipement qu’embarque la Mégane RS Trophy et qui lui confère des arguments… qu’on sent bien une fois confortablement installé dans les sièges “baquets”. Lesdits sièges ayant le bon goût de ne pas être insupportables lorsqu’on fait de la route. Avantage aussi à une suspension qui n’est pas extrême dans sa sportivité et qui ne donne pas le côté “tape cul” que d’autres véhicules procurent.. Euh.. font subir. Côté boite de vitesse, la boite méca est efficace par contre il faut deviner où sont les rapports puisque rien ne l’indique. Niveau sportivité, comportement en conduite dynamique on prend littéralement son pied à passer l’ESP en mode “Sport” ce qui laisse la voiture filer un petit peu plus, lui apporte un côté sauvage-mais-pas-impossible-a-rattraper. Ce sentiment est accentué par la monte de pneumatiques .. semi slick sur la version qu’on a essayé. Le revers de la médaille est que ce n’est pas vraiment l’idéal en hiver. Mon plus gros reproche concernant la Megane c’est finalement le système R-Link qui est lent, pas du tout intuitif et qui a bien trop de boutons mélangés à un écran tactile.. il y a des améliorations ergonomiques à faire. Par chance je pense qu’on n’achète pas une RS Trophy pour son GPS et dans tous les autres domaines, elle délivre ce que je préfère dans les voitures : un sourire et des sensations.
Un grand merci à Renault pour l’aimable prêt !
Crédits photos : Gonzague Dambricourt, Jean-Baptiste Passieux
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