Prise en main : Citroën C4 Cactus. Au-delà des cases

C’est dur de faire des choses un peu originales. Ainsi, quand Citroën présente son C4 Cactus en 2014, l’accueil fut…timoré. Trop clivant ? Peut-être. Je vous ai compris, rétorque la marque, et lance une version lourdement restylée. Raté : les réactions furent à peine moins froides. Critique principale : la voiture y perd son originalité – je le sais, c’est ce que je disais à l’époque. Mais est-elle devenue une voiture comme les autres ? Je me suis rendu dans le Lubéron pour prendre en main cette C4 Cactus et essayer d’y voir plus clair.

Ce qui est intéressant avec cette seconde rencontre, c’est que j’ai pu appréhender la Cactus sous un angle plus apaisé, à tête refroidie ; ça permet de balancer avec ma réaction à chaud du premier article. Je ne vais ainsi pas revenir sur mon avis concernant le dessin extérieur, seulement insister sur l’incroyable progression de la qualité perçue. Mettez cette nouvelle Cactus à côté du premier du nom et celui-ci vous fera l’effet d’un jouet –je mets de côté la sublime configuration blanc nacré / Airbump marron, pour moi d’une modernité et d’une fraîcheur encore inattaquées. Cette cuvée 2018 présente bien et devient plus sérieuse tout en gardant quelques fantaisies, à l’image de ces ponctuelles de couleur autour des antibrouillards et de ce qui reste des Airbump, ou quelques teintes originales, comme ce joli bleu canard façon Pantone 3145. Une petite critique aussi : l’abandon des Airbump et des barres de toit rendent le profil lisse et bas, et cette caractéristique couplée aux porte-à-faux très courts donnent un petit effet teckel sous certains angles.

L’intérieur a beaucoup moins changé : la planche de bord ultra-minimaliste et plate est toujours là, seulement dérangée par deux écrans. Le principal gagne une navigation connectée mais continue à centraliser l’ensemble des fonctions de confort : climatisation, téléphone, radio, navigation… Le second, lui, ne change pas et reste tout de même un peu trop dépouillé (un compte-tour, c’est quand même utile…). Ce dont il faut parler, en revanche, ce sont ces sièges. Ces #@£§¤ de sièges. Regardez. Regardez-les.

N’avez-vous pas envie de vous vautrer dedans ? De leur confier votre douillet postérieur pour l’éternité ? Ces sièges –que dis-je, ces fauteuils, ces sofas- se prénomment Advanced Comfort, sont une option à 350 € et ne pas les cocher dans votre bon de commande ferait de vous la pire quiche de l’univers. Pourquoi cela ? Parce qu’en plus d’être divinement beaux et accueillants, ils sont bourrés de mousse à haute densité qui parviennent à associer moelleux suprême et maintien très acceptable –on n’est pas dans un Recaro, mais ce n’est pas le principe.

Passons sur le reste de l’habitacle. Les rangements sont omniprésents, tous de très belle capacité, souvent pratiques (la boîte à gant qui s’ouvre par le dessus, meilleure idée), mais quelques détails viennent ternir le tableau. Je pense à l’accoudoir central absolument inutilisable (à moins d’avoir les jambes d’un mannequin de la fashion week) ou aux contre-portes ni compartimentées ni moquettées : tout valdingue à la première accélération en faisant du bruit et ça m’énerve. J’ai également un problème avec les places arrière, où règne une étrange sensation de confinement. Peut-être à cause de l’habitabilité tout juste correcte, ou des sièges avant très massifs ? Peut-être un peu des deux, mais toujours est-il que je ne me sentais pas vraiment à l’aise. Étrange. Terminons sur le coffre, de taille décente (358 litres) mais qui souffre d’un seuil de coffre vraiment trop haut perché et à la modularité ultra basique. Un intérieur qui souffre le chaud et le froid, donc.

En route ! On va commencer par expédier le moins intéressant : les motorisations. J’ai pu essayer le PureTech 110 EAT6 et le 130 BVM6 et, pour les deux, aucune surprise : le 110 est toujours pêchu mais bruyant, l’EAT6 est toujours aussi douce mais toujours aussi paresseuse, avec une vraie flemme à rétrograder. Le 130, lui, profite du poids plume de l‘auto (1 045 kg) pour pétiller comme jamais et se payer le luxe de dépasser les 200 km/h en vitesse de pointe. Comme je vous le disais, aucune surprise –en même temps, on n’attendait pas la Cactus à ce chapitre. Non, là où on l’attendait, c’est bien entendu au niveau de ses fameuses suspensions…

Pour rappel, la C4 Cactus embarque en première européenne les nouvelles suspat’ de la marque, avec un amortisseur à butées hydrauliques progressives. Alors pour vous expliquer le principe je vous ai trouvé une vidéo tip top de Matthieu Turel :

Voilà, vous connaissez la théorie. Passons à la pratique ! J’arrive dans ma p’tite Cactus avec cet espoir fou, celui vendu par le marketing : l’effet « tapis volant ». Alors moi, forcément, quand on me dit ça, mon esprit part loin et se retrouve dans la Rolls-Royce Wraith qui hante encore mes nuits. En gros, un vrai tapis volant, qui supprime toute aspérité de la route et donne l’impression de vraiment survoler la route. Je ne pouvais donc qu’être déçu lorsque le premier dos d’âne ne fut pas gommé. Il faut donc être clair. Sur le prétendu effet tapis volant :

Ce que fait cette suspension, en revanche, c’est qu’elle rend les cahots moins…chaotiques. Elle rend la route plus douce. Alors, oui, on continue à sentir les plaques d’égouts, les raccords de chaussée, les gouttières. Pour autant, les trépidations sont superbement bien filtrées, les dos d’âne se font moins cassants. Tout devient un peu plus lisse. Donc voilà : la C4 Cactus n’est en aucun cas un tapis volant, mais plutôt une voiture sacrément confortable.

Ses suspensions ont également un effet secondaire plutôt appréciable : qu’est-ce qu’elle tient bien la route ! J’ai ainsi le souvenir ému du matin du second jour : à l’approche d’un rond-point, je me fais couper la route par une conductrice en A1. Je me décide de la poursuivre, mais je me retrouve dans une route archi sinueuse et détrempée, derrière une voiture au très bon châssis et conduite par ce qui est manifestement une furie connaissant chaque virage comme sa poche. Résultat : j’en reviens toujours pas mais je ne l’ai pas lâchée d’une semelle ! En fait, en entrée du virage, la Cactus va prendre du roulis, puis se stabiliser, prendre son appui et roulez jeunesse. Un peu comme une 2CV, en fait ! Et ça permet des vitesses de passage en courbe assez impressionnantes. Rigolo 🙂

Passons rapidement sur les tarifs : la C4 Cactus débute à 18 500 € avec une version totalement dénuée d’intérêt, puisqu’indisponible avec les suspensions magiques et les super sièges. En revanche, si vous tapez dans le milieu de gamme, vous pouvez vous en sortir avec des configs carrément sympa à 21/22 000 €.

Mais voilà le temps de conclure. Dans mon premier article sur ce restylage, dans lequel j’exprimais ma perplexité sur la perte de caractère de la voiture, un commentaire avait retenu mon attention : un dénommé « Lexpert » me consolait en me disant que, mais non, le Cactus qu’on aimait est toujours là, que ce n’était pas une nouvelle face avant qui avait changé quoi que ce soit à la philosophie de l’engin. Je me dois de tirer mon chapeau à ce monsieur : il a raison, tellement raison ! A tel point que je pousserais le bouchon un peu plus loin : et si, en rentrant dans le rang, la Cactus devenait paradoxalement encore plus unique ?

Je m’explique : avant, on pouvait encore la cataloguer comme un SUV compact. Sa taille sensiblement identique à un 2008 ou un Captur et ses protections omniprésentes pouvaient faire illusion. La comm s’en est d’ailleurs bien servi. Mais là, fini ! Plus d’Airbump, encore moins de SUV. Reste…la voiture, toute nue. Alors on peut essayer de la ranger dans une case…mais j’aime pas les cases et leur capacité à annihiler une personnalité en la réduisant à un point bien trop précis. Car la Cactus en a une, de personnalité. Une berline ? Les amis, cette caisse c’est tellement plus qu’une « simple » berline. Elle reste cette proposition complètement unique, à prendre ou à laisser, et qui profite de cet extérieur moins clivant pour s’affranchir de toutes les étiquettes qu’on voudrait lui coller. Et attention, quand on dit « s’affranchir des cases blablabla » on est généralement dans une pub toute pétée pour un parfum ou un SUV à la noix (Q2, T-Roc, des bisous). Là, on est dans la réalité. La C4 Cactus, c’est la C4 Cactus, point. Elle reste ce concept roulant, cette idée avec des sièges et un volant. On l’achète pour ce qu’elle est et non pas à cause des autres, et c’est tellement rare… Et c’est plutôt cool d’avoir ça dans son garage, non ?

Crédits photos : Jean-Baptiste Passieux.

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