« T’as vu, Mitsubishi a renouvelé son L200 – Bof, ça m’en touche une sans secouer l’autre – Bah t’as tort, ça n’a rien à voir… »
La magie de notre univers et de notre passion commune réside dans le fait que certains essais, dont on n’attend rien d’extraordinaire, peuvent se révéler de divines surprises. Oui, je sais que ce genre d’introduction a tendance à ruiner tout le suspense, mais la quête d’instantanéité du monde moderne fait dire dans les écoles de communication que désormais, quand tu as un truc à raconter, il faut balancer toute la purée direct, tout de suite. Faire le buzz.
Voilà donc qui est fait : le Mitsubishi L200 2016 est vachement mieux que le Mitsubishi L200 2015. L’essentiel ayant été dit, vous pouvez passer immédiatement à un autre article de notre mirifique blog.
Sauf si vous voulez en savoir un peu plus.
Le jeu des 7 erreurs
Car, je suis le premier à l’admettre, il faut un certain coup d’œil pour déceler la nouveauté. Avant tout, il faut déjà être fan de pick-up, mais ce travers touche un nombre croissant de nos contemporains, sans doute alléchés par la posture de baroudeurs que leur confère la conduite d’un tel engin. A moins que ce ne soit l’absence de malus écologique, voire, pour ceux qui ont une entreprise en leur nom, l’exonération de TVS (taxe sur les véhicules de société) sur un certain nombre de ces modèles.
Et on l’a déjà dit très récemment lors des essais du Ford Ranger 3.2 TDCI Wildtrack ainsi que celui du Nissan NP 300 Navara King Cab dCi 160 : le pick-up, c’est super tendance.
D’où l’intérêt pour Mitsubishi de rester dans la course et de remettre son L200 au goût du jour : bienvenue donc à cette 5ème génération depuis 1978, la 4ème ayant été vendue à plus de 1,1 million d’exemplaires.
Par rapport à la génération précédente, il se distingue par sa face avant avec notamment des guirlandes de LEDs dans les optiques, ainsi que des flancs redessinés qui donne une meilleure jonction entre la cabine et la benne, là où le modèle précédent se distinguait par un trait arrondi au niveau des portes arrières. Par contre il conserve ses dimensions et, avec sa largeur d’1,81 mètre, il est en fait le plus étroit de la catégorie, d’où une allure un peu moins trapue que celle de ses congénères.
A l’intérieur, le nouveau L200 se dote d’une console centrale de dernière génération, plus moderne que celle du millésime précédent et similaire à ce que j’avais déjà découvert dans l’évolution 2016 de l’Outlander PHEV.
La gamme du new L200 est assez simple à comprendre : le Club Cab (avec deux petits strapontins) est dispo en finition de base Intense (à partir de 33 820 €), le Double Cab est en haut de gamme Instyle (à partir de 39 370 €) en BVM6 (contre 5 rapports sur la génération précédente) ou en BVA5 (que l’on espère plus réactive qu’avant), à partir de 41 070 €.
Donc, le blogessayeur de base, il va nous faire un essai des phares, de la porte arrière et du GPS ? Et bien pas du tout. Car le L200 possède également un tout nouveau moteur. Là encore, il faut faire un effort pour tout comprendre. Car l’ancien moteur 2.5 développait 178 ch à 3750 tr/mn, et le nouveau 2.4 sort 181 ch à 3500 tr/mn. On ne va pas convoquer la fanfare pour 3 petits chevaux, et c’est dommage. Car le couple progresse nettement : de 400 Nm à 2000 tr/mn à 430 Nm à 2500 tr/mn. Mais la bonne nouvelle, elle est destinée aux amateurs de boulons, rondelles et pied à coulisse : car ce bloc de 2442 cm3 à distribution par chaîne, est entièrement réalisé en aluminium et dispose d’arbres anti-vibrations et d’un calage variable à l’admission, une technique inédite sur un Diesel. Il promet donc d’être, dans le genre, silencieux et frugal.
Circulez, y’a rien à voir
L’an dernier, j’avais fait l’essai du L200 2015 dans sa série limitée Appalaches et je m’en étais servi pour transporter une moto en Auvergne pour participer à un Rallye Routier. Et bien pour que la comparaison soit complète, j’ai fait la même chose avec le nouveau, à une nuance près : plus de moto dans la benne cette fois, mais deux machines de course accrochées sur une remorque.
Et le nouveau modèle séduit déjà avant d’avoir appuyé sur le bouton « start », situé à gauche du volant. Car sur le L200 2015, la position de conduite était curieuse, assis relativement bas, mais avec les jambes plutôt hautes et les bras allongés, j’avais écrit l’an dernier que la position de conduite avait été conçue pour des gibbons. Sur le 2016, tout est rentré dans l’ordre et la position de conduite est nettement plus naturelle.
A l’intérieur, la qualité perçue a fait un petit bond en avant, mais ce n’est pas ça le plus flagrant. Car le L200 2015 était déjà bien sur ce point, avec notamment un bel intérieur cuir qui est reconduit sur le 2016 en finition Instyle. La logique de l’info-divertissement a changé, mais le GPS est encore un peu curieux. Par exemple, comme dans l’Outlander 2016, il faut appuyer sur le bouton « régler » pour valider une destination. Voilà ce que c’est de prendre un traducteur stagiaire.
Par contre, dès que le moteur est en marche, c’est la qualité nouvelle de l’insonorisation qui est remarquable. Claquements, vibrations et relents de machines agricoles ne sont simplement pas de la partie. Même à froid, le 2.4 Di-D sait se montrer discret et on ne l’entend quasiment pas tourner en vitesse de croisière. D’autant qu’il a, contrairement au Navara dCi 160 essayé tout récemment, fait le choix de rapports de transmission plutôt long : en 6ème, comptez 1500 tr/mn à 90 km/h et 2200 tr/mn à 130 km/h. Du coup, on pourrait s’attendre à changer de rapports en permanence pour relancer la machine.
Eh bien, pas tant que ça. D’abord parce que le 2.4 a une qualité : il est souple et discret. Il a aussi un défaut : il n’est pas très rempli sous 1500 tr/mn et se réveille vraiment au-delà. Là où le Navara permet de prendre des carrefours à angle droit en 3ème, le L200 devra rétrograder en seconde. Mais en fait, c’est pas grave du tout car sa boîte de vitesse est un exemple du genre : des débattements modérément amples, une marche arrière calée près de la 1ère, des verrouillages francs et un passage 4/5 très direct et pas au fond de la boîte à gants. Et tout cela sans la consistance cartilagineuse que l’on rencontre si souvent sur ce genre d’engins.
Mitsubishi ne donne plus d’indications sur le 0 à 100 km/h (l’ancien modèle le revendiquait en 9,6 secondes, ce qui me paraît assez optimiste), tandis que la vitesse de pointe passe de 175 à 178 km/h. Tout cela n’a que peu d’importance : ce qui compte, c’est que jamais lors de ce trip je n’ai eu le sentiment que le L200 était sous-motorisé, même chargé de tout le barda du rallyeman. Enfin, il y a quand même un petit creux sous 1500 tr/mn.
Et il y en a, entre les combinaisons de cuir, la tente, le matelas, les jerrycans d’essence, la caisse à outils, et le stock de Pom’Potes. Notre mirifique blog n’est peut-être pas le lieu adéquat pour en parler, mais on néglige souvent l’apport calorique d’une bonne Pom’Potes, notamment avant de partir en spéciale chrono, et notamment parce que tu vas partir pneus froids après avoir attendu deux heures parce qu’un concurrent, véridique, a décidé de prendre comme point de freinage la braise de la clope des commissaires de course sur une étape de nuit. Sauf qu’ils ne fumaient pas à ce moment-là. Et qu’il a fini dans le mur.
Admirez la transition, toute en souplesse : le L200 2016 n’a pas de feux automatiques. Par contre, il a un régulateur / limiteur de vitesse (le régulateur est cependant du genre passif, capable de vous laisse prendre 15 bornes de plus en descente à cause de la charge) et un système d’alerte (passif aussi) de maintien de ligne. Et il est zélé, le truc. Du coup, je l’ai désactivé sur le réseau secondaire.
Par contre, dans la dotation moderne d’équipements, j’ai apprécié la caméra de recul précise dans le grand écran central, et non plus collée à l’arrache dans le rétro comme sur l’ancien modèle ; ancien modèle qui possédait une ouverture de la lucarne arrière, passée à la trappe cette année.
Un bel outil
Inutile de tourner autour du pot : quand un nouveau millésime est, ouvrez le listing, plus confortable, silencieux, performant et agréable à conduire, c’est le carton plein, d’autant que la direction hyper démultipliée de l’an dernier à laissé place à un système nettement plus direct.
D’autant que la gestion des roues motrices est encore plus simple qu’auparavant, grâce à une large molette qui permet de gérer les modes ainsi que les gammes courtes. Cerise sur le gâteau : on peut passer de 2 à 4 roues motrices en roulant, jusque 100 km/h.
Ce qui n’a pas autant évolué que la concurrence, par contre, c’est la capacité de charge : la benne du L200 reste un peu plus petite que sur les dernières générations de pick-up. Certes, avant il pouvait tracter une remorque freinée de 2,8 tonnes et maintenant c’est 3,1 t, mais la concurrence va jusque 3,5 t. Ceux qui doivent emmener des chevaux ou un bateau verront peut-être la différence. Parce que pour des motos de rallye, ça change rien. Et les 1035 kilos supportés par la benne (945 kilos sur l’ancien modèle) font bien le boulot.
Autre excellente nouvelle : le confort de l’essieu rigide à l’arrière. Certes, à vide, le L200 tressaute un peu sur les irrégularités, mais il reste le bon élève de la catégorie. Et un peu chargé, comme je l’ai testé sur la plus grande partie de cet essai, il se révèle étonnement confortable. Même remarque à propos de la banquette arrière, agréable au contact et pas trop verticale.
Côté conso, l’ancien modèle dans les mêmes circonstances m’avait sorti une moyenne de 12 l/100, avec l’ancienne BVA très énergivore, et la comparaison directe est difficile avec ce nouveau modèle testé en BVM. Par contre, j’ai troqué une petite moto contre deux grosses et une remorque : résultat, 9 l/100 sur autoroute et 9,9 l/100 sur les départementales. Jolie progression, dans les deux cas. L’ancien modèle était donné pour 8,8 l/100 de conso officielle mixte et 233 grammes de CO2, alors que le nouveau est donné pour 6,6 l/100 et 189 grammes. L’exemption du malus reste un gros bonus.
Cette économie fiscale ne me fait pas oublier le prix des options : mon L200 coute 41 462 €, parce qu’il possède l’attelage (510 €), le revêtement de benne (312 €) et surtout le rideau coulissant à 1890 €. J’ai du mal à me dire que deux rails et un morceau de tissu renforcé valent vraiment un mois et demi de travail d’un smicard, mais ainsi va la vie.
Et c’est dommage, car à part ça, le L200 a vraiment progressé et fait magnifiquement bien le job.
Ce qui n’a pas été le cas des pneus King de la remorque (pourtant manufacturés par les plus grands experts chinois), qui nous ont laissé en carafe sur l’autoroute…
Photos : Gabriel Lecouvreur (& merci à Stef pour le travelling)